• SC 464

    PamphileEusèbe de Césarée

    Apologie pour Origène. Tome I
    suivi de Rufin d'Aquilée, Sur la falsification des livres d'Origène

    février 2002

    Texte critique, traduction et notes par René Amacker et Éric Junod.

    Révision assurée par Marie-Gabrielle Guérard.
    ISBN : 9782204068499
    337 pages
    Un futur martyr écrit en prison, entre 308 et 310, pour défendre le plus génial penseur chrétien du 3e siècle.

    Présentation

    Des six livres de l'Apologie pour Origène, composée par Pamphile de Césarée avec la collaboration d'Eusèbe, il ne subsiste que le premier dans une traduction latine de Rufin. Cette version est une pièce importante pour les études origéniennes, non seulement parce qu'elle contient 70 citations de l'Alexandrin d'un grand intérêt théologique – dont 34 non transmises par ailleurs –, mais aussi parce qu'elle apporte un témoignage sur les controverses suscitées par l'enseignement d'Origène autour des années 300, soit peu avant le déclenchement de la crise arienne. Elle révèle en outre un écrivain de talent, Pamphile, aussi habile à mettre en évidence la méthode et la personnalité d'Origène qu'à fustiger ses adversaires. La version de cette Apologie, qui reçoit ici sa première édition scientifique et sa première traduction dans une langue moderne, est encadrée par deux textes de Rufin, une courte préface et un curieux opuscule Sur la falsification des livres d'Origène qui est en fait un véritable traité sur l'histoire des faux littéraires dans la littérature chrétienne des quatre premiers siècles. Adressé en 397 à un certain Macaire, l'ensemble de ce dossier a sans doute été constitué par Rufin dans le dessein de défendre auprès du public latin son propre attachement à Origène et de légitimer sa traduction du Peri Archôn qu'il devait diffuser quelques mois plus tard.

    René Amacker est professeur de langue et littérature latines à l'Université de Genève. Il s'intéresse notamment aux doctrines grammaticales antiques, qu'il aborde en linguiste. Éric Junod est professeur d'histoire du christianisme à l'Université de Lausanne. Il a édité dans la présente collection les chapitres 21-27 de la Philocalie d'Origène.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Dans ce tome I de l'Apologie pour Origène de Pamphile et Eusèbe de Césarée (SC 464), on trouve traduits et annotés la version latine faite par Rufin d'Aquilée du premier des six livres de l'Apologie pour Origène qu'avait composée Pamphile de Césarée avec la collaboration d'Eusèbe et un curieux opuscule du même Rufin, Sur la falsification des livres d'Origène, également à visée apologétique. Ce volume de textes sera prochainement suivi d'un second volume (SC 465) contenant l'étude historique de ce dossier complexe, celle de la tradition manuscrite du texte et une étude de la langue de Rufin. Ces deux volumes ont été préparés en étroite collaboration par deux de nos collègues suisses, René Amacker de l'Université de Genève et Éric Junod de l'Université de Lausanne, le premier se chargeant plus directement de la partie philologique, l'édition du texte et sa traduction, le second de la présentation du dossier et des notes aux traductions. Les deux volumes, étroitement complémentaires, n'ont été dissociés que pour des raisons pratiques de maniabilité.

    Pourquoi, après sa dispute avec Jérôme, en Palestine, au sujet de l'orthodoxie d'Origène, Rufin d'Aquilée, de retour en Italie, décide-t-il, en 397, de traduire en latin l'Apologie pour Origène de Pamphile et d'Eusèbe ? Pourquoi n'en traduit-il que le premier des six livres ? Pourquoi joint-il en appendice à cette traduction son opuscule Sur la falsification des livres d'Origène ? Pourquoi, à peine ce travail achevé, entreprend-il de traduire le Traité des principes (Peri Archôn) d'Origène, l'une des œuvres de l'Alexandrin qui prête le plus le flanc à la critique ? À chacune de ces interrogations, É. Junod tente d'apporter une réponse dans l'étude à paraître (tome II, SC 465). Justifier Origène des accusations portées contre lui est probablement pour son traducteur latin un moyen de justifier du même coup son entreprise et d'échapper au reproche, qu'on ne manquera pas du reste de lui adresser, de s'être fait le propagateur des hérésies de l'Alexandrin. Son travail d'« apologiste » aurait donc une double finalité.

    Dès 393, en effet, s'était déclenchée en Palestine une vive controverse au sujet de l'orthodoxie d'Origène ; elle sera à l'origine de la brouille survenue entre Jérôme et Rufin, Jérôme soutenant Épiphane de Salamine dans sa mise en cause de l'orthodoxie d'Origène, Rufin refusant de faire de l'Alexandrin un hérétique. En réalité, dès le début du IVe siècle, Origène, comme exégète et comme théologien, avait été l'objet de vives attaques ; de son vivant déjà, il ne laissait personne indifférent. Sa science et l'importance de son œuvre lui valurent très tôt une autorité et une notoriété que peu d'autres Pères ont connues au même degré, mais aussi de nombreux ennemis. Aux louanges inconditionnelles des uns répondait chez d'autres un parti pris de dénigrement. Aussi le prêtre Pamphile, responsable de la bibliothèque ecclésiastique de Césarée, où le souvenir d'Origène demeurait très vivant et qui conservait son œuvre monumentale, jugea-t-il nécessaire, au début du IVe siècle, de défendre la mémoire du maître alexandrin, avec l'espoir de mettre un terme aux accusations et calomnies répandues contre lui. Arrêté et incarcéré en novembre 307, pour avoir refusé de sacrifier aux idoles, Pamphile meurt par décapitation en février 310 : c'est dans cet intervalle de temps qu'il rédigea, avec l'aide d'Eusèbe de Césarée, l'Apologie pour Origène, dont il avait peut-être conçu le projet bien avant. Cette apologie comportait six livres, aujourd'hui perdus dans l'original grec ; Rufin n'a traduit que le premier, sans indiquer quels étaient les accusateurs d'Origène auxquels Pamphile entendait répliquer, sans nous dire non plus à qui il destinait un tel ouvrage. De toute évidence, les « calomniateurs » d'Origène, à l'époque où Rufin réalise sa traduction, ne sont plus ceux du début du siècle. Il n'empêche que les accusations portées contre Origène et qu'entend réfuter Pamphile, dans le premier livre de son Apologie, seront constamment reprises par les adversaires de l'Alexandrin, depuis Méthode d'Olympe jusqu'à Épiphane de Salamine, le grand pourfendeur des hérésies, et ceux qui, après lui, voudront voir en Origène « l'hydre de toutes les hérésies ». Tour à tour sont donc abordés son enseignement théologique sur la Trinité et sur l'Incarnation, la question de la résurrection des morts et du jugement dernier, puisqu'Origène était accusé de nier la réalité de la résurrection des corps et la damnation éternelle, et enfin sa doctrine sur l'âme, puisqu'on l'accusait aussi de professer la préexistence des âmes et la métensomatose. De ces erreurs on rendait responsables son allégorisation systématique de l'Écriture et son refus d'en reconnaître le caractère historique.

    Avant de traiter chacun de ces points, Pamphile, au terme de la préface qui justifie l'entreprise, a pris soin de définir la méthode qu'il utilisera pour faire la preuve qu'Origène n'est pas un hérétique : « Ce ne sera ni par nos paroles ni par nos affirmations que nous présenterons sa défense, mais nous le ferons en citant ses propres mots, par lesquels il atteste lui-même, dans son propre exposé, que les propositions que ces gens-là lui objectent, à savoir tout ce qui est enseigné à l'encontre de la foi universelle, lui sont étrangères » (Apologie 19). L'ouvrage se veut donc objectif : c'est à Origène qu'il revient de justifier Origène, d'où la présence, dans ce seul premier livre de l'Apologie, et ce n'est pas son moindre intérêt, de soixante-dix citations empruntées à plusieurs de ses œuvres. La première retenue par Pamphile, empruntée au Peri Archôn, veut par avance souligner que l'enseignement d'Origène n'est pas aussi catégorique et dogmatique que veulent bien le dire ses accusateurs : sur les points de doctrine clairement établis par les apôtres, on s'en tiendra, dit-il, à ce qu'ils ont enseigné, sans pour autant renoncer à réfléchir sur ces vérités de foi ; sur d'autres sujets où leur enseignement a été moins précis ou moins clair, il est permis d'exercer son intelligence. Ce que fait Origène sans prétendre avoir dit sur ces sujets le dernier mot.

    L'Apologie de Pamphile et d'Eusèbe n'empêchera pas les condamnations successives d'Origène et, par voie de conséquence, la disparition d'une grande partie de son œuvre. La perte aurait encore été beaucoup plus grande si Rufin et Jérôme n'avaient pas traduit en latin de nombreux traités. Au temps où la controverse autour de l'orthodoxie d'Origène entraîna la brouille des deux amis, Jérôme éprouva lui aussi le besoin de se justifier : s'il a pu louer l'exégète, il se défend vigoureusement d'avoir partagé les erreurs du théologien ; aussi s'est-il gardé de traduire, contrairement à Rufin, les traités où Origène avançait des thèses contestables ou jugées hérétiques, pour éviter de les propager !

    Rufin, quant à lui, justifie par avance sa traduction du Peri Archôn dans l'écrit intitulé Sur la falsification des livres d'Origène. La thèse qu'il défend est la suivante. Ce qui, dans les ouvrages de l'Alexandrin, peut prêter le flanc à la critique relève, à ses yeux, d'une falsification opérée par les hérétiques, désireux de camoufler leurs erreurs sous un nom aussi illustre. Et pour mieux laver Origène de tout soupçon d'hérésie, Rufin dresse une longue liste des faux littéraires dans la littérature chrétienne des quatre premiers siècles pour bien illustrer la fréquence du procédé de la part des hérétiques. Origène, ne serait donc qu'une victime parmi d'autres de ce travail de faussaires. A la différence de Jérôme, Rufin n'a pas à mesurer son admiration à Origène, en distinguant l'exégète du théologien : ce qui dans ses écrits « n'est pas en harmonie avec la foi catholique », Rufin le suppose avoir été « introduit par les hérétiques » et le considère « étranger aussi bien à sa pensée qu'à notre foi ».

    L'opuscule Sur la falsification des livres d'Origène se situe donc, du point de vue de Rufin, dans le prolongement de son travail de traducteur du premier livre de l'Apologie d'Origène et procède d'une même volonté apologétique. En 397, dans un contexte polémique différent de celui qui avait suscité, peu avant 310, l'entreprise de Pamphile et d'Eusèbe, il y a de sa part une intéressante exploitation du dossier qu'ils avaient réuni. Cette édition réjouira sans aucun doute tous les lecteurs d'Origène, l'auteur le mieux représenté dans la collection Sources Chrétiennes avec déjà 39 volumes publiés. Il méritait bien un tel hommage  !

    (J.-N. Guinot, 2002)

    Jean-Noël Guinot

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    de la toute création

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    CCels VI,79

    CCels VI,79, SC 147, p. 376-378

     

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    valu

     

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