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SC 455
Marc le Moine
Traités II
Discussion avec un avocat. A Nicolas. Le jeûne. Melchisédech. L'Incarnationnovembre 2000Introduction, texte critique, traduction, notes et index par Georges-Matthieu de Durand (†), o.p.
Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.Révision assurée par Marie-Gabrielle Guérard.ISBN : 9782204065849380 pagesPetits textes, grand profit : ascèse, spiritualité, doctrine par un moine urbain au tournant des 4e et 5e siècle.Présentation
Avec ce volume s’achève la publication des œuvres de Marc le Moine ; parmi les cinq traités présents ici, deux ne sont probablement pas authentiques. Pour la première fois, L’Incarnation est publié avec l’ensemble du corpus. Trois de ces textes relèvent de la littérature monastique.
Le premier, Discussion avec un avocat, présente sous forme dialoguée une réflexion sur les difficultés que ressentaient les chrétiens des premiers siècles à concilier les exigences spirituelles de leur engagement et leur action dans les domaines social et politique. L’épître A Nicolas, qui prodigue des conseils de vie monastique, et Le Jeûne – deux textes sans doute apocryphes – sont publiés ici parce qu’un bon nombre de manuscrits les transmettent avec les œuvres de Marc.
Les deux derniers traités, Melchisédech et L’Incarnation étudient le dogme central du christianisme dans une problématique vraisemblablement antérieure au concile d’Éphèse (431) : cela place ces textes parmi les plus antiques témoins de la réflexion théologique sur les liens de la divinité et du corps dans le Christ. L’analyse du vocabulaire et des procédés utilisés par Marc dans L’Incarnation fait apparaître le caractère archaïque des conceptions d’un auteur qui préfère insister sur la permanence des deux natures dans le Christ plutôt que sur leur union.Le père G.-M. de Durand, o.p., a été longtemps professeur à l'université de Montréal. Trouvant ses domaines d'élection dans la christologie et la théologie trinitaire, il a publié plusieurs volumes sur ces sujets dans la Collection Sources Chrétiennes.
Le mot des Sources Chrétiennes
La publication des Traités de Marc le Moine intervient, en ce mois de novembre, un an tout juste après la sortie du premier volume (SC 445). Comme ce dernier, il aura réclamé un important travail de mise au point du manuscrit laissé par le Père Georges Matthieu de Durand, o.p., que sa trop rapide disparition l'a empêché de mener à son terme. Grâce au travail patient et minutieux de l'un des membres de notre équipe et à l'amabilité avec laquelle la famille du Père de Durand nous a permis d'avoir accès à ses collations de manuscrits, cette édition, qui était aussi pour nous un devoir de reconnaissance, a donc vu le jour.
Trois des cinq opuscules ici édités sous le nom de Marc traitent encore directement de questions liées à la vie monastique. La Discussion avec un avocat revêt la forme, au moins dans sa première partie, d'un dialogue entre un juriste qui présente une série d'objections contre le genre de vie et les mœurs monastiques, et un ascète – peut-être Marc ? –, qui tente d'y répondre. Le dialogue prend fin avec le départ de l'avocat, mais la discussion se poursuit entre le Vieillard et ses disciples, sous la forme de questions et de réponses, une occasion de revenir sur les points débattus précédemment et d'expliquer aux futurs moines les exigences de la loi spirituelle. La Lettre à Nicolas, sous la fiction d'une lettre personnelle destinée à un jeune moine, est en réalité un manuel assez complet de perfection religieuse, comprenons monastique, traitant des obstacles à surmonter, exhortant le jeune Nicolas à lutter contre ses passions, à s'entraîner à l'humilité à l'exemple du Christ, le mettant en garde aussi contre le danger d'une vie ascétique organisée au gré de la fantaisie individuelle, « en se faisant sa propre règle ». Bien des indices convergents conduisent l'éditeur du texte à penser que ce traité n'appartient pas aux œuvres authentiques de Marc ; mais, parce qu'il fait partie de l'enseignement reçu sous son nom par la tradition monastique grecque, il était légitime de lui conserver sa place dans le corpus de ses œuvres, comme on l'a fait aussi pour Le Jeûne, un petit traité dont personne pourtant ne défend plus aujourd'hui l'authenticité marcienne.
Les deux derniers traités sont d'une autre veine : Marc y aborde des questions doctrinales. La controverse à l'origine du Melchisédech a sans aucun doute beaucoup perdu aujourd'hui de son intérêt doctrinal, sinon exégétique. Marc y combat les spéculations de chrétiens qui, à la suite de plusieurs auteurs à Qumrân ou parmi les gnostiques, ont prétendu voir dans ce mystérieux personnage biblique une théophanie et l'ont identifié tour à tour au Père, au Fils ou à l'Esprit Saint. Marc conteste vigoureusement l'idée que Melchisédech serait une première incarnation du Fils de Dieu et voit seulement en lui une « figure » du Christ dans l'histoire de l'Ancien Testament. Le traité jette du même coup quelque lumière sur la christologie de Marc, qui fait une grande place à la notion d'inhabitation de la divinité dans le Christ. Avec L'Incarnation, le seul de ses écrits entièrement dogmatique, Marc s'interroge sur la nature de l'union réalisée entre le Verbe et sa chair, point central du mystère de l'Incarnation. L'étude de la terminologie christologique, faite par G. M. de Durand dans sa présentation du traité, conduit à penser que Marc partageait largement les conceptions antiochiennes en la matière, même s'il utilise de façon un peu formelle certaine formule chère à Cyrille d'Alexandrie (selon l'hypostase) pour souligner la réalité de l'union. De fait, il insiste beaucoup plus sur la permanence des deux natures dans le Christ que sur leur union. Le caractère un peu archaïque de sa christologie, telle qu'elle s'exprime dans ces deux traités, semble fournir un élément de datation et inviter à en situer la rédaction avant le concile d'Éphèse (431).
On trouvera en fin de volume, outre plusieurs tables, deux annexes importantes. L'une propose un « Essai de regroupement des manuscrits » pour éclairer la tradition complexe des œuvres de Marc, qu'analysera plus en détail l'article de G.-M. de Durand à paraître dans la Revue d'Histoire des Textes. L'autre procure l'édition du texte de Jérôme le Grec, Sur l'effet du baptême, de manière à faciliter la comparaison avec le traité de Marc, Le Baptême, publié dans le premier volume de ses œuvres.(J.-N. Guinot, 2000)
Jean-Noël Guinot
Extrait(s)
(Incarn. XVI, 1-12, p.269)
Le symbole de foi de Marc
Si nous disons cela, ce n’est pas pour présenter la foi orthodoxe comme privée de témoins et de moyens de se faire reconnaître : les divines Écritures sont pleines de confirmations à ce sujet. Mais c’est qu’ils ont confessé, à l’occasion du baptême, le Dieu Verbe incarné et devenu homme au moyen d’une âme, puis crucifié au moyen d’une chair, mort, enseveli à cause de nous, ressuscité des morts le troisième jour, monté aux cieux, venant juger les vivants et les morts. Et à présent, ils mettent à part d’un côté la chair sans le Verbe, de l’autre le Verbe sans la chair; et ils s’affairent autour de son ineffable union avec des raisonnements humains, ils enquêtent sur l’indicible, ils demandent un « comment » et quand ils n’en apprennent point, ils ne supportent plus de croire...
Voici en effet que lui, le même, vit et demeure indivisible, assis dans la chair à la droite du Père, venant dans la chair juger les vivants et les morts, adoré dans la chair par les anges, accompagné dans la chair par sa garde de puissances, glorifié dans la chair par l’hommage des archanges, chanté dans la chair par toute la création, annoncé dans la chair par les prophètes, proclamé dans la chair par les apôtres, confessé dans la chair par les martyrs, montré dans la chair par Jean, objet dans la chair de la bienveillance du Père, recevant dans la chair le témoignage de !’Esprit-Saint, béni dans la chair par l’Église, indivisible dans la chair pour les siècles, immortel Fils de Dieu en son être et à demeure dans la chair.Errata
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Remarques
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