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SC 351
Grégoire le Grand (Pierre de Cava)
Commentaire sur le Premier Livre des Rois, tome I
(Préface - II, 28)mars 1989Introduction, texte, traduction et notes par Adalbert de Vogüé.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique.ISBN : 9782204031554495 pagesD'Anne et de Samuel à l'onction de David, une méditation sur les modèles du sacerdoce et de la vie monastique, par un moine italien du 12e siècle.Présentation
Les Pères se sont rarement penchés sur les Rois pris dans leur ensemble. Vers la fin de sa vie, après avoir prêché et écrit sur Job, Ézéchiel et entamé l'explication du Cantique des Cantiques, Grégoire le Grand se tourne vers le premier livre des Rois, plus précisément vers les seize premiers chapitres de ce qui correspond, dans nos éditions modernes, à 1 Samuel.
Beaucoup de choses l'intéressaient dans ces récits, tant du côté de la vie intérieure (les figures d'Anne, de Samuel) qu'au sujet du gouvernement de l'Église (les mauvais et les bons pasteurs). On a ainsi dans le volumineux Commentaire, dont ce tome I livre à peu près le cinquième (livre I, I à II, 8, correspondant à 1 Samuel I, I à 2,10), la dernière expression de la sagesse spirituelle et pastorale du grand pape.
Une ample introduction, sans compter maints éclairages précieux, établit définitivement l'authenticité de cette œuvre, peu copiée, peu éditée et dont la paternité grégorienne a été contestée. Le texte est celui du CCSL, légèrement retouché. Les tables (citations scripturaires, auteurs anciens, noms propres, mots latins commentés, faits linguistiques et littéraires) sont données dès le premier volume.Le frère Adalbert de Vogüé est moine de l’abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire. Il a édité dans les Sources Chrétiennes la Règle de saint Benoît, la Règle du Maître et les Dialogues de Grégoire le Grand; le premier tome des Œuvres monastiques de Césaire d’Arles, qu’il publie en collaboration avec le frère Joël Courreau, de Ligugé, est paru à l’automne de 1988.
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Le Commentaire sur le premier livre des Rois a longtemps été attribué au pape Grégoire le Grand. C’est sous cette attribution que s’est faite son editio princeps en 1537 et qu’ont été publiés les deux premiers volumes de l’édition des Sources Chrétiennes (n° 351 et 391). Alors que le père Adalbert de Vogüé mettait la main au tome III (SC n°432), son attention a été attirée par une chronique inédite de l’abbaye italienne de Venosa, publiée quelques années auparavant, dans laquelle il est écrit qu’un abbé de cette abbaye ayant vécu au XIIe siècle, Pierre de Cava, avait composé un Commentaire sur le premier livre des Rois (c’est-à-dire ce que nous appelons aujourd’hui le premier livre de Samuel) « jusqu’à l’onction royale de David », ce qui correspond très exactement à la partie du livre biblique couverte par le texte jusque là attribué à Grégoire le Grand. Or ce Commentaire ne nous est parvenu, outre le manuscrit – aujourd’hui perdu – ayant servi à l’editio princeps, que par un manuscrit du XIIe siècle de l’abbaye italienne de Cava, dont était originaire Pierre II, abbé de Venosa. Une étude détaillée du vocabulaire et des références bibliques de l’œuvre a convaincu le père de Vogüé que l’attribution à ce Pierre de Cava était plus probable que l’attribution à Grégoire le Grand, qui posait plusieurs problèmes. C’est donc sous le double nom Grégoire le Grand / Pierre de Cava qu’ont été édités les quatre derniers volumes (n°432, 449, 469 et 482) de la collection. Le texte édité est celui du Corpus Christianorum.
L’œuvre de Pierre de Cava se divise en six livres, ce qui est l’un des nombreux échos grégoriens du travail de l’abbé de Venosa, les Morales sur Job comprenant elles aussi six livres. La présente édition divise ces livres en dix sections, en fonction de la structure du commentaire.
Commentaire sur le Premier Livre des Rois Préface, Livre I – Livre II (chap. 1-28)
Le premier tome des SC couvre la préface de l’œuvre et le premier livre, soit les deux premières sections. Cela correspond aux versets 1, 1 à 2, 10 du premier livre de Samuel, et au premier ainsi qu’au début du second livre du Commentaire. Les méthodes exégétiques mises en œuvre sont, dans ces deux sections, la lecture allégorique puis la lecture morale. La préface annonce d’emblée que le premier livre de Samuel est un livre riche et profond, plein de mystères, qui ne peut se satisfaire d’une lecture simple. Il faut cependant l’expliquer, pour que les « petits de la sainte Église » s’approprient ce livre qui leur appartient à eux aussi.
La première section voit en Elqana, le père de Samuel, une préfiguration du Christ, ses deux femmes, Anne et Phénenna représentant respectivement l’Église et la Synagogue. Le conflit entre les deux femmes annonce, selon Pierre de Cava, les persécutions que les juifs ont fait subir aux chrétiens. Né d’Anne, Samuel annonce le corps des prédicateurs chrétiens issus du paganisme, à qui échoient à la fois une tâche pastorale et une contemplation intense. Cette section annonce aussi une clé de lecture morale présente dans toute l’œuvre : Elqana est un homme qui renonce au monde, et le moine – qui vit la tension entre la vie contemplative (Anne) et la vie active (Phénenna) – est le type achevé de cette renonciation. La vie contemplative est présentée comme la plus féconde, grâce aux efforts allant de la lecture de la Bible à la prière continuelle, bien que tout dépende en dernier ressort de la grâce divine. Cette section montre comment le premier livre de Samuel préfigure le Christ époux de l’Église et idéal du moine.
La deuxième section est centrée sur le triomphe de l’Église et de l’âme qui aime Dieu. En effet, par la bouche d’Anne, l’Église célèbre la victoire du Christ et son propre triomphe sur l’incrédulité des juifs. Le cantique d’Anne est lu comme une opposition entre les juifs, déchus de leur dignité de peuple élu, et les gentils, appelés à prendre leur place. Sur le plan moral, la voix d’Anne devient celle de l’âme qui aime Dieu d’un amour exclusif et sur laquelle le diable n’a pas d’emprise. Les deux lectures s’unissent dans un éloge de l’Église triomphant à la fin des temps.
Extrait(s)
(Préface, III, 1.3., p. 149)
Pour commencer, je ne voudrais pas tant instruire le lecteur que le supplier de ne pas estimer le poids de l’histoire sacrée d’après l’explication bien légère que je vais en donner. Non, il ne faut jamais mesurer les paroles divines à l’aune des commentateurs. Si l’examen auquel ils les soumettent reste peu approfondi, ce n’est pas une raison pour les mépriser. Si l’explication qu’ils en donnent est abondante et approfondie, ce n’est pas pour cela qu’elles sont sublimes et dignes de vénération. […]
Personne donc n’est tellement avancé dans la connaissance de l’Écriture qu’il ne puisse y progresser encore. Tout progrès de l’homme reste au-dessous de la hauteur où se tient la divinité qui l’inspire. De là, le mot du psalmiste, parlant du Seigneur : « Il cache dans les eaux ses sommets. » En effet, le terme d’ « eaux » désignent les célestes et profondes intelligences des anges. Puisque, nous dit-on, Dieu cache dans les eaux les hauteurs de la parole sacrée, il est clair que l’homme reste toujours au-dessous d’elles : seul, ce que la parole a de moins élevé lui est révélé.
p. 411
1. Elle dit donc : « Mon cœur a exulté dans le Seigneur», en femme qui méprise tout le reste et n’aime que lui seul. Ce sont là les sentiments auxquels était parvenu celui qui disait :
« Que me reste-t-il au ciel, et quoi d’autre que toi ai-je voulu sur terre ? » De même, son exultation en Dieu lui fait dire :
« C’est ta face, Seigneur, c’est ta face que je cherche. » De même encore l’épouse, dans le Cantique, fait cette demande :
« Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche. »
2. En disant : « Mon cœur a exulté dans le Seigneur », où met-elle donc sa fierté, sinon dans cette union avec celui qu’elle aime passionnément et dont elle reçoit les baisers ? Aussi de telles paroles ne viennent-elles que sur les lèvres de celle qui sait par expérience avec quelle force l’amour règne dans les appartements de l’époux. C’est grâce à ses glorieuses victoires sur toutes les passions et aux vertus sublimes auxquelles elle s’est élevée qu’elle est parvenue à ce sommet où, dans l’exultation d’une joie incroyable, elle dépose son cœur en Dieu.
3, 1. En parlant ainsi de « son » cœur, que fait-elle sinon d’affirmer que son âme est libre? Les réprouvés, eux, ne possèdent pas leur cœur, car il appartient au diable. A preuve, ce que l’Écriture dit du traître : « Alors que le diable avait déjà mis au cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, le dessein de le livrer. » Si Judas, et non le diable, avait possédé son propre cœur, il y aurait mis un bon dessein, et le diable n’y aurait pas mis un mauvais.Errata
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Remarques
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