• SC 471

    Facundus d’Hermiane

    Défense des Trois Chapitres (À Justinien), tome I
    (Livres I-II)

    novembre 2002

    Texte critique (CCL) par J.-M. Clément, o.s.b. et R. Vander Plaetse. — Introduction, traduction et notes par Anne Fraïsse-Bétoulières.

    Ouvrage publié avec le concours du Conseil Général du Rhône.
    Révision assurée par Dominique Gonnet.
    ISBN : 9782204068550
    380 pages
    Un empereur peut-il condamner des théologiens ? Au milieu du 6e siècle, un Africain réagit.

    Présentation

    Évêque d'Hermiane en Afrique du Nord, Facundus intervient avec toute son énergie et son talent rhétorique dans la querelle dite des « Trois Chapitres » qui, au milieu du VIe siècle, aboutit à la condamnation de Théodore de Mopsueste, de Théodoret de Cyr et d'Ibas d'Édesse. Dans ce conflit qui témoigne du choc de deux Écoles et de deux pensées sur la nature du Christ, l'auteur de la Défense des Trois Chapitres présente en faveur des accusés des arguments solides tant historiques que théologiques, proches de notre vision moderne ; mais l'intransigeance de l'empereur Justinien comme l'indécision et les revirements du pape Vigile provoqueront, à la suite de cette affaire, une dissension douloureuse et durable dans l'Église.

    L'ouvrage de Facundus, souvent cité ou résumé à son époque, est le document le plus complet, le mieux documenté et sans doute le plus honnête que nous ayons de cette querelle. Il nous transmet bon nombre de sources théologiques et politiques par ailleurs perdues et reflète la richesse idéologique et littéraire de l'Afrique chrétienne du VIe siècle. Il est traduit ici pour la première fois dans une langue moderne.

    Anne Fraïsse-Bétoulières est maître de conférences de littérature et civilisation latines à l'Université Paul-Valéry de Montpellier.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    La Défense des Trois Chapitres de Facundus d'Hermiane (SC 471) est une apologie, puisqu'il s'agit pour cet évêque d'Afrique – on situe son évêché en Byzacène, dans la région des hauts plateaux tunisiens – de défendre la mémoire de Théodore de Mopsueste, Théodoret de Cyr et Ibas d'Édesse. Ces trois représentants de l'« école d'Antioche », accusés post mortem d'avoir inspiré ou professé une doctrine proche du nestorianisme, venaient en effet d'être frappés d'anathème par un édit de l'empereur Justinien, en 543. Dans cette affaire, particulièrement complexe et fertile en rebondissements, il n'est pas toujours aisé de voir clair. La volonté de l'empereur d'intervenir, au besoin par la force, dans le débat doctrinal, le manque de fermeté du pape Vigile, tantôt prompt à céder aux exigences impériales, tantôt conduit à se rétracter sous la pression des évêques d'Occident, tantôt, avec leur soutien, capable de tenir tête à l'empereur et de résister aux menaces, et surtout les menées souterraines des adversaires résolus du concile de Chalcédoine (451) sont autant d'éléments qui brouillent un peu la lecture d'un conflit dont Facundus, dans un ouvrage en douze livres, tenta d'établir la nature véritable.

    De quoi s'agissait-il ? De rien moins que de la remise en cause du concile de Chalcédoine (451) par des monophysites radicaux, se réclamant de la doctrine d'Eutychès, jadis condamnée par ce concile, et qui avaient reçu le surnom d'« acéphales » à la suite de leur séparation, en 482, d'avec le patriarche monophysite d'Alexandrie, Pierre Monge, lorsque ce dernier avait tenté de rétablir l'unité entre orthodoxes et hérétiques, en condamnant conjointement Nestorius et Eutychès. L'affaire des Trois Chapitres s'inscrit donc dans l'histoire complexe et troublée de la réception du concile de Chalcédoine. En condamnant Nestorius et une doctrine de l'Incarnation qui, à trop vouloir distinguer entre le Dieu Verbe et l'homme assumé, ruinait l'unité de la personne du Christ, le concile avait confirmé le résultat obtenu par Cyrille d'Alexandrie au concile d'Éphèse (431) ; mais, contre ses partisans extrêmes et contre Eutychès, il avait également affirmé avec force, sur la base d'un écrit du pape Léon le Grand, la dualité des natures et l'unité de la personne du Christ. Enfin, il avait reconnu l'entière orthodoxie de Théodoret de Cyr et d'Ibas d'Édesse, condamnés et déposés au « Brigandage » d'Éphèse (449), en raison de leur opposition aux thèses monophysites défendues par Eutychès. Or, ces derniers avaient autrefois contesté aussi la validité de certaines formules christologiques de Cyrille, les tenant pour héritées de l'hérésie d'Apollinaire ; de plus, Théodoret avait défendu, toujours contre Cyrille, la mémoire de Théodore de Mopsueste, en qui le patriarche d'Alexandrie voulait voir l'inspirateur des thèses de Nestorius. Pour ces différentes raisons, les monophysites eutychiens refusèrent d'accepter les décisions du concile de Chalcédoine, comme du reste les nestoriens, et l'Église s'en trouva pour longtemps divisée.

    Or, l'empereur Justinien, qui se piquait de théologie et portait un grand intérêt aux affaires ecclésiastiques, se vit proposer par Théodore Askidas, évêque de Césarée de Cappadoce, la réconciliation des « acéphales ». Comme ses prédécesseurs, il souhaitait vivement ce retour à l'unité, d'autant qu'il se voulait le défenseur attitré de l'Église ; il accueillit donc favorablement la proposition qui lui était faite, sans peut-être en mesurer aussitôt toutes les conséquences. Crut-il qu'il lui suffirait de lancer trois anathèmes, en trois sentences ou capitula – d'où le nom de « Trois Chapitres » donné à toute l'affaire – contre la personne de Théodore de Mopsueste, les écrits de Théodoret contre Cyrille ou en faveur de Nestorius, et une lettre d'Ibas contre Cyrille et le concile d'Éphèse, pour parvenir à ce résultat ? En réalité, l'édit de 543 ne contenta personne. Les monophysites ne pouvaient s'en satisfaire, puisque dans le même temps l'empereur affirmait sa fidélité au concile de Chalcédoine. Les orthodoxes, le pape Vigile et l'épiscopat d'Afrique en tête, voyaient, quant à eux, dans ces trois anathèmes une manière détournée de mettre en cause le concile de Chalcédoine. Ils refusèrent donc de signer ce texte, persuadés qu'en condamnant ces trois docteurs, ils condamnaient aussi une partie de l'œuvre du concile. Tel était bien du reste le dessein des monophysites qui avaient inspiré la manœuvre : après avoir obtenu cette condamnation, ils espéraient avoir moins de mal à contester la validité des définitions doctrinales du concile en matière de christologie.

    Cela, Facundus d'Hermiane le comprit rapidement et, dès son arrivée à Constantinople, en 547, avec plusieurs autres évêques d'Afrique, il se fit l'ardent défenseur des « Trois Chapitres » – autrement dit Théodore, Théodoret et Ibas. Secondant par ses écrits la résistance du pape Vigile à l'empereur, qui l'avait fait conduire de force à Constantinople pour obtenir plus facilement de lui ce qu'il avait déjà obtenu des patriarches orientaux, Facundus avait entrepris la rédaction d'un mémoire, qu'il reprit et publia plus tard, de retour en Afrique, vers 550, et que nous connaissons sous le titre de Défense des Trois Chapitres. Cet ouvrage en douze livres – on trouvera ici les deux premiers –, est une source de toute première importance pour l'histoire de ce conflit politico-doctrinal, à l'origine d'un schisme qui devait durer jusqu'à la fin du VIIe siècle. Le pape Vigile finit, en effet, par céder aux pressions impériales (548), avant de se rétracter (551), puis de consentir de nouveau, quelques années plus tard, à condamner les « Trois Chapitres » (553). Facundus, lui, refusera de se soumettre, rompant ainsi la communion avec le pape Vigile et son successeur, Pélage.

    Anne Fraïsse-Bétoulières (Université Paul-Valéry de Montpellier), à qui nous devons ce premier volume – il en faudra trois autres pour achever la publication –, a consacré à Facundus d'Hermiane et à l'affaire des « Trois Chapitres » sa thèse de doctorat. Le lecteur trouvera dans son introduction tous les renseignements souhaités sur le déroulement de l'affaire, sur l'argumentation développée par Facundus à l'adresse de l'empereur Justinien, sur les différentes sources de sa documentation, sur sa manière d'aborder les questions doctrinales en usant des ressources que lui offre sa formation rhétorique. La traduction par A. Fraïsse de ce texte difficile, la première dans une langue moderne, rendra, n'en doutons pas, de grands services à l'historien et au théologien, en leur facilitant l'accès à des documents de première importance.

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Ce premier tome donne les livres I et II de la Défense. Le livre I examine la Profession de foi envoyée en 553 par Justinien au pape Jean II (avec sa formule : « Un de la Trinité a été crucifié »), qu’il a soin de rapporter à la foi de Chalcédoine pour rappeler que le concile reste bien la pierre de touche de l’orthodoxie christologique. Il montre que la foi de Justinien est en accord avec Chalcédoine et que la différence de certaines formulations n’empêche pas cet accord. Il peut alors mettre en garde l’empereur contre des menées antichalcédoniennes, c’est-à-dire les attaques contre les Trois Chapitres, persuadé que celui-ci ne pourra que s’y opposer. Il discute longuement la formule « Un de la Trinité » en la préférant à « Une personne de la Trinité ». Il défend aussi la formule d’Ephèse : « Marie mère de Dieu » contre les nestoriens, de nouveau avec des témoignages scripturaires et patristiques, et fait de même pour soutenir la formule christologique « en deux natures » plutôt que celle de « nature composée » qualifiée d’eutychienne.

    Le livre II défend la thèse qu’en fait, les Eutychiens, à travers les trois Chapitres, s’en prennent au concile de Chalcédoine lui-même. Il affirme que l’édit de Justinien contre les Trois Chapitres ne peut être de lui puisqu’il contredit le concile, qui a approuvé la lettre d’Ibas à Maris, et qu’on ne peut condamner la lettre sans condamner Chalcédoine. Il rappelle le principe de ne pas attaquer un homme (Théodore) mort dans la communion de l’église. Suit une longue argumentation théologique sur les deux natures du Christ, remises en cause par les attaques contre la lettre, et pourtant affirmées aussi par Léon.

    Extrait(s)

    (I, V, 23-24, SC 471, p. 237)

    Ils ne peuvent pas non plus utiliser à juste titre les écrits du bienheureux Cyrille, qu’ils comprennent également mal en y mettant une intention différente, à ce qu’il faut croire, pour s’opposer au sens évident de ces décisions, parce que, même si on pense que ces propos de Cyrille ne sont pas d’accord avec les témoignages patristiques invoqués à Ephèse, ils ne peuvent les préférer ni même les comparer aux décrets du synode que toute l’église a reçus.

    à cela s’ajoute que le premier de ce synode d’Ephèse fut ce même bienheureux Cyrille. Il ne faut donc pas croire qu’il ait pu se dresser étourdiment contre lui-même. Mais même si cela avait été, il ne faudrait pas le suivre dans des affirmations qu’il jugea bon d’adresser sous forme privée à des particuliers, mais plutôt dans celles dont on peut prouver qu’il les a enseignées conformément à ce qui avait été discuté et adopté dans le synode.

    Errata

    Page

    Localisation

    Texte concerné

    Correction

    Remarques

    165

    l. 10

    proclamé

    proclamée

     

Volumes SC connexes

  • SC 17 bis
    SC 17 bis

    Basile de Césarée

    Sur le Saint-Esprit

    décembre 1968

    « Avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire » : un credo inspiré de Basile.

  • SC 299
    SC 299

    Basile de Césarée

    Contre Eunome, tome I

    octobre 1982

    Dieu ne peut être engendré, donc le Fils n'est pas Dieu ? Magistrale réponse du grand Cappadocien.

  • SC 305
    SC 305

    Basile de Césarée

    Contre Eunome, tome II

    octobre 1983

    Dieu ne peut être engendré, donc le Fils n'est pas Dieu ? Magistrale réponse du grand Cappadocien.

  • SC 97
    SC 97

    Cyrille d'Alexandrie

    Deux dialogues christologiques

    décembre 1964

    Jésus ne serait pas le Dieu Verbe ? Cyrille s'insurge.

  • SC 231
    SC 231

    Cyrille d'Alexandrie

    Dialogues sur la Trinité, tome I

    septembre 1976

    Le Fils est-il Dieu ? Et l'Esprit ? Au début des années 420, les acquis de près d'un siècle de controverses.

  • SC 237
    SC 237

    Cyrille d'Alexandrie

    Dialogues sur la Trinité, tome II

    octobre 1977

    Le Fils est-il Dieu ? Et l'Esprit ? Au début des années 420, les acquis de près d'un siècle de controverses.

  • SC 246
    SC 246

    Cyrille d'Alexandrie

    Dialogues sur la Trinité, tome III

    juin 1978

    Le Fils est-il Dieu ? Et l'Esprit ? Au début des années 420, les acquis de près d'un siècle de controverses.

  • SC 208
    SC 208

    Grégoire de Nazianze

    Lettres théologiques

    décembre 1974

    En quelques petites pages, une leçon de théologie qui anticipa ou inspira bien des conciles.

  • SC 250
    SC 250

    Grégoire de Nazianze

    Discours 27-31

    décembre 1978

    Quand la Trinité trouve son expression la moins imparfaite : les fameux « Discours théologiques ».

  • SC 358
    SC 389

    Grégoire de Nazianze

    Discours 38-41

    janvier 1990

    De Noël à la Pentecôte : 4 pièces majeures dans l'œuvre du « Démosthène chrétien ».

  • SC 28 bis
    SC 28bis

    Jean Chrysostome

    Sur l'incompréhensibilité de Dieu

    décembre 1970

    Croire tout savoir sur Dieu, quelle folie ! Cinq bijoux d'éloquence, par Jean Bouche d'or.

  • SC 396
    SC 396

    Jean Chrysostome

    Sur l'égalité du Père et du Fils

    janvier 1994

    Le credo de Nicée pour les nuls, ou l'éloquence vivante de « Bouche d'or ».

Du même auteur

  • SC 499
    SC 499

    Défense des Trois Chapitres (À Justinien), tome IV

    janvier 2006

    Un empereur peut-il condamner des théologiens ? Au milieu du 6e siècle, un Africain réagit.

  • SC 484
    SC 484

    Défense des Trois Chapitres (A Justinien), tome III (Livres VIII-X)

    septembre 2004

    Un empereur peut-il condamner des théologiens ? Au milieu du 6e siècle, un Africain réagit.

  • SC 479
    SC 479

    Défense des Trois Chapitres (À Justinien), tome II.2

    novembre 2003

    Un empereur peut-il condamner des théologiens ? Au milieu du 6e siècle, un Africain réagit.

  • SC 478
    SC 478

    Défense des Trois Chapitres (À Justinien), tome II.1

    novembre 2003

    Un empereur peut-il condamner des théologiens ? Au milieu du 6e siècle, un Africain réagit.