• SC 484

    Facundus d’Hermiane

    Défense des Trois Chapitres (A Justinien), tome III (Livres VIII-X)

    septembre 2004

    Texte critique (CCL) par J.-M. Clément, o.s.b. et R. Vander Plaetse. — Introduction, traduction et notes par Anne Fraïsse-Bétoulières.

    Ouvrage publié avec le concours du Conseil Général du Rhône.
    Révision assurée par Dominique Gonnet.
    ISBN : 9782204073684
    332 pages
    Un empereur peut-il condamner des théologiens ? Au milieu du 6e siècle, un Africain réagit.

    Présentation

    Évêque d'Hermiane en Afrique du Nord, Facundus intervient avec toute son énergie et son talent rhétorique dans la querelle christologique dite des « Trois Chapitres » qui, au milieu du VIe siècle, aboutit à la condamnation de Théodore de Mopsueste, de Théodoret de Cyr et d'Ibas d'Édesse. Dans ce conflit, l'auteur de la Défense des Trois Chapitres présente en faveur des accusés des arguments solides, tant historiques que théologiques; mais l'intransigeance de l'empereur Justinien comme l'indécision et les revirements du pape Vigile provoqueront, à la suite de cette affaire, une dissension douloureuse et durable dans l'Église.

    Dans les livres VIII-X, Facundus revient à la justification de Théodore de Mopsueste. Il apporte ici des nuances, des précisions et des compléments à ce qu'il avait déjà dit dans les livres I-II et III-IV, auxquels il renvoie explicitement. Ibas n'est nommé qu'en passant, comme l'auteur de la lettre qui fait son éloge. La méthode de Facundus consiste à citer de multiples documents et à les analyser en détail pour montrer comment ils défendent la personne et la doctrine de Théodore. On peut résumer aisément le contenu de ces livres en deux formules : Théodore n'a jamais été condamné en son temps ; il ne peut être condamné maintenant.

    L'ouvrage de Facundus, souvent cité ou résumé à son époque, est le document le plus complet, le mieux informé et sans doute le plus honnête que nous ayons sur cette querelle. Il nous transmet bon nombre de sources théologiques et politiques par ailleurs perdues et reflète la richesse idéologique et littéraire de l'Afrique chrétienne du VIe siècle.

    Anne Fraïsse-Bétoulières est maître de conférences de littérature et civilisation latines à l'Université Paul-Valéry de Montpellier.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Avec le tome III de la Défense des Trois Chapitres se poursuit la publication du grand traité apologétique de Facundus d'Hermiane (VIe s.) en faveur de Théodore de Mopsueste, Ibas d'Édesse et Théodoret de Cyr, injustement condamnés selon lui par le concile de Constantinople de 553 réuni par l'empereur Justinien. Dans les livres VIII, IX et X, qui font l’objet du présent volume, Facundus s'attache de nouveau, et cette fois exclusivement, à justifier Théodore de Mopsueste des accusations portées contre lui et à faire la preuve de son orthodoxie. Il y complète et précise ce qu'il avait déjà écrit dans les livres I à IV de son traité (voir SC 471 et 478), le grand intérêt de l'ouvrage venant de ce que Facundus cite de nombreux documents et de larges extraits des œuvres de Théodore.

    À cet égard le livre IX est particulièrement précieux. On y trouve cités, en effet, des passages entiers de sept ouvrages différents de Théodore, qui tous ne nous sont parvenus qu’en tradition indirecte – ordinairement syriaque – ou de façon très fragmentaire. Une mention toute spéciale doit être faite des longs extraits empruntés à son traité Sur l'Incarnation, considéré en son temps comme l'œuvre capitale du grand docteur antiochien. On doit même à Facundus, semble-t-il, de connaître le véritable titre de ce traité, plutôt un De inhumanatione qu'un De incarnatione, ce qui n'est pas indifférent pour une juste appréciation de la christologie de Théodore. En tout cas, Facundus a eu l'ouvrage en main : il suit l'ordre des livres dans les extraits qu'il en donne et qu’il commente, et indique presque toujours le chapitre auquel il les emprunte. À ce titre, il est une source essentielle pour toute tentative de reconstruction de l'ouvrage de Théodore, dont on possède aussi des fragments grecs, hélas souvent falsifiés pour faire de lui un ancêtre de l'hérésie nestorienne, et des fragments transmis en tradition syriaque. Rappelons que l’unique manuscrit contenant le texte entier de ce traité dans une version syriaque, découvert en 1905, aurait malheureusement disparu au cours de la première guerre mondiale. Cela permet de mesurer toute l’importance du témoignage de Facundus. Le livre X contient également d’autres citations d’écrits de Théodore, en particulier un long extrait d’un traité contre l’hérésie d’Apollinaire, dans lequel Théodore se plaint de ce que ses adversaires ont dénaturé le contenu de son De incarnatione, rédigé près de trente ans auparavant, en y introduisant des affirmations hérétiques relatives à la personne du Christ et en lui faisant professer l’hérésie de « deux fils ». Ce genre de falsification était courant dans l’Antiquité, en un temps où la notion de propriété littéraire était fort différente de la nôtre ; nous avons ici même rendu compte de l’écrit de Rufin d'Aquilée, Sur la falsification des livres d’Origène (SC 464), et l’on trouverait chez Augustin des plaintes du même type. Cela ne signifie pas pour Facundus que toutes les formules utilisées par Théodore soient également heureuses ou même exemptes d’erreurs. Mais il entend prouver que ces erreurs portent sur des questions secondaires et n’entachent aucunement l’ensemble de sa doctrine. Il n’hésite pas enfin à produire, comme arguments a fortiori, trois cas où des Pères de l’Église de grand renom, Athanase d’Alexandrie, Basile de Césarée et Hilaire de Poitiers se sont abstenus de condamner les auteurs d’opinions marquées pourtant au sceau de l’hérésie arienne, telles formules de Denys d’Alexandrie, de Grégoire le Thaumaturge ou des évêques réunis aux conciles d’Antioche et de Sirmium. Il serait donc injuste de frapper d’anathème la doctrine de Théodore.

    Facundus reprend donc, en conclusion du livre X, l’argumentation développée, documents à l’appui, dans le livre VIII : on ne saurait condamner à titre posthume un docteur qui ne l’a jamais été de son vivant, dont l’orthodoxie a été au contraire souvent louée et n’a pas été mise en question, non plus, par le concile de Chalcédoine (451), en dépit des avis discordants émis à son sujet par Cyrille d’Alexandrie. Anathématiser Théodore reviendrait par conséquent à condamner le concile de Chalcédoine. Puisse l’empereur Justinien, conclut Facundus, ne pas avaliser la condamnation de Théodore que veulent obtenir les adversaires de la foi orthodoxe !

    Comme le précédent, ce volume est dû à Mme Anne Fraïsse-Bétoulières, maître de conférences à l’Université Paul-Valéry de Montpellier. Il a bénéficié des remarques et de la relecture attentive du Père Aimé Solignac, collaborateur de « Sources Chrétiennes ». Un quatrième et dernier tome achèvera prochainement la publication de ce traité.

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Défense des Trois Chapitres, Livres VIII-X

    Les livres VIII à X reviennent à Théodore de Mopsueste, déjà beaucoup traité dans les livres I à IV. Parmi les Trois Chapitres, c’est à lui que Facundus s’intéresse le plus. Le livre VIII défend sa mémoire à partir du témoignage d’autorités en sa faveur qui soit ont fait son éloge, soit (Proclus) ne l’ont pas critiqué tout en n’étant pas dans son camp : lettres de Jean d’Antioche et du synode oriental d’éphèse ; lettres de Proclus et de Domnus (synode de 448). Puis sont examinées les critiques de Cyrille contre Théodore : Cyrille semble se contredire puisqu’il loue ailleurs Théodore ; de toute façon le synode a bien fait de ne pas le suivre là où il est isolé par rapport à tant d’autres Pères. L’approbation de ses contemporains, tous éclairés, suffit à trancher et donne raison au synode de Chalcédoine.

    Le livre IX veut prouver l’orthodoxie de Théodore et cite de larges extraits de ses œuvres : d’abord son Commentaire sur le Psaume 44, puis son Commentaire sur l’évangile de Matthieu, son Commentaire sur l’évangile de Jean, son Traité sur l’Incarnation, son Contre Eunome, son Contre Apollinaire. Trois chefs d’accusation (contradictoires pour les deux premiers) sont réfutés : 1) avoir professé une personne unique en Dieu ; 2) avoir introduit une 4ème personne en professant deux fils ; 3) avoir refusé les prophéties du Christ dans l’AT. Facundus montre que Théodore a distingué les natures dans l’unité de la personne et qu’il confesse bien le Christ comme Dieu et non comme un simple homme. La comparaison anthropologique (parallèle fait par Théodore entre l’union âme/corps et l’union Verbe/homme) permet de vérifier l’orthodoxie de Théodore quant à l’unité de personne du Christ : ce qu’il dit sur la distinction concerne les natures et non la personne.

    Le livre X apporte des nuances : Théodore a pu dire des choses contestables, mais il faut les relativiser par rapport au fond de sa foi qui est droite. Le concile de Chalcédoine (qui n’a pas forcément connu toute son œuvre) a eu bonne opinion de lui, mais ses contemporains aussi. Il faut d’autre part faire le ménage (notamment dans le traité Sur l’Incarnation) des interpolations malveillantes, tenir compte du fait qu’il s’est lui-même parfois rétracté sur des formules malheureuses (comme l’atteste Jean d’Antioche), et enfin se souvenir que les plus grands ont toujours su montrer de l’indulgence quand l’intention des auteurs incriminés est droite : ainsi la postérité pour Cyprien sur le rebaptême, Athanase pour Denys d’Alexandrie sur certaines formules trinitaires, Basile de Césarée pour Grégoire le Thaumaturge ou Hilaire pour les professions de foi synodales d’Antioche et de Sirmium.

    Extrait(s)

    (VIII, III, 5-9, SC 484, p. 41-43)

    Quel chrétien ne céderait à la grande autorité des Orientaux, quel homme sage à leur réflexion raisonnée ? Pour finir, instruit par leurs écrits, l’empereur Théodose a lui aussi suivi son saint ancêtre Théodose dans son jugement sur Théodore de Mopsueste ; il n’a pas méprisé leurs décrets salutaires et leurs avertissements, et n’a pas tardé à les rendre effectifs, comme nous le montrerons plus bas. (…) En effet, le saint synode ne devait pas mépriser également le jugement de ce bienheureux empereur à qui l’église a reconnu d’autant plus d’autorité qu’il n’a jamais revendiqué aucune autorité contre l’église. C’est pourquoi je te demande, très clément empereur, et je te prie, par la révérence que tu dois au Christ Dieu et à ses évêques, de recevoir avec obéissance l’exhortation de tes saints pères. En effet, c’est à toi que parlent maintenant tous ces anciens évêques d’Orient, c’est à toi qu’ils donnent leurs conseils. C’est à toi qu’ils disent maintenant ce qu’ils ont dit autrefois à Théodose le jeune : « Mais si, très saint empereur, quelqu’un trouve quelque obscurité dans les écrits de Théodore ou dans ceux des autres, il n’est pas nécessaire de réexaminer cette opinion. Ceux dont la vie dans le sacerdoce et le ministère eut une fin excellente, nous les honorons d’une gloire illustre et nous ne les jugeons pas à partir des passages sur lesquels certains les accusent de façon atroce. » (…)

    C’est pourquoi, écoute tes pères, religieux empereur, écoute-les, nous t’en prions en t’exhortant pour ton salut, si tu veux que le Christ les écoute lorsqu’ils prient pour toi.

    Errata

    Page

    Localisation

    Texte concerné

    Correction

    Remarques

    145

    12

    dans la

    dans le

     

    151

    note 2 fin

     

     

    Le texte cité comme étant de Grégoire de Nysse est en fait d’Eustathe d’Antioche : corriger d’après Liébaert, L’incarnation, p. 114, qui a été lu trop vite.

    156

    l. 224

    manife stam

    manifestam

     

    163

    l. 7 ab imo

    et ne croient

    et qu’ils ne croient

     

    171

    l. 12

    soit

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