• SC 550

    Jonas d'Orléans

    Instruction des laïcs. Tome II
    Livres II, 17 – III

    septembre 2013

    Texte, traduction, notes et index par Odile Dubreucq.

    Révision assurée par Blandine Sauvlet.
    ISBN : 9782204101639
    424 pages
    Vivre dans le monde, en laïc : un défi relevé dès le 9e siècle, par un proche de Charlemagne.

    Présentation

    Au IXe siècle, la vie monastique semble à tous être le modèle de vie chrétienne par excellence. Un haut dignitaire laïc, le comte d’Orléans Matfrid, demande à l’évêque Jonas comment il peut plaire à Dieu dans sa vie d’homme laïc marié. Jonas répond par cette longue réflexion : nous avons là l’un des premiers traités du Moyen Âge à l’usage des laïcs, qui s’inspire de la tradition des traités antiques d’éducation, tout en s’adaptant au contexte nouveau de la société carolingienne. Il valorise le statut du laïc, qu’il appelle à la vie spirituelle, à la pratique des sacrements... et au mariage, dont il a plaisir à dire la valeur.

    Les manuscrits nous ont transmis deux versions du traité, car Jonas a retravaillé son œuvre. La présente édition, pour la première fois, permet au lecteur de lire le texte dans sa version définitive, tout en mettant en évidence les modifications apportées au cours de la réécriture, ainsi que les nombreuses sources patristiques utilisées. Ces deux volumes (SC 549 et 550) offrent donc à la fois un texte novateur et important au grand public, et un outil de travail aux spécialistes.

    Odile Dubreucq, professeur certifiée d’Histoire, a consacré sa thèse de doctorat d’état à cette œuvre de Jonas d’Orléans, soutenue à la Sorbonne en 2007.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    On attendait une édition critique nouvelle de ce traité, l’un des rares, à l’époque carolingienne, qui s’adresse à des laïcs vivant dans le monde (primitivement, l’écrit était dédié à Matfrid, comte d’Orléans, qui en était le commanditaire), et qui leur suggère comment y vivre en chrétiens au lieu de les inviter simplement, comme on le faisait couramment, à entrer dans la vie monastique. Jonas ayant donné de son vivant une nouvelle édition de son traité, les deux états sont édités ici, avec une typographie qui permet de voir ce qui a changé d’une édition à l’autre.

    On pourrait voir avant tout dans ce traité un centon patristique : comme beaucoup d’auteurs carolingiens, Jonas puise abondamment chez ses prédécesseurs antiques – jusqu’à Bède le Vénérable, en passant par Grégoire le Grand et Isidore de Séville. Mais il s’adapte à une société nouvelle. Les appels à la responsabilité des chrétiens laïcs sont nombreux : le seigneur (ou ce qui deviendra le seigneur féodal) se voit attribuer, par rapport à sa maisonnée, une fonction pastorale de soin des âmes, un peu comme les patriarches du Premier Testament. Des travers sont vivement dénoncés, notamment chez ceux qui vivent à part de la communauté chrétienne à cause de leur rang : ils se font édifier des chapelles privées pour éviter de se rendre à l’église du village, et prennent le chapelain desservant pour leur domestique.

    Le livre 1 insiste sur le devoir de fraternité : solidarité dans le bien, prière, sanctification, recherche du seul bien commun… Certains historiens ont dénoncé dans ce traité une pure utopie ! Le livre 2 est consacré à la morale sexuelle et dit du bien du mariage, à une époque où les moines monopolisaient le modèle de la vie chrétienne. L’auteur insiste sur la responsabilité éducative qui s’ensuit, d’élever des petits chrétiens… De fait, la procréation est pour l’auteur, à la suite des Pères qu’il cite, la seule justification de la sexualité. Le livre poursuit avec divers aspects concrets de la vie de laïc dans le monde : pratique des sacrements, respect du clergé, œuvres de charité, etc. Le livre 3 aborde plus largement la morale chrétienne : vertus et vices, dispositions intérieures, jugement dernier…

    (B. Meunier, 2013)

    Bernard Meunier

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Le tome II comporte la fin du livre II et le livre III. La suite du livre II (ch. 19-21) porte sur la soumission que les laïcs doivent manifester aux prêtres, la docilité dont ils doivent faire preuve en matière de pénitence. Dans ce livre, vraiment central pour la spiritualité laïque, Jonas traite également de la fonction dirigeante (II, 22-24). La justice doit selon être rendue de manière équitable, gratuite, désintéressée, sans aucune corruption. Dans le domaine des relations sociales, l’évêque souhaite qu’un esprit d’humanité guide les détenteurs du pouvoir. Ceux-ci doivent traiter décemment les êtres qu’ils ont sous leur direction, en particulier les esclaves . Jonas s’élève contre les traitements inhumains et dégradants qui leur sont infligés. Il rappelle l’égalité fondamentale des êtres humains : les dirigeants ne doivent pas oublier que ceux qui leur sont soumis sont leurs semblables « par nature », c’est-à-dire selon le plan divin de la création. La fin du deuxième livre (II, 25-27) aborde le serment, le mensonge, le faux témoignage qui empoisonnaient la vie sociale dans la mesure où la chose jurée constituait une preuve en matière judiciaire.

    Le livre III revient à des considérations plus spirituelles. Le chrétien est appelé à discerner en lui les forces du mal, à repérer les vices qui l’entraînent au péché ; il doit s’efforcer de les vaincre pour développer en lui les vertus (III, 1-11). Jonas s’inspire directement des conseils donnés aux moines par Jean Cassien ou par saint Benoît. Mais il s’adapte aussi au mode de vie particulier de son public laïc. Jonas relève beaucoup de péchés liés à la parole (III, 7-9). Il met aussi en garde contre l’appât des richesses (III, 11). Les derniers chapitres sont consacrés à la maladie (III, 14), à la fin de vie. Ils orientent le chrétien vers la vie éternelle et lui font entrevoir ce que sera l’au-delà. Jonas essaie de résoudre les questions liées à la mort : pourquoi est-il important d’honorer les morts (III, 15) ? Que devient l’âme quand on a expiré ? L’enfer existe-t-il ? Que se passe-t-il pour les gens qui n’ont été ni parfaitement bons, ni complètement mauvais  ? La vie vertueuse sera-t-elle récompensée  ? Jonas répond à ces interrogations en s’inspirant d’Augustin. Il fait une évocation imagée et terrifiante des tourments de l’enfer (III, 19) mais tente également d’exprimer ce que pourrait être le paradis (III, 20).

    Extrait(s)

    (III, 15, p. 307)

    Malgré ces modèles, beaucoup de chrétiens d’aujourd’hui ôtent aux funérailles des pauvres ce service consolateur et ne l’assurent avec pompe et éclat qu’aux riches, aux puissants et à ceux qui leur sont chers, alors que toute ambition doit cesser à la mort, comme le dit le bienheureux Jérôme. De même que le riche et le pauvre doivent pareillement recevoir la visite de tous les chrétiens, de même ils doivent aussi être ensevelis par tous. Car tous ceux qui sont issus de la masse portant le péché d’Adam doivent nécessairement mourir. Cette dette est si inévitable, si inéluctable, qu’aucun des fils d’Adam ne peut y échapper ; en effet le sang du Christ nous libère de la mort éternelle, mais non de la mort commune. Selon l’Apôtre, tous nous mourons en Adam, mais dans le Christ nous retrouvons la vie. En Adam nous sommes abattus, mais dans le Christ nous sommes ressuscités. Nous sortons donc grandis après la chute. Cependant comme nous sommes de la terre, que nous devons retourner à la terre et être rétablis avec plus d’avantage au temps de la résurrection, il faut qu’une chrétienne piété, fortifiée par l’espoir de la résurrection, s’applique avec beaucoup de dévouement miséricordieux à ensevelir les morts et à prendre soin de leur âme.

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