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SC 591
Évagre le Pontique
À Euloge
suivi de Des vices opposés aux vertusdécembre 2017Introduction, texte critique, traduction et notes de Charles-Antoine Fogielman.
Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.Révision assurée par Yasmine Ech Chael.ISBN : 978-2-204-12617-5534 pagesLe combat contre les vices, par le « philosophe du désert »
Présentation
La lutte contre les vices : tel est l’objet principal du traité adressé par Évagre, sans doute peu avant 394, à un destinataire mal connu, nommé Euloge. L’homme de lettres, né dans le Pont et devenu ermite en Égypte, y invite au discernement des « pensées » envoyées par les démons pour troubler la quiétude contemplative de celui qui s’est retiré loin de l’agitation du monde. Offrant le témoignage de son expérience personnelle et celui de quelques apophtegmes, le « philosophe du désert » prône ainsi l’impassibilité inspirée du stoïcisme dont il est pétri, tout en dépassant celui-ci grâce à la relation à Dieu et aux autres.
Le petit opuscule qui fait suite à Euloge dans les manuscrits, Les Vices opposés aux vertus, lui sert en quelque sorte de guide de lecture. Dans cette série de définitions pittoresques, en deux ou trois mots Évagre saisit chacun des neuf vices, chacune des neuf vertus qu’il distingue. Connu pour avoir, par ailleurs, dressé une liste de huit péchés devenue classique en Orient – mais réduite à sept en Occident –, il livre ici la quintessence de son enseignement et, sous une forme quasiment poétique, une rumination spirituelle sur l’acquisition des vertus.
Le texte édité ici est fondé sur l’étude de l’ensemble de la tradition manuscrite et des nombreuses traductions en langues orientales qui ont été faites de ces deux traités.Charles-Antoine Fogielman, Agrégé de l’Université, docteur ès lettres, ancien élève de l’École des Chartes et de l’EPHE, est prêtre du diocèse de Paris. Ce volume est le fruit de sa thèse de doctorat.
Le mot des Sources Chrétiennes
Composé vraisemblablement quelque temps avant 394, c’est le seul traité qu’Évagre adresse à un destinataire explicitement nommé, un certain Euloge, dont on sait peu de choses. Comme les Chapitres sur la prière, il a survécu parce qu’il était transmis sous le nom de Nil – parfois sous le titre Divers chapitres pour la sûreté de l’âme –, mais la paternité évagrienne ne fait pas de doute. Le « philosophe du désert », reprenant les grandes lignes de son enseignement sur les bases de la vie monastique, y engage avant tout au combat contre les « pensées », c’est-à-dire les vices, et contre les démons qui les inspirent.
Le premier des 32 chapitres fournit un exemple frappant de ce type de « dialogue » avec le Tentateur incitant l’ermite, en l’occurrence, à quitter sa retraite :« ‘Alors, repars ! Rends à ta famille ta présence qui fait leur joie et leur gloire ; tu leur as laissé, sans pitié, un deuil insupportable ; or ils sont nombreux, ceux qui, sans avoir fui leur patrie, ont atteint la vertu du milieu de leur famille !’ Mais celui qui dans la bataille sur une terre étrangère se drape de la pourpre des épreuves et se couronne par la foi de l’espérance de ses peines, en persévérant dans l’action de grâces, secoue comme des flocons ces pensées du tréfonds de soi ; et plus elles sapent son cœur pour lui faire rebrousser chemin, plus il psalmodie contre elles : 'Voici que j’ai fui au loin et demeuré au désert' (Ps 54,8). »
Et, là encore, les sentences de sagesse laissent parfois place aux récits édifiants et aux apophtegmes. Il n’en va pas de même de l’opuscule qui, dans le volume comme dans les manuscrits, suit et complète le traité À Euloge. Il s’agit, en effet, en 9 chapitres, d’une série de définitions des vices et des vertus, comptant non pas sept, ni même huit péchés – c’est-à-dire le nombre qu’Évagre a lui-même rendu classique dans le 6e chapitre de son Traité pratique –, mais neuf. Affinant le discernement spirituel en la matière en s’inspirant d’une tradition philosophique, il énumère ainsi gourmandise, luxure, avarice, tristesse, colère, acédie, vaine gloire, envie, orgueil, opposés aux neuf vertus principales : sobriété, continence, renoncement, joie, patience, persévérance, absence de vaine gloire, absence d’envie, humilité. En ajoutant l’envie, il anticipe en fait la liste de sept péchés qui, bien après Grégoire le Grand, deviendra canonique en Occident et qui ajoute l’envie, elle aussi, en mettant tristesse et vaine gloire de côté et en faisant de la paresse un équivalent de l’acédie.
Si d’aventure quelqu’un doutait aujourd’hui de la gravité peccamineuse de la gourmandise, qu’il lise donc la première de ces définitions : « La gourmandise est mère de luxure, propre à nourrir les pensées de paroles, relâchement du jeûne, recrudescence de la voracité, muselière de l’ascèse, épouvantail de la résolution, imagination de nourritures, figuration de condiments, poulain débridé, folie effrénée, réceptacle de maladie, envieuse de la santé, obstruction des boyaux, grognement des entrailles, aboutissement des excès, consœur de la luxure, pollution de l’entendement, impuissance du corps, sommeil accablant, sinistre mort. »
Ce bref opuscule non dénué de poésie est en partie inédit dans sa forme actuelle : comme pour le traité qui le précède, le lecteur bénéficie là en effet d’une édition critique fondée sur l’examen attentif de nombreux manuscrits ou témoignages et de multiples versions en diverses langues orientales.(G. Bady, 2017)
Guillaume Bady
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