• SC 469

    Grégoire le Grand (Pierre de Cava)

    Commentaire sur le Premier Livre des Rois, tome V
    V, 1 – 212

    janvier 2003

    Introduction, texte, traduction et notes par Adalbert de Vogüé.

    Ouvrage publié avec le concours du Conseil Général du Rhône.
    Révision assurée par Dominique Gonnet.
    ISBN : 9782204069922
    497 pages
    D'Anne et de Samuel à l'onction de David, une méditation sur les modèles du sacerdoce et de la vie monastique, par un moine italien du 12e siècle.

    Présentation

    Exceptionnellement long, ce livre V du Commentaire sur le Premier Livre des Rois retrace l'avènement du roi Saül et ses premières campagnes contre les Philistins, dans lesquelles Pierre de Cava voit une image de la lutte du peuple chrétien et de ses pasteurs contre les démons et les vices, celui de luxure en particulier. Saül et son fils Jonathas figurent d'ordinaire l'évêque et ses collaborateurs, mais vers le milieu du livre, une page énigmatique, qui parle du « Souverain Pontife » ou « Prêtre Suprême », semble envisager l'action du pape et de ses légats. Rempli d'observations fines sur la vie et l'action des chrétiens, cet ouvrage exégétique du XIIe siècle nous intéresse en particulier par son appréciation positive des études profanes, considérées comme une aide pour qui veut comprendre l'Écriture Sainte, et par sa façon de caractériser l'apostolat des moines, qui consiste moins à convertir les pécheurs qu'à conduire les convertis vers la perfection.

    Moine de la Pierre-qui-Vire, Adalbert de Vogüé a édité de nombreux volumes des Sources Chrétiennes, en particulier La Règle de saint Benoît (1971-1977).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Poursuivant sa lecture allégorique du Premier Livre des Rois – le livre V commente 1 Samuel 11, 1-15, 6 –, Pierre de Cava prend prétexte du récit biblique pour délivrer un enseignement concernant l'Église de son temps. Tout en portant un regard critique sur la vie de l'Église au XIIe siècle, il invite, en effet, les pasteurs, les moines et le peuple chrétien à se réformer et à s'engager résolument sur la voie de la sainteté, malgré les échecs et les défaillances. On est donc bien loin ici d'une exégèse historico-littérale : seul le sens spirituel intéresse vraiment le commentateur. En cela, l'abbé de Cava se montre un lointain héritier d'Origène. Il pourrait dire, comme lui, prévenant une objection de ses auditeurs à la lecture du livre des Nombres ou celui de Josué : en quoi ces récits de batailles, ces guerres et ces actes de barbarie nous concernent-ils ? Quel intérêt ont-ils pour la vie chrétienne ? En vérité, Pierre de Cava ne formule même pas une telle objection. Les guerres menées par Saül et Jonathan contre les Ammonites, les Philistins ou les Amalécites ne l'intéressent pas, sinon de manière symbolique, d'un symbolisme à la fois foisonnant et déroutant à première vue, tant la relation au texte devient lointaine et presque inexistante. Le récit de l'Ancien Testament devient prétexte pour écrire une autre histoire, grâce au sens spirituel, celle de l'Église et des corps qui la composent, telle que la lit l'auteur à travers les comportements de son temps, et telle qu'il voudrait l'infléchir pour la rendre plus édifiante.

    Dans cette lecture allégorique, Saül et son fils Jonathan figurent habituellement l'évêque et ses collaborateurs – peut-être même, en une page un peu énigmatique, vers le milieu du livre, Saül devient-il pour Pierre de Cava une métaphore de l'action du pape, secondée par la curie et ses légats –, chargés du ministère de la prédication et de l'enseignement, soucieux de conduire la lutte du peuple de Dieu contre ses ennemis, les démons et les vices. Grâce à cette prédication salutaire, leurs auditeurs pourront triompher intérieurement de la concupiscence, incarnée par les Ammonites, ou vaincre Amalech en combattant la luxure par l'ascèse. La victoire sur les Philistins, qui veulent empêcher les Israélites d'avoir des forgerons pour aiguiser leurs armes, n'est pas la moins remarquable : ils symbolisent les démons qui tentent de détourner les chrétiens des arts libéraux, indispensables à l'intelligence de l'Écriture. Ce plaidoyer indirect de Pierre de Cava en faveur des études profanes et de leur rôle dans la présentation au monde du message chrétien est à souligner. À partir du comportement de Saül ou du prophète Samuel, l'auteur trace le portrait du pasteur idéal, en indiquant les vertus qu'il doit pratiquer – l'humilité, le désintéressement, le refus de l'ambition, l'ascèse, le discernement dans l'exercice même de l'autorité. Mais la conduite de Saül n'est pas édifiante en tout point, et Jonathan pourrait être victime de sa vaillance et de ses exploits : des pasteurs trop charnels connaissent aussi de telles défaillances, et l'auteur saisit l'occasion qui lui est donnée pour condamner les prélats indignes, avides de pouvoir, de richesses, d'honneurs et de vaine gloire.

    Grâce à ce jeu complexe de symbolismes, deux types d'évêques et de clercs sont ainsi opposés. Deux types de vie religieuse aussi : dans le siècle et hors du monde. Pierre de Cava s'attache, en effet, à trouver dans ce récit biblique un enseignement pour les moines : les défaillances de certains d'entre eux ne sont pas masquées, même si, comme les Hébreux passés un temps dans le camp des Philistins, nombreux sont les transfuges à reprendre la vie monastique, consacrée à l'étude de la parole de Dieu, à la prière et à la vie contemplative. Retirés hors du monde, comme les Israélites cachés dans la montagne à l'approche des Philistins, les moines travaillent eux aussi à sa conversion ; ou plutôt, laissant aux clercs séculiers le soin de convertir les pécheurs par la prédication, ils les accueillent repentants pour les conduire à la vie parfaite. Ces convertis, qui, sans mener exactement la vie des moines, cherchent à leur contact et sous leur direction, une voie de perfection spirituelle, constituent la troisième clef de lecture appliquée par Pierre de Cava à ce texte des Rois.

    Comme les précédents, ce volume est dû au P. Adalbert de Vogüé, moine de l'abbaye de La Pierre-qui-Vire, dont les travaux sur l'histoire du monachisme et les Règles monastiques, en particulier celle de Saint Benoît (SC 181-186), font autorité. Il faudra encore un sixième volume pour achever cette publication.

    (J.-N. Guinot, 2003)

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Commentaire sur le Premier Livre des Rois, Livre V

    Le volume 469 couvre tout le cinquième livre du Commentaire. Il s’agit de la septième section repérée par A. de Vogüé. Elle porte sur le rôle de l’évêque et du prêtre dans le combat de la vie quotidienne. Les épisodes commentés sont les guerres menées par Saül. Celle livrée aux Ammonites figure la lutte contre la gourmandise, celle contre Amalec la lutte contre la luxure. La faute de Jonathas évoque la lutte contre la vaine gloire et contre l’orgueil. À une exception près, Saül est pris pour la figure de l’évêque et Jonathas pour celle de la prêtrise. Tous les deux représentent le peuple chrétien engagé dans la lutte contre les vices, ces derniers étant figurés par les Philistins – qui sont également les types des hommes pécheurs – ou par les autres ennemis d’Israël. L’armée qui obéit à ces deux chefs comporte plusieurs types distincts, dont les vierges, symbolisées par les habitants stationnés sur la colline de Gabaa, et les habitants des monastères. Le Jourdain, que ces derniers passent et repassent, symbolisent la clôture monastique, que d’aucuns franchissent à nouveau malgré leurs vœux pour retourner dans le monde et à laquelle ils reviennent en franchissant à nouveau le Jourdain après la défaite de l’ennemi. De même, l’épisode des Israélites s’étant enfuis vers la montagne et rejoignant leurs compatriotes victorieux permet de figurer le rôle des moines, qui n’est pas seulement de susciter des vocations mais de conduire à la perfection. Quand il est question des critères de recrutement de l’armée de Saül, Pierre de Cava introduit des recommandations sur le discernement des vocations monastiques. Enfin, les membres de la famille de Saül figurent les qualités du prêcheur, ses deux filles représentant quant à elles chacun des deux types de vie possibles pour l’homme de Dieu, la vie active et la vie contemplative. Cette lecture permet à Pierre de Cava de souligner les réussites mais aussi les faillites des pasteurs, les vertus que doivent posséder les vrais pasteurs, ainsi que de rappeler les exigences du service de l’Église.

    Extrait(s)

    (V, 168, 1-2, p. 379)

    Mais, comme je l’ai dit, quand à la suite d’une faute les pasteurs se taisent, ils s’humilient, afin de se relever, purifiés, pour accomplir puissamment le ministère de la prédication. Quand ils gardent le silence, ils mesurent leur faiblesse, mais par cette considération ils prennent des forces pour lutter plus efficacement contre les ennemis cachés. Aussi le texte ajoute-t-il bien à propos : Mais Saül, dont la royauté sur Israël s’était renforcée, combattait à l’entour contre tous ses ennemis. La royauté s’affaiblit, quand les pasteurs tombent dans des fautes. Mais cette faiblesse est affermie, lorsque, par la satisfaction et la pénitence, ils se relèvent pour accomplir une œuvre de grande vertu. Et l’on dit qu’elle est affermie sur Israël car, lorsqu’il progresser jusqu’à mener une vie élevée, il dépasse par sa conduite ceux qu’il domine par son rang hiérarchique. Il a été placé à la tête de ceux qui voient Dieu, mais il s’élève au-dessus de ceux qui voient Dieu, en se laissent emporter plus que les autres dans la contemplation divine.

    Errata

    Page

    Localisation

    Texte concerné

    Correction

    Remarques

    327

    l. 13

    On l’appelle

    À juste titre, on l’appelle

     

    418

    Note

    IV, 197, 4

    IV, 196, 4

     

    419

    l. 2

    Notre frère, c’est celui

    Notre frère, bien sûr, c’est celui

     

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