• SC 479

    Facundus d’Hermiane

    Défense des Trois Chapitres (À Justinien), tome II.2
    (Livres V-VII)

    novembre 2003

    Texte critique (CCL) par J.-M. Clément, o.s.b. et R. Vander Plaetse. — Introduction, traduction et notes par Anne Fraïsse-Bétoulières.

    Ouvrage publié avec le concours du Conseil Général du Rhône.
    Révision assurée par Dominique Gonnet.
    ISBN : 9782204073073
    326 pages
    Un empereur peut-il condamner des théologiens ? Au milieu du 6e siècle, un Africain réagit.

    Présentation

    Évêque d'Hermiane en Afrique du Nord, Facundus intervient avec toute son énergie et son talent rhétorique dans la querelle christologique dite des « Trois Chapitres » qui, au milieu du VIe siècle, aboutit à la condamnation de Théodore de Mopsueste, de Théodoret de Cyr et d'Ibas d'Édesse. Dans ce conflit, l'auteur de la Défense des Trois Chapitres présente en faveur des accusés des arguments solides, tant historiques que théologiques; mais l'intransigeance de l'empereur Justinien comme l'indécision et les revirements du pape Vigile provoqueront, à la suite de cette affaire, une dissension douloureuse et durable dans l'Église.

    Les livres III-VII constituent le centre de l'œuvre de Facundus. Les deux premiers concernent Théodore de Mopsueste. L'auteur réfute avec précision les attaques contre lui contenues dans le premier édit de Justinien (544-545) et montre l'orthodoxie de sa doctrine sur le Christ (III). Il situe ces attaques dans un contexte plus large : son maître Diodore de Tarse, loin d'être soupçonné, a reçu au contraire des lettres élogieuses de plusieurs évêques ; Théodore ne mérite pas non plus d'être condamné. Le recours au jugement du pape Vigile est inutile, car son opinion est déjà connue ; en outre, les signataires de l'édit impérial avouent avoir agi sous la contrainte (IV).

    L'ouvrage de Facundus, souvent cité ou résumé à son époque, est le document le plus complet, le mieux informé et sans doute le plus honnête que nous ayons sur cette querelle. Il nous transmet bon nombre de sources théologiques et politiques par ailleurs perdues et reflète la richesse idéologique et littéraire de l'Afrique chrétienne du VIe siècle.

    Anne Fraïsse-Bétoulières est maître de conférences de littérature et civilisation latines à l'Université Paul-Valéry de Montpellier.

     

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Voici le deuxième tome, en deux volumes, de l’ouvrage de Facundus d'Hermiane, Défense des Trois Chapitres. On y trouvera les livres III à VII de cette longue défense de la mémoire de Théodore de Mopsueste, Ibas d’Édesse et Théodoret de Cyr, frappés d’anathème en 543 par un édit de l’empereur Justinien sous prétexte qu’ils auraient inspiré ou soutenu la doctrine hérétique de Nestorius, condamné par le concile d’Éphèse (431). A travers l’apologie des trois « antiochiens », l’intention qui guide Facundus n’est rien moins que de défendre l’enseignement de saint Léon et du concile de Chalcédoine (451) contre leurs adversaires monophysites. Les livres III et IV concernent presque exclusivement Théodore de Mopsueste, dont Facundus entend prouver qu’il est accusé à tort d’être à l’origine de l’hérésie de Nestorius ; les livres V à VII traitent du cas d’Ibas. Ce ne sont donc pas seulement des raisons pratiques qui ont conduit à séparer en deux volumes ce deuxième tome.

    Textes à l’appui – c’est aussi ce qui fait l’intérêt de l’ouvrage, étant donné la disparition d’une grande partie de l’œuvre du docteur antiochien –, Facundus démontre que Théodore ne mérite aucune des accusations calomnieuses répandues contre lui : il n’a jamais prétendu que le Christ n’était qu’un homme, même s’il a fermement distingué contre les hérétiques ariens la nature divine du Verbe incarné de sa nature humaine et insisté contre les apollinaristes sur la pleine humanité qu’il a assumée ; il n’a pas eu tort par conséquent de tirer toutes les conséquences de l’Incarnation en affirmant que le Christ avait connu toutes les faiblesses inhérentes à la nature humaine – la fatigue, la soif, la faim, la peur et l’angoisse – à l’exception du péché ; il n’est pas exact non plus qu’il ait refusé de reconnaître les prophéties messianiques, même s’il est vrai qu’il se montre sur ce point d’une grande exigence. Voilà donc quelques-unes des accusations que réfute Facundus, en interdisant aux détracteurs du docteur antiochien d’invoquer, pour les soutenir, les écrits de Cyrille d’Alexandrie contre Théodore et Diodore de Tarse : la fausseté des accusations portées par le patriarche alexandrin, qui veut faire d’eux les ancêtres directs de l’hérésie de Nestorius, est manifeste ; son hostilité à leur égard est comparable à celle qu’il a nourrie à l’égard de Jean Chrysostome, et pareillement indéfendable. Pour en faire la preuve, Facundus produit de nombreux témoignages patristiques – Basile de Césarée, Jean Chrysostome, Épiphane de Salamine, Jérôme notamment – en faveur de l’orthodoxie de Diodore, dont un autre titre de gloire est d’avoir été odieux à l’empereur Julien qui voyait en lui un obstacle à son entreprise de restauration du paganisme. Cette longue apologie de Diodore est essentielle dans sa démonstration, puisque Diodore fut le maître de Théodore de Mopsueste. Or, Facundus ne se lasse pas de le répéter, en invoquant l’autorité de Cyrille contre Théodore et Diodore, leurs accusateurs n’ont qu’un but : ruiner les définitions de Chalcédoine, remettre en cause le concile.

    Pour la même raison, il prend ensuite longuement la défense d’Ibas d’Édesse et de sa Lettre à Maris. Avec Théodoret et plusieurs autres antiochiens, Ibas avait été condamné au Brigandage d’Éphèse (449), mais son orthodoxie fut reconnue par le concile de Chalcédoine. Ses détracteurs monophysites, à l’époque de Justinien, s’employèrent toutefois à lui faire une réputation de nestorien et obtinrent la condamnation de la lettre par laquelle il rapportait à Maris, après l’acte d’union de 433, la querelle entre Cyrille et Nestorius et dénonçait l’impiété des douze anathématismes. Ces attaques contre Cyrille étaient, à leurs yeux, une preuve suffisante d’hérésie. Facundus s’emploie donc à montrer, à partir d’une analyse minutieuse de cette lettre, que les adversaires d’Ibas ont procédé à une présentation partisane de la lettre, en opérant des déplacements qui en modifient le sens. Du reste, contrairement à leurs affirmations, cette lettre a bien été reconnue orthodoxe par le concile de Chalcédoine, dont Facundus cite avec précision les Actes. En fait, s’ils le contestent, c’est parce qu’elle contient l’affirmation des deux natures et un éloge de Théodore de Mopsueste. Ils ne poursuivent d’autre but, en vérité, que la condamnation du concile de Chalcédoine et ils savent bien ce qu’ils font. Facundus dénonce ainsi leur tactique : « La piété de l’Église ne peut supporter que l’on déclare devoir condamner une lettre qu’un synode a approuvée, ou plutôt ce même synode parce qu’il l’a jugée orthodoxe. En effet, ils ont cherché à accuser et rejeter non seulement cette lettre d’Ibas comme nestorienne (…), mais aussi ses défenseurs qui disent qu’elle est orthodoxe et ne la placent pas sous anathème » (V, I, 3). Condamner les « Trois Chapitres », c’est-à-dire les écrits dogmatiques des trois antiochiens frappés d’anathème par l’édit de Justinien, c’est donc ruiner l’œuvre du concile de Chalcédoine. De Théodoret de Cyr, il est ici finalement peu question, sinon pour dire qu’il a effectivement siégé au concile et y a défendu un passage du tome de Léon à Flavien.

    Comme le précédent, ces deux volumes sont dus à Anne Fraïsse-Bétoulières (Université Paul-Valéry de Montpellier) et ont bénéficié de la révision du P. Aimé Solignac (Institut des Sources Chrétiennes). Le tome III, contenant les livres VIII à X, devrait paraître en 2004.

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Défense des Trois Chapitres, Livres V-VII

    Les livres V à VII sont consacrés à la défense de la lettre d’Ibas à Maris le Perse, le troisième des Trois Chapitres condamnés par l’édit. Le livre V commence par rappeler encore une fois que, contrairement aux affirmations des accusateurs, la lettre d’Ibas a été approuvée par le concile de Chalcédoine (et non un autre document émanant du clergé d’édesse). Les débats conciliaires prouvent d’autre part que personne n’a douté que la lettre d’Ibas fût de lui, et qu’Ibas ne l'a jamais nié. Ces mêmes actes attestent aussi qu’Ibas et Théodoret ont bien siégé au concile (Ibas plus tardivement, après qu’on eut statué sur son dossier ; il signe parfois aux mêmes sessions que son concurrent Nonnus). On ne peut, du reste, arguer de la présence de tel ou tel pour jeter le discrédit sur la doctrine de Chalcédoine : tous les participants étaient légitimes. Le pape Léon a approuvé Chalcédoine, et donc la lettre d’Ibas : tout ce qu’il a désapprouvé, c’est la revendication par Constantinople de la seconde place devant Alexandrie et Antioche. On doit donc recevoir la lettre.

    Le livre VI revient sur l’enjeu des débats autour du texte : les accusateurs feignent de s’indigner des critiques qu’il contient contre Cyrille, mais en réalité c’est la théologie des deux natures qu’ils visent. Plusieurs exemples bibliques apprennent à distinguer entre la condamnation d’un acte et la condamnation définitive d’une personne : qu’Ibas ait injustement critiqué Cyrille dans sa lettre ne le disqualifie pas pour le reste. Les adversaires ont faussé sa lettre en rassemblant quelques extraits. Ibas lui-même n’a pas condamné Cyrille mais un point de sa doctrine qu’il estimait erroné. Même s’il a eu tort, sa visée était juste et Cyrille s’est aussi corrigé par rapport à ses anathématismes.

    Le livre VII aborde le fond de la question : l’orthodoxie de la lettre d’Ibas. « Une seule puissance » équivaut à une seule personne. Il rappelle la (bonne) raison qu’avait Ibas de critiquer l’attitude de Cyrille à éphèse, mais précise qu’il n’a en rien approuvé Nestorius : il a seulement critiqué la façon dont les choses s’étaient passées. Il n’a pas été accusé d’être nestorien, ni condamné pour ses attaques contre Cyrille, et son éloge de Théodore est légitime puisque celui-ci n’était pas hérétique (témoignages de Jean Chrysostome et de Grégoire de Nazianze).

    Extrait(s)

    (VI, V, 6.9.11, SC 479, p. 371-375)

    En cela aussi le saint synode <de Chalcédoine> a suivi l’exemple du bienheureux Cyrille lui-même ou plutôt du synode d’Ephèse : celui-ci a accueilli par une très sage pensée la foi très juste de tous les Orientaux sur le Christ, bien qu’ils eussent douté de lui à mauvais escient ; ainsi, de la même manière et pour la même raison, le synode de Chalcédoine a accueilli la foi très juste sur le Christ de la lettre d’Ibas, bien qu’elle contînt quelques soupçons immérités sur le bienheureux Cyrille. (…)

    Le grand synode, sachant que dans ces chapitres (les anathématismes de Cyrille) et dans cette profession (des Orientaux en 433) à laquelle Cyrille avait souscrit, il y avait la même foi, jugea que peu importaient les termes par lesquels Ibas avait approuvé l’expression de la foi de Cyrille, puisqu’il était clair qu’il avait approuvé ce qui devait l’être. (…) C’est pourquoi on ne peut pas juger hérétique la lettre d’Ibas, sauf si l’on dit que les chapitres du bienheureux Cyrille contiennent une foi juste, mais qu’est nestorienne cette profession des Orientaux à laquelle il a souscrit, profession qu’à la fois Ibas et le synode de Chalcédoine ont soutenue dans sa définition ; ainsi, pour qu’Ibas ou ce synode soient accusés, on affirmera que Cyrille a penché vers l’hérésie nestorienne après la condamnation de Nestorius.

    Errata

    Page

    Localisation

    Texte concerné

    Correction

    Remarques

    0

     

     

     

    Voir errata SC 478 : "En marge de SC 478-479 (Facundus d’Hermiane) : l’attribution à Marcel d’Ancyre d’ouvrages pseudo-athanasiens a été rejetée, de façon définitive, dans M. Simonetti, Su alcune opere attribuite di recente a Marcello d’Ancira, in "Rivisita di storia e letteratura religiosa" 9 (1973), pp. 313-329"

    272

    note b.

    Ph 4, 23

     

    Ph 4, 2-3

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