• SC 597

    Alcuin

    Lettres. Tome I
    Collection I

    décembre 2018

    Introduction, texte critique, traduction, notes et index de Christiane Veyrard-Cosme.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre.
    Révision assurée par Isabelle Brunetière.
    ISBN : 9782204128650
    553 pages

    Le maître de la renaissance carolingienne à travers vingt de ses lettres, écrites en 799.

    Présentation

    Riche de près de 300 pièces, la correspondance d’Alcuin, conseiller de Charlemagne et, à partir de 796, abbé de Saint-Martin de Tours, est sans équivalent à cette époque. Recueillie par son ami Arn, archevêque de Salzbourg, la première collection, comprenant vingt pièces, est ici éditée avec un nouveau texte critique et traduite pour la première fois en français. Datable de 799, c’est la seule qui ait été établie du vivant du maître d’œuvre de la réforme carolingienne.
    Adressées à Arn, à des moines, à des élèves ou à d’anciens élèves, à Charlemagne lui-même ou à la reine Edilthrude, ces vingt lettres illustrent divers genres : consolation, précis exégétique, manuel pastoral, miroir du prince ou de l’évêque, et même « tombeau ». Le clerc anglo-saxon y fait la part belle à la Bible, à la poésie, tout en s’inspirant de Jérôme, d’Augustin, bien sûr, de Grégoire le Grand plus encore.
    Mais c’est surtout sa capacité à réagir à une situation nouvelle – la résurgence d’une hérésie, l’apparition de certaines pratiques – et à être un homme de son temps, soucieux d’une évangélisation pacifique des païens, de l’éducation des enfants, de la promotion des laïcs et des prêtres, de l’intégrité des évêques, du rôle majeur qu’un souverain comme Charlemagne peut jouer, qui fait l’attrait principal de ces Lettres.

    Christiane Veyrard-Cosme est professeur de langue et littérature latines à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3. Elle a publié de nombreux ouvrages, en particulier sur Alcuin : Tacitus nuntius. Recherches sur l’écriture des Lettres d’Alcuin (730 ? – 804) et La Vita beati Alcuini (IXe s.) : les inflexions d’un discours de sainteté (Institut d’Études Augustiniennes, 2013 et 2017).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Les Lettres d’Alcuin sont littéralement l’œuvre d’un maître. Diacre et magister à York, où il est né vers 730, Alcuin prend en 782 la tête de l’école palatine de Charlemagne, dont il est le conseiller et le précepteur des enfants. En 796, il devient abbé de Saint-Martin de Tours, où il continue son activité, jusqu’à sa mort en 804. Maître d’œuvre de la réforme carolingienne, le clerc anglo-saxon est l’artisan majeur du tournant culturel qui a marqué pour des siècles l’Occident médiéval – et qui a servi de charnière dans la transmission de la tradition patristique. Quoi de plus légitime et de plus souhaitable que son entrée dans la collection Sources Chrétiennes ?
    Et elle l’est d’autant plus que son œuvre littéraire, immense, est encore mal connue en tant que telle : réviseur du texte même de la Bible latine, il a aussi composé de nombreux commentaires bibliques, notamment sur le Cantique des cantiques, les Psaumes, l’Ecclésiaste, l’Évangile de Jean, plusieurs Lettres de Paul ainsi que l’Apocalypse. Il est également l’auteur de traités didactiques (comme l’Ars grammatica, le De orthographia, la Disputatio de rhetorica, la Disputatio de uera philosophia), de traités théologiques (comme le De Trinitate, le De fide, le De animae ratione), d’écrits hagiographiques, en prose et en vers (consacrés, notamment, aux saints Riquier, Vaast et Willibrord), d’ouvrages de morale (comme le De uirtutibus et uitiis), ou encore de traités polémiques contre certains hérétiques en Hispanie. Sous son nom, enfin, est conservé un très important corpus de Lettres.
    Avec 294 pièces, la correspondance d’Alcuin est imposante à la fois par son ampleur – de nombreux volumes sont prévus –, par la diversité des sujets abordés et par ses quelque 141 destinataires. Elle fait de lui un épistolier sans équivalent parmi ses contemporains. De Charlemagne même, on n’a conservé que 23 missives et, précisément, Alcuin lui a souvent servi de « plume » et lui a adressé plusieurs de ses lettres. Hormis 3 missives datant des années 780 et une quinzaine de pièces remontant aux années 793-798, la majorité des Lettres d’Alcuin appartient aux années 798-803, soit pendant l’abbatiat à Saint-Martin de Tours. Elles ont circulé par collections qui ont été établies par des destinataires. Arn, archevêque de Salzbourg (740/741 – 821), a ainsi constitué deux des trois collections les plus anciennes, conçues pour ainsi dire comme un mémorial en l’honneur de son ami Alcuin.
    C’est la première, datable de 799 et comprenant vingt pièces, qui est ici éditée. Étant la seule qui ait été établie du vivant de l’épistolier, elle occupe une place exceptionnelle dans l’histoire de la transmission des Lettres. L’une d’elles (la 11e) est une lettre de consolation envoyée à Edilthrude, ancienne reine de Northumbrie, dont le fils, le roi Ethelred, vient d’être assassiné. Parmi celles adressées à Arn, à des moines, à des élèves ou à d’anciens élèves, certaines répondent à des questions sur l’interprétation des Écritures, notamment concernant la symbolique des chiffres ; la 13e invite l’un d’eux à la réconciliation. D’autres mettent en garde contre des pratiques ou des doctrines hérétiques en Hispanie ; la 14e est un appel adressé à l’un de leurs instigateurs, Félix d’Urgel. L’ensemble forme ainsi une sorte de manuel de pastorale, soulignant en particulier le rôle des laïcs ou l’évangélisation non-violente.
    À ce propos, la 6e lettre a pour destinataire Charlemagne lui-même, qui le consulte sur le sens du mot « épée » dans les Écritures : une opportunité pour Alcuin de se faire entendre du puissant monarque, afin d’encourager les prêtres à prendre la parole, et une occasion d’orienter son regard vers « l’épée » la plus tranchante – la parole de Dieu.
    Recueillies avec soin, les Lettres illustrent plusieurs types épistolaires (conseil, consolation, félicitation, question/réponse, exhortation, etc.), tout en ressortissant à des genres différents : précis exégétique, manuel pastoral, miroir du prince ou de l’évêque, et même « tombeau », faisant d’une certaine manière passer l’épistolographie du côté de l’épigraphie. Et à plusieurs reprises, la culture de l’auteur sait faire la part belle non seulement à la Bible, mais aussi à la poésie – et aux Pères : Jérôme, Augustin, bien sûr, Grégoire le Grand plus encore. Dans la concision d’une missive, il sait aussi délivrer l’essentiel d’un enseignement pluriséculaire de manière à la fois didactique et expressive. Par son interprétation magistrale de « l’épée » (le De gladio que forme la Lettre 6) ou de tel passage du Cantique (dans la Lettre 3), il révèle aussi sa longue pratique personnelle de l’exégèse, qu’il développe à l’envi dans ses Commentaires, ou qu’il théorise, après Augustin et Isidore, comme « vision intellectuelle ».
    Mais c’est surtout sa capacité à réagir à une situation nouvelle – la résurgence d’une hérésie, l’apparition de certaines pratiques – et tout simplement à être un homme de son temps, soucieux d’une évangélisation pacifique des païens, de l’éducation des enfants, de la promotion des laïcs et des prêtres, de l’intégrité des évêques, du rôle majeur qu’un souverain comme Charlemagne peut jouer, y compris sur le plan religieux, qui fait l’attrait principal de ces Lettres : celles-ci intéressent d’ailleurs au plus haut point, et à juste titre, théologiens, philologues et historiens.
    Dans cette perspective, ce premier tome offre, en même temps qu’une présentation d’Alcuin, une introduction générale à l’ensemble de ses Lettres comme à la collection datable de 799 – avec une attention particulière portée à Arn de Salzbourg. Servant de base à la première traduction française jamais publiée, la nouvelle édition critique est fondée notamment sur deux manuscrits jusqu’ici non pris en compte, et respecte l’orthographe même préconisée par Alcuin dans son De orthographia, dont des extraits sont édités en annexe. Le classement des Lettres par collections y trouve une réalisation concrète, améliorant de manière décisive la physionomie des corpus établis auparavant.

    Guillaume Bady

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Lettres, tome I, Collection I

    Les lettres d’Alcuin (York, 730? – Saint-Martin de Tours, 804), dont le nombre avoisine trois cents, jusqu’à présent accessibles dans l’édition d’Ernst Dümmler (MGH, 1895), sont éditées dans ce volume conformément à leur transmission propre, par collections médiévales, la plupart du temps établies par des destinataires de l’épistolier anglo-saxon. Cette correspondance donne un accès privilégié au monde de l’épistolaire latin du haut Moyen Âge et à l’ère carolingienne, portée vers une « Renaissance » des modes de pensée et d’écriture de l’Antiquité romaine, et, plus encore, de l’Antiquité tardive chrétienne.

    La correspondance d’Alcuin que nous conservons date majoritairement des années 798-803, qui correspondent à l’abbatiat d’Alcuin à Saint-Martin de Tours (796-804).

    La Collection I, transmise par le ms. Wien, Österreichische Nationalbibliothek, Cvp 795, comprend 20 lettres. C’est la première collection des Lettres d’Alcuin, réunie par Arn de Salzbourg vers 799. Aucune lettre d’Arn ne subsiste dans cette collection.

    Dans la Collection I, l’archevêque insulaire Eanbald II et l’archevêque continental Arn sont prétextes à l’écriture du Miroir de l’évêque idéal, tandis que l’évêque d’Urgel, Félix, et celui de Tolède, Élipand, servent de figures contrapunctiques au pasteur-modèle.

    Les lettres de la Collection I abordent, à propos de la prédication, la question des rapports de l’évêque avec les ordres majeurs (prêtres et diacres), d’une part, avec les monastères et les abbayes, d’autre part. Elles accordent une place fondamentale aux laïcs et font un éloge appuyé des chrétiens de Gothie en des temps difficiles. La question du baptême et de son rituel y est traitée avec détail, en lien avec l’évangélisation des païens. En effet, Charlemagne est conscient de l’importance du baptême, compris comme l’entrée dans la communauté des fidèles chrétiens, mais aussi comme un acte politique, les baptisés devant fidélité à Dieu et aux lois du souverain. À cet égard, Alcuin rejette toute évangélisation par la force et défend une initiation graduelle, en trois étapes : le choix de la foi, le baptême et l’enseignement des vérités de la foi. Le contenu doctrinal de la foi chrétienne se trouve donc exposé dans les lettres didactiques ou dans celles qui sont adressées aux tenants de l’hérésie adoptianiste.

    Extrait(s)

    « Voilà pourquoi la malheureuse nation des Saxons a tant de fois perdu le sacrement du baptême : elle n’a jamais eu au cœur la foi solidement ancrée. Or il faut aussi savoir que la foi – selon ce que dit saint Augustin – est affaire de vouloir, non de contrainte. Comment un homme pourrait-il être contraint à croire ce qu’il ne croit pas ? On peut pousser un homme au baptême, à la foi, non. Comme ces hérétiques, qui soutiennent que le Christ a été adopté selon la chair, ne peuvent être aucunement convertis à la foi catholique, car ils n’ont aucune volonté de connaître la profession de la foi orthodoxe en compagnie de l’Église universelle. L’homme doit donc être instruit, car il a une intelligence douée de raison, et doit être attiré de toutes les façons par la prédication à reconnaître la vérité de la foi sacrée. Et surtout, il faut implorer, pour ce faire, la clémence de Dieu Tout-Puissant, car la langue de celui qui instruit est oisive si le cœur de l’auditeur n’est pas imprégné de grâce divine. Comme le dit la Vérité elle-même : Nul ne peut venir à moi, à moins que le Père, qui m’a envoyé, ne l’attire au préalable (Jn 6, 44). Et pour faire comprendre que la sainte Trinité œuvre à part égale au salut de l’être humain, le Seigneur lui-même dit ailleurs : Nul ne peut venir au Père sans passer par moi (Jn 14, 6). De même, à propos de l’Esprit Saint, il dit : À moins de renaître par l’eau et par l’Esprit, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu (Jn 3, 5). Car ce que le prêtre, de manière visible, opère pour le corps grâce à l’eau, au baptême, l’Esprit Saint l’opère de manière invisible dans l’âme, grâce à la foi. » (Collection I – Lettre 1, (113 MGH), extrait p. 191-195)

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