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SC 633
Clément d'Alexandrie
Les Stromates. Stromate I
août 2023Introduction, texte critique, traduction et notes par Bernard Pouderon.
Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient et du Centre National du Livre.Révision assurée par Bernard Meunier.ISBN : 978-2-204-15487-1550 pagesLa philosophie grecque: déjà dans la Bible? L'enquête d'un maître alexandrin vers l'an 200.
Présentation
Remplace : SC 30 – Clément d'Alexandrie, Les Stromates. Stromate I
Vers l’an 200, Clément d’Alexandrie entreprend l’écriture de Stromates (ou Tapisseries), où il voit dans le christianisme l’accomplissement de la sagesse grecque et de ses efforts de raison et de vertu. Dans ce premier Stromate, il montre que la philosophie ne s’oppose pas à la foi chrétienne mais vient la nourrir et la consolider. Il n’ignore pas cependant les rapports conflictuels que connaissent païens et chrétiens, et souligne que la culture grecque si fière d’elle-même doit plus qu’elle ne le pense à la sagesse biblique. Il se lance dans de vastes études chronologiques pour prouver l’antériorité de la Bible sur les auteurs grecs. Il cite au passage nombre d’auteurs païens, souvent perdus, pour montrer combien convergent rationalité grecque et révélation biblique : cette documentation hors du commun fait de son œuvre une source essentielle pour l’histoire de la philosophie et de la littérature grecque païennes.
Cette nouvelle édition du Stromate I, pourvue d’une annotation précise et d’index riches, indispensables pour entrer dans un texte aussi foisonnant, remplace celle de C. Mondésert et M. Caster, parue en 1951 (SC 30).
Bernard Pouderon est professeur émérite à l’Université de Tours et ancien membre senior de l’Institut Universitaire de France. Il a étudié les Apologistes grecs du second siècle (éditant dans la collection Aristide, Athénagore et le Pseudo-Justin) et le Roman pseudo-clémentin. Il a dirigé les trois premiers tomes d’une Histoire de la littérature grecque chrétienne et co-dirigé le volume Premiers écrits chrétiens dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Le mot des Sources Chrétiennes
Le premier Stromate de Clément d’Alexandrie avait été le volume n° 30 de la collection, publié en 1951 par les soins conjugués du P. Mondésert et de Marcel Caster. Mais l’édition comportait peu de notes, selon les pratiques de l’époque, et demandait bien plus qu’une liste d’addenda. Bernard Pouderon, collaborateur fidèle de la collection et spécialiste des Apologistes grecs, a accepté de faire une édition entièrement nouvelle de cette grande œuvre de Clément, et nous donne ici un nouveau texte critique, une nouvelle traduction française, ainsi qu’une nouvelle introduction et une nouvelle annotation, beaucoup plus abondante. De même, des index détaillés permettent un accès plus pratique aux innombrables informations contenues dans ce texte très riche.
Clément, savant chrétien d’Alexandrie vers l’an 200, était un maître très écouté, peut-être aussi bien par des païens que par des chrétiens. Il était lui-même l’héritier de maîtres précédents. On connaît l’hommage qu’il rend à l’un d’eux – Pantène ? – en 11, 2, p. 111-113 : « C’était véritablement une abeille de Sicile ; butinant les fleurs dans la prairie des prophètes et des apôtres, il faisait naître dans les âmes de ses auditeurs un pur trésor de science. » Clément propose l’intelligence de la foi chrétienne, montre sa solide rationalité et son accord profond avec la philosophie grecque ; il détaille aussi (dans le Pédagogue, une autre œuvre) ses implications concrètes dans les choix moraux que la vie quotidienne demande. Tout cela le qualifiait pour être le guide de nombreux chercheurs de Dieu dans le bouillonnement intellectuel et spirituel qu’était l’Alexandrie de son temps.
Mais son enseignement était oral, comme c’était l’habitude à l’époque. Après sans doute bien des hésitations, il a mis par écrit une partie de cet enseignement sous le titre général de Stromates, « Tapisseries », car il donne souvent l’impression de tisser ensemble une grande diversité de thèmes. Le passage à l’écrit est un travail différent de l’enseignement oral, et Clément l’analyse avec finesse (9, 1-2, p. 105-107) :
« Celui qui parle avec un public l’éprouve avec le temps, le juge avec discernement et distingue des autres celui qui est capable de l’écouter… cherchant en lui la terre fertile qui multipliera la semence. Celui qui s’exprime dans des notes se sanctifie devant Dieu en proclamant par ses écrits qu’il ne le fait pas pour le profit, pour la vaine gloire, qu’il ne cède pas à un engouement, qu’il n’est pas asservi par la peur, qu’il n’est pas stimulé par le plaisir, que sa seule jouissance est le salut de ceux qui le lisent. »
Nous avons conservé de Clément 7 Stromates, dont ce volume réédite le premier. Ce Stromate initial est consacré au problème général du rapport entre révélation et raison humaine, foi et philosophie, sagesse chrétienne et sagesse païenne. Il met en œuvre beaucoup d’érudition pour montrer que la révélation biblique est antérieure aux philosophes grecs, et que c’est en elle que ces derniers ont puisé. Cela nous vaut un puissant effort pour établir une sorte de chronologie universelle donnant en synopse l’histoire biblique et les histoires nationales (Perse, Égypte, Grèce, Rome…). Cela nous vaut aussi des citations multiples d’auteurs païens et d’œuvres que seul ce Stromate a sauvés de l’oubli, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites.
Que le lecteur moderne ne voie pas dans ce travail apologétique une volonté de réduire la philosophie grecque à un simple plagiat des vérités bibliques. Clément se signale à l’attention par son réel respect pour la philosophie et les fruits de la raison humaine, qu’il défend au besoin contre des chrétiens moins ouverts (20, 1, p. 131) :
« Pareille conduite des âmes < par l’étude de la philosophie > mérite la confiance, parce qu’elle permet à ceux qui ont le désir de s’instruire de recevoir la vérité, toute voilée qu’elle est, afin qu’ils ne croient pas que la philosophie gâte la vie en produisant des faits mensongers et des actes pernicieux, comme certains les en accusent, alors qu’elle est une image manifeste de la vérité, un don divin offert aux Grecs… »
Bernard Meunier
Extrait(s)
I, 17-18, p. 123-125
De même que les cultivateurs arrosent d’abord la terre, nous aussi nous arrosons d’abord la partie terrestre de nos lecteurs avec cette eau que constituent les lettres grecques, de façon qu’elle accueille la semence spirituelle qu’on vient d’y jeter et qu’elle puisse la faire aisément prospérer. Mes Stromates renfermeront la vérité mêlée aux doctrines philosophiques, ou plutôt enveloppée et dissimulée comme la partie comestible de la noix l’est par la coque ; car je crois que seuls les cultivateurs de la foi sont aptes à veiller sur les semences de la vérité. Il ne m’échappe pas ce que l’ignorance fait répéter à des esprits timorés, qu’il faut s’occuper de l’essentiel, qui touche à la foi, et négliger ce qui est extérieur et superflu, qui nous épuise en vain et nous retient sur des sujets qui ne contribuent en rien au but poursuivi. Ces gens-là pensent que la philosophie, venue du mal, s’est insinuée dans notre vie pour la ruine des hommes, inventée par quelque esprit malin. Pour ma part, que le vice possède une nature mauvaise et ne saurait jamais cultiver quoi que ce soit de bien, je le montrerai tout au long de mes Stromates, en faisant pour ainsi dire pressentir que la philosophie est elle aussi une œuvre de la Providence divine.
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