• SC 537

    Clément d'Alexandrie

    Quel riche sera sauvé ?

    avril 2011

    Texte grec (GCS 172) par O. Stählin et L. Früchtel. —  Introduction, notes et index par Carlo Nardi et Patrick Descourtieux. — Traduction par Patrick Descourtieux.

    Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.
    Révision assurée par Blandine Sauvlet.
    ISBN : 9782204095303
    250 pages
    Oui, il y a un bon usage des richesses ! L'enseignement d'un maître alexandrin au tournant des 2e et 3e siècles.

    Présentation

    En déclarant qu'il était plus difficile à un riche d'entrer dans le Royaume des cieux qu'à un chameau de passer par le trou d'une aiguille (cf. Mc 10, 25), Jésus n'a-t-il pas voué à la perdition tout détenteur de capitaux ? L'effroi de ses auditeurs n'a pas échappé à Clément d'Alexandrie, ni la détresse spirituelle qui guettait les riches de la ville, quand ils voyaient la distance existant entre leur mode de vie et les exigences de l'Évangile.

    Mais la parole du Christ avait-elle été bien comprise ? L'auteur des Stromates se révèle ici tour à tour exégète, dogmaticien, moraliste et directeur spirituel. Dans l'Alexandrie bigarrée de la fin du IIe siècle, sa pensée de fin lettré allait ouvrir à ses auditeurs et à ses lecteurs des perspectives insoupçonnées sur les richesses de la parole divine. Cette première homélie sur un sujet difficile et controversé devait connaître un grand succès.

    Après une entrée en matière qui invite chacun à l'espérance, Clément analyse soigneusement le texte évangélique. Il s'élève ensuite à de profondes considérations sur l'amour de Dieu et du prochain, avant de conclure à nouveau par un vibrant appel à l'espérance. Le Quis dives salvetur est la première tentative de réflexion chrétienne sur les rapports de la foi et de l'argent. Le « Mamon de l'injustice » y devient un moyen d'accéder aux « tentes éternelles ».

    Le Chanoine Carlo Nardi, professeur de patrologie à la Faculté de théologie d'Italie centrale (Florence), a écrit de nombreux ouvrages de patristique, en particulier sur les rapports entre culture classique et christianisme.

    Mgr Patrick Descourtieux, qui a publié dans Sources Chrétiennes le Stromate VI (SC 446) et les Commentaires sur les Psaumes d'Hilaire de Poitiers (SC 515), enseigne à l’Institutum Patristicum Augustinianum (Rome).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Ce petit texte reprend sous forme de traité la prédication de Clément sur la péricope du jeune homme riche (Mc 10, 17-31) qui contient la fameuse phrase : Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. — Mais alors, demandaient les élites alexandrines chrétiennes qui suivaient l'enseignement de Clément, quel riche sera sauvé ? C'est à cette question que répond le savant chrétien, dont l'œuvre est la première à traiter pour elle-même le thème du rapport à la richesse dans le christianisme.

    « Plutôt que de chercher à plaire aux riches, mieux vaut collaborer à leur salut ! ». Ainsi commence Clément. Et il veut les sauver d'abord du désespoir. Non, avoir des biens n'est pas un mal en soi, s'en défaire n'est pas un bien en soi. Pour partager, il faut posséder. Le dépouillement demande du discernement : inutile de se priver de son argent si on ne se prive pas de ses passions ! Il y a richesse et richesse. Si notre richesse nous rend esclaves des passions, il faut s'en débarrasser. La richesse injuste est ce qu'on ne garde que pour soi. Donner est joyeux : il s'agit non seulement de ne pas refuser le don, mais d'aller au-devant, de chercher à qui donner (§ 31). Et le don véritable, bien sûr, est le don de soi-même : quand on en est là, on ne calcule plus quelles économies il faudrait garder pour soi ! Faire grandir en soi l'amour, tel est le moyen d'échapper au désespoir. Et il n'est jamais trop tard : Clément termine son traité par un célèbre et beau récit sur le repentir, dont l'un des acteurs est l'apôtre Jean lui-même.

    Bernard Meunier

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Ce traité homilétique sur le salut des riches est un commentaire de l’évangile de Mc 10, 17-31 sur l’homme venu interroger Jésus sur la vie éternelle, et qui s’en alla tout triste parce qu’il avait de grands biens. C’est une réflexion sur la richesse, mais au-delà sur le rapport au monde matériel, sur le lien entre matériel et spirituel, à laquelle la philosophie païenne fournit un apport non négligeable. Clément a pu composer cette œuvre dans les dernières années du IIe siècle, dans l’opulente Alexandrie où il vivait avant son exil à Jérusalem. Outre qu’elle est la première réflexion approfondie sur le rapport aux biens dans le christianisme, elle est connue en particulier par son dernier chapitre (42), qui contient un récit pittoresque de la vie d’un jeune disciple de l’apôtre Jean qui a mal tourné, est devenu brigand, puis a été de nouveau converti par l’apôtre à son retour. Elle propose en même temps une méditation sur le chemin spirituel, la conversion et la miséricorde de Dieu.

    Le texte est transmis par un manuscrit du 11e-12e siècle, avec une copie du 16; il n’y a pas le titre, donné par Eusèbe dans l’Histoire ecclésiastique qui retranscrit en même temps le dernier chapitre.

     

    L’introduction, avant de citer le texte de Marc qui sera commenté, prend le temps d’exprimer le désarroi du croyant face aux exigences de l’évangile, mais aussi celui du pasteur, qui ne doit ni flatter les riches ni les juger, mais leur proposer un chemin de salut. La première partie est centrée sur la liberté intérieure par rapport aux biens. La question du jeune homme riche portait sur la vie : vivre, pour l’âme, c’est connaître Dieu. C’est la vraie vie, qui dépasse la Loi que le jeune homme riche a déjà parfaitement accomplie ; c’est la seule chose qui lui manquait. Vends tout ce que tu as : c’est vendre tout ce qui attache à l’argent, écarter de son âme le désir des biens matériels ; ce n’est pas l’indigence qui est exigée, car même pauvre on peut aimer l’argent. Ce qui convient est de partager, de se servir de l’argent pour le bien : par le détachement intérieur, on se débarrasse des passions de l’âme pour accéder au vrai trésor du salut. Il faut faire la place en soi au vrai bien qui remplace les fausses richesses encombrantes. De même Dieu ne nous demande pas de renoncer aux relations familiales, mais d’être libres par rapport à elles si elles entravent notre progression.

    La deuxième partie se demande ce qu’est cet amour (agapè) dont Jésus dit qu’il est le premier et le second commandement (amour de Dieu et du prochain). Le prochain, c’est Jésus, bon samaritain qui soigne nos blessures spirituelles avec le vin qui est son sang. C’est lui qu’il faut aimer, lui et ses disciples auxquels il s’identifie. Clément insiste sur la joie du don : non seulement ne pas refuser, mais aller au-devant de celui qui a besoin, et sans choisir à qui on donne. C’est le royaume que l’on achète, et ceux à qui on donne seront nos défenseurs. Mais le modèle de l’amour, c’est Dieu qui s’est donné : son mystère est père, sa compassion est mère ; « en aimant le Père est devenu féminin » (37, 2). L’amour est ce qui ne passera jamais.

    La conclusion parle du repentir : l’amour, en venant en nous, nous fait regretter notre péché, sans désespérer. Nous avons besoin, même riches et puissants, d’être accompagnés sur ce chemin par un témoin de Dieu. Pour illustrer ce repentir offert à tous, Clément raconte alors l’histoire du jeune homme repéré par Jean l’évangéliste, confié à l’évêque du lieu, puis, laissé à lui-même, devenu chef de brigands, et que Jean, revenu le voir longtemps après, parvient à ramener au repentir.

    Extrait(s)

    (26, 2-6, p. 167-171)

    En aucune façon le Sauveur n’a exclu les riches au simple motif de leur richesse et de l’abondance de leurs biens. (…) Fera-t-on des reproches à quelqu’un si Dieu, qui donne à chacun son âme, l’a placé dès sa naissance dans une grande famille forte de son argent et puissante par sa richesse ? S’il est écarté de la vie pour être né riche sans l’avoir voulu, Dieu est encore plus injuste de l’avoir fait naître et de l'avoir jugé digne de divertissements qui passent, tout en le privant de la vie éternelle. En un mot, pourquoi fallait-il faire sortir la richesse de la terre, si elle est un guide et un agent de mort ?

    Celui qui peut passer plus près de la borne et maîtriser la puissance que lui donne sa fortune, avoir le sens de la mesure et se contrôler, ne chercher que Dieu, respirer Dieu et être concitoyen de Dieu, c’est lui le pauvre selon les commandements, l’homme libre, qui n’est ni vaincu, ni contaminé, ni blessé par l’argent.

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