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SC 251
Grégoire le Grand
Dialogues, tome I
Introduction, bibliographie et cartesjanvier 1978Introduction, bibliographie et cartes par Adalbert de Vogüé, moine de la Pierre-qui-Vire.
ISBN : 9782204013208204 pagesY a-t-il des saints et des miracles de nos jours ? La réponse d'un pape à la fin du 6e siècle.
Présentation
« Y a-t-il encore des miracles de nos jours dans notre pays d’Italie ? » Telle est la question que pose au pape Grégoire son ami le diacre Pierre. C'est pour lui répondre que Grégoire, pape depuis trois ans, rédige en 593-594 ce célèbre recueil de miracles destiné au grand public, afin de montrer que la grâce de Dieu agit toujours, ici et maintenant. Il rappelle fréquemment à son lecteur qu’il s’appuie sur des témoignages oraux qu’il a recueillis. Le livre I commence par raconter nombre de miracles passés, dont les auteurs sont déjà morts. Puis Grégoire consacre tout son livre II à la grande figure de Benoît, le fondateur du cénobitisme d’Occident, dont il est de ce fait le principal biographe. Le livre III met en scène des miracles italiens plus récents, et le livre IV resserre encore le théâtre des événements pour le rapprocher de Rome et de l’époque du narrateur ; ce dernier livre contient beaucoup de récits de trépas, ouvrant le lecteur à des visions de l'au-delà pour le faire réfléchir sur sa propre mort.
Ce premier volume contient l’introduction générale à l’ensemble des Dialogues.Adalbert de Vogüé, o.s.b., spécialiste du monachisme ancien et auteur de nombreux ouvrages, a publié dans la collection, outre Césaire d’Arles et Pierre de Cava, la Règle du Maître et la Règle de saint Benoît avec un copieux commentaire.
Le mot des Sources Chrétiennes
Les Dialogues ont été composés entre juillet 593 et novembre 594 pour répondre à la requête d’un familier, le diacre Pierre (qui est aussi l’interlocuteur de Grégoire dans ces dialogues), désireux de savoir si existent encore à leur époque des thaumaturges en Italie. Le récit de nombreux miracles accomplis par des saints italiens et contemporains est non seulement pour Grégoire une manière de l’en convaincre, mais aussi une occasion d’édifier, d’enseigner et de réconforter dans leurs épreuves les « Romains » d’Italie, alors ravagée par les Lombards. Les notices sont d’ampleur très inégale, allant de la brève présentation d’un thaumaturge à une ample biographie comme celle de saint Benoît (de Nursie), d’un seul récit de miracle à une douzaine. L’ouvrage adopte la forme d’un dialogue, évidemment fictif, dans lequel la narration est entièrement faite par Grégoire, le diacre Pierre se contentant d’interventions toujours brèves. La structure, en quatre livres, en est complexe : le Livre IV (n° 265), par son thème particulier – les fins dernières et le sort de l’âme dans l’Au-delà (enfer, purgatoire, libération des défunts par l’eucharistie) – et son caractère didactique, diffère nettement des trois autres, dont il est comme le couronnement eschatologique (n° 260) ; le Livre II, tout entier consacré à la Vie de S. Benoît, se distingue à son tour des Livres I et III, présentant, l’un 12, l’autre 33 figures de thaumaturges et le récit de leurs miracles.
Jean-Noël Guinot
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Les Dialogues peuvent être datés de 593-594, dans la troisième année du pontificat de Grégoire. Ils sont constitués d’une suite de récits relatant les miracles de saints italiens dont dont certains sont déjà présents dans les Homélies sur les Évangiles. Les récits de miracles sont en général considérés comme propres à édifier un auditoire peu éduqué, mais le style et la composition des Dialogues étant d’une haute tenue littéraire, l’ouvrage semble plutôt destiné aux moines et aux clercs, ainsi qu’à des notables laïcs, voire à la cour ; Grégoire l’offrit d’ailleurs à la reine des Lombards Théodelinde.
À la demande du diacre Pierre, Grégoire veut montrer que l’Italie a eu des thaumaturges, et en a encore, ce qui peut être un réconfort au moment où les Lombards ravagent la péninsule. Les miracles sont édifiants dans la mesure où ils révèlent la sainteté et donnent des modèles à imiter. Ils sont source d’admiration et de joie devant les manifestations de la toute-puissance divine, tout en suscitant une réflexion théologique. Aussi Grégoire cherche-t-il à en comprendre la signification selon la méthode exégétique qu’il applique au commentaire de l’Écriture.
Les miracles narrés dans les Dialogues ne sont pas mis au-dessus des vertus, mais leur sont toujours subordonnés, dans une perpective morale. Le récit du miracle conduit à l’exaltation de la vertu, en premier lieu, la charité, et à l’affirmation de la supériorité du miracle spirituel sur le miracle physique. Le renoncement aux biens terrestres et le désir de la vie éternelle sont aussi particulièrement valorisés par Grégoire. Le saint en est la figure emblématique. Les miracles sont présentés comme authentiques, garantis par des témoignages généralement oraux ; mais, dans certains cas, les récits empruntent leurs éléments à des sources antérieures (parfois bibliques), en les transposant. On en déduit qu’ils résultent probablement d’un mélange entre faits réels et faits imaginaires.
Les quatre livres des Dialogues se répartissent en deux : les livres I et III sont des recueils de notices brèves, tandis que le livre II est consacré à saint Benoît et le livre IV est un exposé méthodique sur les fins dernières.
Ce volume, le premier des 3 tomes parus dans la Collection Sources Chrétiennes (tome II : Livres I-III ; tome III : Livre IV), contient l’introduction générale à l’ensemble des Dialogues de Grégoire le Grand.
Sur le plan littéraire, les Dialogues sont un spécimen tardif de la production hagiographique inaugurée par les plus anciennes Passions des martyrs, les Vies d’Antoine et de Martin, l’Histoire des moines en Égypte et les Apophtegmes.
Les Dialogues ont été composés sur une période d’environ 15 mois en 593-594. Auparavant, Grégoire a recueilli sur plus de vingt années des récits de miracles s’étant produits en Italie, certains déjà présents dans les Homélies sur l’Évangile. En effet, il considère que les exempla sont édifiants au même titre que les commentaires bibliques. Les Dialogues ont été relégués à tort au rang de littérature populaire, car on y retrouve la même doctrine que dans le reste de l’œuvre, et, d’autre part, la qualité littéraire du texte, qui a été dicté, se signale par l’abondance et l’élégance des clausules. Grégoire s’adressait sans doute plutôt aux élites (des consacrés, des notables et des gens instruits), même si le genre narratif peut toucher un large auditoire. D’ailleurs, l’interlocuteur de Grégoire, le diacre Pierre, appartient au haut clergé romain.
Grégoire répond aux interrogations de Pierre qui demandait s’il y avait eu des thaumaturges en Italie. Après plusieurs récits de miracles rapportés par Grégoire, Pierre demande s’il y en a encore de son temps, ce à quoi Grégoire répond par le récit de faits récents. Ces histoires doivent apporter réconfort et consolation au moment des conquêtes lombardes. Elles sont édifiantes dans la mesure où elles présentent des modèles et des exemples à imiter. L’ouvrage a donc une portée pastorale ; mais il doit aussi susciter l’admiration devant la toute-puissance de Dieu et nourrir la réflexion théologique, c’est l’objet des excursus : les miracles sont éclairés par d’autres relatés dans la Bible, ou bien un aspect en est proposé à la méditation. Ainsi, les récits sont une continuation de l’histoire sainte, et ils sont eux aussi l’objet d’une exégèse. Dans les trois premiers livres, les anecdotes priment sur la doctrine, tandis que le livre IV s’apparente plutôt à un exposé méthodique illustré par des histoires. En effet, Grégoire s’y propose de prouver que l’âme ne finit pas avec la chair, mais vit après la chair, orientant son analyse vers les questions de la mort et de l’au-delà (récits de morts accompagnées de manifestations surnaturelles, voyages dans l’au-delà, évocation de l’enfer et du purgatoire). Le livre II est, quant à lui, consacré à un unique récit, la vie de saint Benoît. De plus, la chronologie et la topographie des livres s’orientent, au fil des récits, vers Rome et vers l’époque contemporaine.
Le miracle est avant tout un signal de Dieu qui révèle la vertu d’un saint. C’est pourquoi le miracle a souvent une portée morale. Car le signe extérieur que constitue le miracle vaut surtout par la vertu intérieure, qui se reflète dans la vie du saint. Ainsi, des actes de charité ou d’humilité héroïque sont rapportés par Grégoire, et même placés au-dessus des miracles physiques, par exemple, de résurrection ; d’ailleurs, Grégoire laisse de côté les miracles de guérison accomplis par des reliques ou sur les tombeaux des saints.
Grégoire dresse donc le portrait de l’homme saint, détaché des choses terrestres et désireux des biens éternels. Il peut inspirer la crainte car, à l’image de Dieu, il dispense aussi bien les châtiments que les récompenses. Mais il reste pourtant humain, n’étant pas exempt d’imperfections. À l’exemple de Benoît, le saint lutte contre ses propres penchants mauvais. Il reçoit ses charismes de Dieu et, à travers lui, c’est Dieu qui opère des miracles.
Les sources des Dialogues, outre la Bible, sont hagiographiques (Passions de martyrs, Vie d’Antoine par Athanase, Vie de Martin par Sulpice Sévère, et d’autres vies de saints latines ou grecques). Grégoire puise aussi dans la littérature monastique (Conférences de Cassien), ainsi que dans la Cité de Dieu de saint Augustin. D’autre part, il a pu s’inspirer des recueils de Grégoire de Tours pour la Gaule. Un certain nombre de récits sont démarqués d’ouvrages antérieurs, y compris de la Bible, d’autres ont peut-être un caractère historique, les Dialogues étant probablement un mélange d’histoire et de légende. L’ouvrage connaîtra une vaste diffusion au Moyen Âge, en particulier la Vie de Benoît, mais aussi la doctrine de Grégoire sur la vie après la mort, l’enfer (le « feu éternel ») et le purgatoire (feu purificateur).
En raison de la diffusion, les manuscrits sont très nombreux et contaminés. Deux éditions se fondent sur une répartition géographique des manuscrits, celle des Bénédictins de Saint-Maur (1705), reprise par Migne, et celle d’Umberto Moricca (1924). L’édition des mauristes repose sur une vingtaine de manuscrits français ; celle de Moricca sur une dizaine de manuscrits d’origine italienne, les plus anciens étant A, Milan, Ambros. B. 159 Sup., viiie s., et M, Vérone, Capit. XLVI (44), viiie s. Ont été collationnés deux codex du viiie s., le ms. Saint-Gall 213 (G) et le ms. Autun 20 (H), là où les deux éditions de base différaient. Enfin, les titres des chapitres (capitula) ont été conservés, eu égard à leur origine ancienne, même s’ils ne sont pas de Grégoire.
Errata
Page Localisation Texte concerné Correction Remarques
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