-
SC 314
Grégoire le Grand
Commentaire sur le Cantique des Cantiques
juin 1984Texte critique de Patrick Verbraken, o.s.b. (CCL 49). — Introduction, traduction, notes et index par Rodrigue Bélanger.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres et de l’Université du Québec à Rimouski.ISBN : 9782204022279151 pagesIndisponible chez notre éditeurUn chant d'amour dans la Bible ? Un pape s'interroge à la fin du 6e siècle.Présentation
Le Cantique des cantiques n’est certainement pas le livre de la Bible qui ait été le plus commenté au cours des siècles. Son sujet et son style si particuliers ont pu à bon droit décourager. En même temps, cette difficulté vaincue, a conduit au cœur du mystère ceux qui, avec des tempéraments bien divers, d’Origène à Jean de la Croix, et en des époques souvent troublées, se sont mesurés à lui.
Il ne nous reste qu’une infime partie du commentaire que Grégoire le Grand, dans le temps même de son pontificat, a consacré à l’étonnant dialogue de l’Époux et de l’Épouse. Nous est parvenu seulement ce que les huit premiers versets du premier chapitre ont inspiré à ce pasteur épris de contemplation et apôtre de la contemplation auprès de tous. Il ne nous reste que les premiers cris de l’Église-Épouse et la première réponse du Christ-Époux. Mais déjà toute une théologie, toute une ecclésiologie, toute une pratique de la vie spirituelle se mettent en place. Et de façon si familière, si savoureuse. Ce traité, petit de taille, est tout à fait caractéristique de la manière des Pères.Le mot des Sources Chrétiennes
Probablement rédigé entre 594 et 598, ce petit Commentaire sur le Cantique s’interrompt brusquement au verset 8 du chapitre premier, sans que l’on sache si Grégoire n’a pas eu le loisir d’achever l’œuvre entreprise ou si cela est dû à un accident de la tradition manuscrite. Il est précédé d’un long prologue, fort intéressant, sur les règles d’interprétation de l’Écriture et leur application particulière à la lecture du Cantique. L’influence d’Origène, à travers les traductions de Jérôme et de Rufin, y est manifeste, mais aussi celle d’Augustin et d’Apponius ; enfin, comme à son habitude, Grégoire n’hésite pas à emprunter à ses propres Morales sur Job.
Jean-Noël Guinot
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Un voisinage compromettant avec le commentaire du Cantique de Robert de Tombelaine (xie siècle), à l’intérieur d’une tradition manuscrite complexe, explique que l’attribution à Grégoire le Grand de ce commentaire des huit premiers versets de la Genèse ait longtemps été incertaine. Les travaux de dom Capelle, puis d’A. Vaccari et de P.-P. Verbraken, tranchèrent en sa faveur en 1928 : le bénédictin montra que les manuscrits transmettaient en quatre formes le texte de Grégoire, de Robert, ou une compilation des deux, dans l’intention de combler les lacunes de l’œuvre de Grégoire. Les manuscrits antérieurs à Robert rapportent le seul texte de Grégoire (texte A) ; le texte B donne le commentaire de Robert précédé d’un prologue de Jérôme ; dans le texte C, Grégoire précède Robert, amputé du commentaire des huit premiers versets ; le texte D est encore plus composite.
Une lettre de Colomban et un témoignage d’Ildephonse de Tolède laissent entendre que Grégoire avait écrit un commentaire complet, et que la troncature est due à un accident dans la tradition manuscrite.
Ce commentaire est probablement le résultat d’une compilation de notes prises un moine ami de Grégoire, Claude, entre 594 et 598, durant des sermons de Grégoire – des traces d’oralité affleurent régulièrement. Il les aurait ensuite mises en forme ; il est difficile de savoir si Grégoire les a relues.
Le volume reproduit l’édition produite par Dom Verbraken pour le Corpus christianorum, Series latina 144, moyennant quelques adaptations justifiées en note.
L’univers de Grégoire est en continuité avec la tradition intérieure, mais l’auteur a réélaboré de façon très personnelle les données de la tradition, si bien que les sources ne sont pas faciles à identifier. Pour le Commentaire sur le Cantique, l’influence d’Origène, à travers les traductions de Jérôme et de Rufin, est manifeste, ainsi que celles d’Augustin et d’Apponius ; enfin, comme à son habitude, Grégoire n’hésite pas à emprunter à ses propres Morales sur Job.
L’antinomie paulinienne de la lettre et de l’esprit est, pour Grégoire, la clé d’interprétation du Cantique. La lettre, sensible et charnelle, surprend l’homme au pôle le plus lointain de son extériorité. Mais, dans sa miséricorde, Dieu consent à s’abaisser jusqu’à ce langage grossier pour entraîner l’homme « de l’amour d’ici-bas à l’amour d’en-haut » (In Cant. 3). Grégoire prône donc la nécessité d’une lecture allégorique du Cantique, qui intériorise la lettre : il fait éclater le sens littéral du mot, pour l’investir d’un sens nouveau, figuré et divin, et en faire goûter la saveur.
Le contenu du commentaire, riche et varié, se présente comme un abrégé de la doctrine de Grégoire : l’Écriture est le lieu où Dieu rejoint l’homme, soumis à l’extériorité du monde sensible, pour le reconduire vers l’intériorité ; le Cantique exprime l’amour du Christ-Époux pour l’Église-épouse et pour chaque âme individuellement, à laquelle Grégoire rappelle les exigences de la vie morale et qu’il invite à la vie contemplative.
Le Commentaire est précédé d’un long prologue, fort intéressant, sur les règles d’interprétation de l’Écriture et leur application particulière à la lecture du Cantique.
Extrait(s)
Grégoire le Grand, Commentaire sur le Cantique des Cantiques 26 (Ct 1, 3), SC 314, p. 108-111
Le roi m’a introduite dans sa chambre. Nous exulterons et nous nous réjouirons en toi (Ct 1, 3). L’Église de Dieu est en quelque sorte une maison royale. Et cette maison a une porte, elle a un escalier, elle a une salle de banquet, elle a des chambres. Quiconque à l’intérieur de l’Église a la foi, a déjà franchi la porte de cette maison : car de même que la porte ouvre l’accès au reste de la maison, ainsi la foi ouvre la porte à toutes les autres vertus. Quiconque à l’intérieur de l’Église a l’espérance, est déjà arrivé à l’escalier de la maison : l’espérance en effet élève le cœur pour qu’il convoite les biens d’en-haut et délaisse ceux d’ici-bas. Quiconque vit dans cette maison et a la charité, marche en quelque sorte dans les salles de banquets : vaste en effet est la charité, elle qui s’étend jusqu’à l’amour des ennemis. Quiconque, vivant dans l’Église, approfondit déjà les mystères d’en-haut et étudie déjà les préceptes cachés, est pour ainsi dire entré dans la chambre. Quelqu’un disait de la porte de cette maison : Ouvrez-moi les portes de justice et entré en elles je louerai le Seigneur (Ps 117, 19). Il est dit des degrés d’escalier de l’espérance : Il a posé des degrés dans mon cœur (Ps 83, 6). Il est dit des vastes salles de banquets de cette maison : Combien vaste est ton commandement (Ps 118, 96). En évoquant un vaste commandement, on désigne spécialement la charité. C’est de la chambre du roi qu’il parlait, celui qui disait : Mon secret est à moi (Is 24, 16) ; et ailleurs : J’ai entendu des paroles mystérieuses qu’il n’est pas permis aux hommes de proférer (2 Co 12, 4). La première entrée de cette maison est donc la porte de la foi, la deuxième étape les degrés d’escalier de l’espérance, la troisième le vaste espace de la charité, la quatrième enfin, la plénitude de la charité pour la connaissance des secrets de Dieu. Donc, puisque l’Église sainte dans ses membres parfaits, dans les saints docteurs, dans ceux qui sont déjà comblés et enracinés dans les mystères de Dieu, parvient en quelque sorte aux secrets d’en-haut et, demeurant encore en cette vie, les pénètre déjà, elle dit : Le roi m’a introduite dans sa chambre. C’est en effet par l’intermédiaire des prophètes, des apôtres, des docteurs qui, demeurant en cette vie, pénétraient déjà les secrets élevés de l’autre vie, que l’Église était déjà entrée dans la chambre de ce roi.
Errata
Page
Localisation
Texte concerné
Correction
Remarques
64
Ligne 9
senso
sensu
147
INDEX ANALYTIQUE
Exhaltatio
Exaltatio
Du même auteur
-
SC 642
Registre des Lettres, tome VI. Livres X-XI
mars 2024
La fin du monde ? L'Église en l'an 600, par un pape à la fois auteur et acteur de l'histoire
-
SC 612
Registre des Lettres, tome VII. Livres XII-XIV
janvier 2021
Une Église dans les soubresauts d'un nouveau siècle, par un pape à la fois auteur et acteur de l'histoire
-
SC 538
Morales sur Job, Livres XXXIII-XXXV
novembre 2010
Le manuel de théologie morale et spirituelle pour tout le Moyen Age latin, par celui qui allait devenir pape à la fin du 6e siècle.
-
SC 525
Morales sur Job. Livres XXX-XXXII
septembre 2009
Le manuel de théologie morale et spirituelle pour tout le Moyen Age latin, par celui qui allait devenir pape à la fin du 6e siècle.
-
SC 522
Homélies sur l'Évangile, Livre II
novembre 2008
La prédication pastorale d’un pape au peuple de Rome (vers 590).
-
SC 520
Registre des Lettres, tome II. Livres III-IV
août 2008
Un trésor dans les archives romaines : plus de 800 lettres sur les 14 années du pontificat de Grégoire (590-604).
-
SC 485
Homélies sur l'Évangile, Livre I
novembre 2005
La prédication pastorale d’un pape au peuple de Rome (vers 590).
-
SC 476
Morales sur Job, Livres XXVIII-XXIX
octobre 2003
Le manuel de théologie morale et spirituelle pour tout le Moyen Âge latin, par celui qui allait devenir pape à la fin du 6e siècle.
-
SC 382
La Règle pastorale, tome II
novembre 1992
Le manuel du pasteur d'âmes, par un moine tout juste devenu pape en 590.
-
SC 381
La Règle pastorale, tome I
novembre 1992
Le manuel du pasteur d'âmes, par un moine tout juste devenu pape en 590.
-
SC 371
Registre des lettres, tome I
avril 1991
Un trésor dans les archives romaines: plus de 800 lettres sur les 14 années du pontificat de Grégoire (590-604).
-
SC 370
Registre des lettres, tome I
avril 1991
Un trésor dans les archives romaines: plus de 800 lettres sur les 14 années du pontificat de Grégoire (590-604).
-
SC 360
Homélies sur Ézéchiel, tome II
janvier 1990
Un livre à dévorer, à l'exemple du prophète médité par un pape en l'an 593.
-
SC 327
Homélies sur Ézéchiel, tome I
janvier 1986
Un livre à dévorer, à l'exemple du prophète médité par un pape en l'an 593.
-
SC 265
Dialogues, tome III
avril 1980
Y a-t-il des saints et des miracles de nos jours ? La réponse d'un pape à la fin du 6e siècle.
-
SC 260
Dialogues, tome II
octobre 1979
Y a-t-il des saints et des miracles de nos jours ? La réponse d'un pape à la fin du 6e siècle.
-
SC 251
Dialogues, tome I
janvier 1978
Y a-t-il des saints et des miracles de nos jours ? La réponse d'un pape à la fin du 6e siècle.
-
SC 221
Morales sur Job, Livres XV-XVI
septembre 1976
Le manuel de théologie morale et spirituelle pour tout le Moyen Age latin, par celui qui allait devenir pape à la fin du 6e siècle.
-
SC 32 bis
Morales sur Job, Livres I-II
décembre 1975
Le manuel de théologie morale et spirituelle pour tout le Moyen Age latin, par celui qui allait devenir pape à la fin du 6e siècle.
-
SC 212
Morales sur Job, Livres XI-XIV
décembre 1974
Le manuel de théologie morale et spirituelle pour tout le Moyen Age latin, par celui qui allait devenir pape à la fin du 6e siècle.