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SC 360
Grégoire le Grand
Homélies sur Ézéchiel, tome II
Livre IIjanvier 1990Texte latin, introduction, traduction, notes et index par Charles Morel, s.j.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique.ISBN : 9782204041164563 pagesUn livre à dévorer, à l'exemple du prophète médité par un pape en l'an 593.Présentation
Captivés par les Homélies de Grégoire sur Ézéchiel (livre I, SC 327), ses auditeurs, apprenant qu'il devait renoncer à poursuivre, le pressèrent de leur expliquer du moins une autre vision grandiose du prophète, la dernière, celle du Temple futur. De fait, le thème du Temple est un des thèmes majeurs de l'Écriture, qui se clôt, dans les pages finales de l'Apocalypse, avec des réminiscences d'Ézéchiel, par l'évocation de la Jérusalem céleste. Grégoire suit son guide pas à pas, et voici que les images qu'il présente à son regard lui parlent, et lui font entrevoir quelque peu la splendeur des réalités invisibles dont elles sont le signe. On remarquera spécialement les pages qu'il consacre à la contemplation, où l'âme atteint « à la dérobée quelque mince rayon de la lumière sans limites ». On remarquera aussi celles où il parle de l'holocauste, signe du don total de soi au Seigneur.
Charles Morel, s.j., a enseigné le latin, le grec et la grammaire historique aux étudiants de la Compagnie de Jésus, puis le grec du Nouveau Testament à l’Institut Biblique Pontifical de Rome.
Le mot des Sources Chrétiennes
Ensemble de vingt-deux homélies réparties en deux Livres, les Homélies sur Ézéchiel ne présentant qu’un commentaire partiel de la prophétie d’Ézéchiel. Comme il s’en explique dans la Préface du Livre II, Grégoire a été contraint d’interrompre sa prédication peu après l’avoir entreprise, en raison de la marche sur Rome du roi des Lombards et de la menace que représente la perspective d’un siège. Cela permet de dater cette série d’homélies de l’année 593. Après une série de réflexions préliminaires sur la nature et les formes de la prophétie en général dans l’Homélie I, les onze autres homélies du Livre I portent sur le premier chapitre d’Ézéchiel (Hom. II-VIII), puis sur Éz 2-4, 3 (Hom. IX-XII), la vision du livre à dévorer (l’Écriture comme nourriture) et l’envoi du prophète auprès d’un peuple rebelle (le devoir de la prédication et ses exigences). Elles donnent lieu à une exégèse à la fois allégorique et morale. Les dix homélies du Livre II commentent uniquement, et sans pouvoir l’achever, le chapitre 40 d’Ézéchiel (la description du Temple futur) ; l’exégèse est ici très fortement et presque exclusivement allégorique.
Jean-Noël Guinot
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Le livre II (SC 360) passe directement au chapitre 40, celui où le prophète, après la destruction du Temple de Jérusalem, a la vision d’un nouveau Temple. Le commentaire s’interrompt brusquement du fait de l’invasion lombarde. Conscient de l’obscurité du texte, Grégoire compare son commentaire à « une marche de nuit », faite « à tâtons ».
Le prophète voit la construction d’une cité ; cette vision est une allégorie qui doit être interprétée au sens spirituel. La haute montagne est le Christ. La cité est l’Église, les saints sont les pierres qui constituent l’édifice, soutenu par le Christ. Les prédicateurs sont les tailleurs de pierre qui disposent les pierres vivantes de l’édifice, c’est-à-dire les âmes. L’homme qui mesure est le Christ, qui sépare les bons des méchants ; il tient le cordeau et le roseau à mesurer, car ses jugements sont impénétrables. Il se tient à la porte, parce qu’il est à la fois homme et Dieu. La porte désigne l’entrée dans la foi et le passage de la condition mortelle à la vie éternelle, à laquelle le saint aspire. La vie active et la vie contemplative doivent s’équilibrer. La lutte de Jacob avec l’ange figure l’âme dans la contemplation. Une fois goûtée la douceur de Dieu, l’amour du monde s’affaiblit. La largeur se réfère à l’amour du prochain, la hauteur, à la connaissance de Dieu. Le Christ franchit la porte, parce qu’il est à la fois la porte du Royaume, en tant qu’il est la tête, et celui qui la franchit, en tant qu’il est aussi le corps, l’Église. Les degrés sont les mérites des vertus. Le seuil de la porte, ce sont les anciens Pères. La chambre nuptiale désigne le cœur où l’âme s’unit par l’amour à l’Époux. Les chrétiens imparfaits ne sont pas tenus en dehors de l’Église. Les deux seuils désignent les Pères de l’Ancien Testament et du Nouveau, ou bien les deux sens, littéral et allégorique, de l’Écriture, ou encore la vie active et la vie contemplative. Le nombre 8 préfigure la résurrection des morts. Les deux coudées sont l’amour de Dieu et du prochain. Par la charité, des hommes très divers vivent en paix dans l’Église. Le nombre 3 désigne la Trinité, ou bien les vertus théologales, ou bien les trois ordres de fidèles (les laïcs mariés, les continents et les prédicateurs). Les pilastres sont les anciens Pères. Le nombre 13 figure le décalogue auquel s’ajoute la connaissance de la Trinité. L’Église attend « le jour de la vraie lumière, tel un jour de printemps », parce que le Christ accomplira les promesses du Nouveau Testament par sa venue dans la gloire. L’arche de Noé, figure de l’Église. Nos cinq sens sont au service de notre âme pour l’œuvre bonne qui exprime notre amour du prochain. La première porte est la foi, la seconde, la vision. En considérant quelle est sa nature et son action dans le corps, l’âme peut se faire une idée du Créateur. Perfection du nombre 6. Le parvis devant la porte figure la largeur de la charité qui doit inspirer l’œuvre bonne. Le nombre 50 est le symbole du repos éternel. Les vertus théologales donnent accès à l’édifice céleste. Les fenêtres obliques symbolisent les âmes contemplatives, qui perçoivent un filet de lumière. Les palmes peintes sont les miracles accomplis ici-bas. Les chambres à trésors sont les cœurs des docteurs pleins des richesses de la sagesse et de la science. Le pavement sur le pourtour désigne l’humilité des auditeurs. Le nombre 100 signifie une grande perfection et la promesse de la vie éternelle. L’Orient et l’Aquilon symbolisent le peuple juif et les païens. L’évocation des désastres de la guerre, en particulier à Rome, doit inviter au mépris des biens de ce monde. Un même mot de l’Écriture ne signifie pas toujours la même réalité, et il peut être pris tantôt en bonne, tantôt en mauvaise part. Les sept degrés sont les dons du Saint-Esprit : la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété, la crainte. L’humilité et la foi sont les conditions préalables pour parvenir aux vertus (on ne vient pas par les œuvres à la foi). Le parvis des portes extérieures aux portes intérieures désigne l’attente et le désir des saints, qui favorisent leur progrès vers la perfection. Il faut rechercher le bien commun plutôt que son bien propre, supporter la pauvreté et la faim. Le huitième degré symbolise la contemplation à laquelle accèdent les parfaits, le jour du Jugement et la résurrection de la chair. Des chrétiens doutent de la résurrection de la chair, mais, pour Dieu, réparer ce qui a été est moins qu’avoir fait ce qui n’était pas. L’homme ne doit pas douter de ce qu’il ne comprend pas par la raison. Les saints sont l’holocauste (offrande totale de soi), mais comme ils sont encore entachés de faiblesse, ils doivent, par leur pénitence et leurs larmes, « laver l’holocauste ». La source à laquelle se laver est la miséricorde divine, manifestée à travers l’Incarnation. Les tables sont le cœur des saints ; les pierres carrées dont sont faites les tables sont les paroles de l’Écriture. La hauteur d’une coudée renvoie à l’unité de la foi. Les prédicateurs doivent mettre en œuvre ce qu’ils prêchent aux autres, et faire preuve de douceur et de sévérité. Les chambres à trésors des chantres sont les âmes des justes qui attendent avec amour la venue du Juge. Les prêtres qui gardent le Temple sont ceux qui, à la tête des Églises, sont occupés seulement de recherches spirituelles et ceux qui servent l’autel leur viennent en aide en amenant les pécheurs à faire pénitence. Le parvis, un carré de cent coudées de côté, désigne l’extension des peuples croyants. Le carré figure aussi les quatre vertus du chrétien : croire, espérer, aimer et œuvrer, ou encore les quatre vertus cardinales, prudence, force, justice et tempérance. L’autel devant la façade du Temple est le cœur de ceux qui châtient leur corps et brûlent de la flamme de la componction. Il y a deux formes de componction : celle inspirée par la crainte des châtiments des péchés et celle qui résulte de l’amour lorsque l’on n’aspire plus qu’à la vision de Dieu.
Extrait(s)
(SC 360, p. 183)
La raison de ce nombre huit est que le Seigneur a voulu se relever de la mort après le sabbat. Car le jour du Seigneur, le troisième après la mort du Seigneur, est compté comme huitième à partir de la création des jours, parce qu’il suit le septième. Aussi la passion véritable de notre Rédempteur et sa résurrection véritable ont-elles, aux jours de sa passion, figuré quelque chose de son corps. Il a souffert le vendredi, a reposé dans le sépulcre le samedi ; le dimanche, jour du Seigneur, il s’est relevé de la mort. Pour nous, la vie présente, c’est encore le vendredi, parce qu’elle se vit au milieu des souffrances, et qu’elle souffre la croix dans ses étroites passes. Au sabbat nous nous reposons au sépulcre : nous trouvons le repos de notre âme, après sa vie dans un corps. Le jour du Seigneur, le troisième après la Passion, le huitième après la création, comme nous l’avons dit, voici que nous nous relevons de la mort avec notre corps, et nous allons goûter la joie dans la gloire de l’âme avec notre chair elle-même. Ce que notre Sauveur a fait merveilleusement en lui, il l’a désigné véritablement en nous : souffrance le vendredi, repos le samedi, réception dans la gloire le jour octave.
Livre II, homélie 8, § 7 (SC 360, p. 393-395)
« Mais ils demandent avec étonnement comment la chair peut revivre à partir de la poussière. Qu’ils s’étonnent donc de l’amplitude du ciel, de la masse de la terre, de l’abîme des eaux, de tout ce que contient le monde, des anges eux-mêmes, créés du néant. Car faire quelque chose à partir de quelque chose, c’est beaucoup moins que créer toutes choses à partir du néant. Les éléments mêmes, la beauté même des choses, nous offrent l’image de la résurrection. Le soleil meurt chaque jour à nos yeux, chaque jour se relève. Les étoiles se couchent à l’heure matinale, se lèvent à nouveau le soir. Nous voyons au temps chaud les arbres riches de feuilles, de fleurs et de fruits, alors qu’à la saison hivernale ils demeurent dépouillés de feuilles, de fleurs et de fruits, et comme desséchés ; et quand revient le soleil printanier, quand la sève monte à nouveau de la racine, ils revêtent à nouveau leur parure. Pourquoi douter au sujet de l’homme de ce qu’on voit se produire dans le bois ? »
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Texte concerné
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Remarques
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n. 2
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Ouvrage 352
GRÉGOIRE LE GRAND, Homélies sur Ézéchiel, tome I.
ORIGÈNE, Homélies sur Ézéchiel.
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