SC 23

François Sagnard, o.p. (1898-1957), spécialiste d’Irénée et de la gnose, a également publié dans la collection la première édition (1952) du livre III du traité Contre les hérésies d’Irénée de Lyon.

Outre ses œuvres connues que sont le Protreptique, le Pédagogue et les Stromates, Clément d’Alexandrie, vers la fin du II^e siècle, nous a laissé un précieux recueil où il expose et réfute les positions de Théodote, un gnostique valentinien de l’école orientale. Dans ce texte où il n’est pas facile de distinguer ce qui est de Théodote et ce qui appartient à la réfutation de Clément – mais la présente édition s’efforce de faire le tri et propose en fin de volume un index séparé des deux ensembles –, nous avons un exposé précis, quoique fragmentaire, de l’enseignement valentinien, qui s’appuie sur le Prologue de Jean pour justifier les noms des éons du Plérôme et leur ordre d’apparition, et pour élaborer une christologie. Toute la cosmogonie gnostique est aussi exposée là, comme une explication de la situation actuelle de l’être humain et un moyen de l’aider à revenir à l’unité primordiale. Des notes et appendices facilitent la lecture de cette œuvre difficile d’accès.

L’unique manuscrit, du XI^e siècle, qui nous a conservé les œuvres de Clément (il en existe un second qui est une copie directe du premier) offre, juste après les Stromates, un texte intitulé : Extraits des œuvres de Théodote et de l’école dite orientale, à l’époque de Valentin. Il s’agit donc d’extraits gnostiques, issus de la branche orientale de la gnose, la branche occidentale représentée par Valentin étant plus connue (mais Théodote était un disciple de Valentin). Clément y donne ces extraits enchâssés dans sa propre rédaction, et il n’est pas toujours facile de voir où s’arrêtent les extraits et où commence le commentaire de Clément, ni de savoir si les extraits sont cités textuellement, adaptés ou résumés par Clément, s’il les cite dans l’ordre ou a reconstruit son florilège, etc. Mais tel qu’il est, le texte de Clément offre un complément précieux à notre connaissance de la gnose valentinienne et présente notamment des extraits d’un commentaire du Prologue de Jean par Théodote, assez proche de celui de Ptolémée connu par Irénée. Cette gnose daterait des années 160-170, et elle est exposée et réfutée par Clément une trentaine ou une quarantaine d’années après.

Section A. Jésus est l’éon Logos qui a reçu en son âme les semences pneumatiques de l’éon Sagesse. Il descend réveiller la nature psychique qui n’est pas consciente de l’étincelle de pneuma qui est en elle. Les premiers éons du Plérôme. Le pneuma de connaissance (gnose). L’œuvre du Démiurge ; la résurrection pneumatique apportée par le Christ. Sens de son baptême. Jésus Sauveur. Les éons et les douze apôtres. Nature visible et invisible de Jésus. Il rassemble les semences pneumatiques pour les ramener au Plérôme.

Section B. Premier couple d’éons : Abîme et Silence. Critique de la théogonie valentinienne des éons et de la passion de Sagesse : des éléments pneumatiques ne sauraient subir une passion. Le Christ de Théodote, image du Plérôme. Naissance des puissances hyliques et psychiques. Restauration à venir de l’unité primitive, rôle de Jésus. Naissance des semences pneumatiques. Formation de la substance pneumatique qui se trouve en chacun par le Sauveur (la Lumière). Rôle de la Croix qui sépare le Plérôme du reste du monde.

Section C. Envoi du Sauveur, fruit du Plérôme. Cosmogonie du Démiurge. Substances hyliques issues des passions. Création de l’être humain, hylique et psychique ; insertion en lui du pneumatique à l’insu de la Sagesse. Sort des trois races et mission du Sauveur. Rôle du Christ psychique. Le psychique et le pneumatique à la fin des temps.

Section D. Degrés d’enseignement du Sauveur. La semence femelle devient mâle par la formation. Le Destin, concours de puissances qui s’affrontent. Descente du Sauveur qui remplace la fatalité par sa providence. Le baptême nous régénère ; la semence devenue mâle échappe aux puissances cosmiques. Le baptême de l’Esprit protège du feu intelligible qui consume les démons. Effets des rites liturgiques. Résistance des puissances. Le fidèle marqué du Nom et de l’effigie du Pneuma.

Théod. 81 (SC 23, p. 205-207)

Le feu matériel s’attaque à tous les corps ; le feu pur et immatériel s’attaque aux êtres immatériels tels que démons, anges du mal, et au diable lui-même. Ainsi le feu céleste est double de sa nature : d’une part intelligible, de l’autre sensible. En conséquence, par analogie, le baptême est double aussi : l’un sensible, grâce à l’eau qui éteint le feu sensible ; l’autre intelligible grâce au Pneuma qui protège du feu intelligible. Le pneuma matériel devient, s’il est léger, l’aliment du feu sensible et l’enflamme ; c’est quand il augmente de force qu’il l’éteint, par sa nature même ; tandis que le Pneuma qui nous est donné d’en haut maîtrise, par le fait qu’il est immatériel, non seulement les éléments, mais encore les puissances et les principautés mauvaises.