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SC 445
Marc le Moine
Traités I
La Loi spirituelle et la Justification par les Œuvres. La Pénitence. Le Baptême. Dialogue de l'intellect avec sa propre âmedécembre 1999Introduction, texte critique, traduction, notes et index par Georges-Matthieu de Durand (†), o.p.
Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.ISBN : 9782204063166418 pagesPetits textes, grand profit : ascèse, spiritualité, doctrine par un moine urbain au tournant des 4e et 5e siècle.Présentation
Comme en témoigne son abondante tradition manuscrite, l'œuvre de Marc le Moine a joui d'une longue faveur en Orient. Les dix traités édités ici à nouveaux frais — on en lira cinq dans ce premier volume — relèvent de la littérature spirituelle et ascétique propre au monachisme du Ve siècle. Les deux premiers adoptent une forme promise au succès, celle des képhalaia. L'auteur, cherchant aussi à élargir son public, exhorte tout croyant à la poursuite de la vie vertueuse que sous-tend le combat contre les vices. Ainsi, mieux que des pratiques pénitentielles spectaculaires, la prise de conscience par l'homme de sa condition de pêcheur définit, selon Marc, la pénitence.
Il s'intéresse en outre aux débats doctrinaux agités autour de lui et leur consacre plusieurs traités. À la frontière du dialogue et de la série de questions-réponses, le Baptême, supposant le rituel bien connu, offre un exposé détaillé sur la relation entre la volonté de Dieu et la liberté de l'homme : comment, puisqu'il lui ouvre la voie de la sainteté, peut-il ne pas l'empêcher de se livrer encore au mal ? La brève délibération entre l'intellect et son âme affirme le lien entre la faute et la mort, comme une esquisse du Baptême.
À lire l'œuvre de Marc, on suit aussi l'enquête que mène l'éditeur pour préciser la personnalité et l'environnement intellectuel d'un auteur à la figure mystérieuse.Le père G.-M. de Durand (†) a été longtemps professeur à l'université de Montréal. Trouvant ses domaines d'élection dans la christologie et la théologie trinitaire, il a publié plusieurs volumes sur ces sujets dans la Collection Sources Chrétiennes.
Le mot des Sources Chrétiennes
« Vends tout et achète Marc ! » Ce conseil, aux allures de slogan publicitaire, figure dans plusieurs manuscrits contenant les opuscules de Marc le Moine et atteste la faveur dont ont joui ses écrits. Sous le titre de Traités (SC 445), on trouvera dans ce premier tome l'édition de cinq des dix opuscules qui lui sont attribués. Cette édition est l'aboutissement posthume d'une recherche entreprise depuis des années par le Père G.-M. de Durand, qui tenait à explorer à fond la tradition manuscrite abondante et complexe des œuvres de Marc, pour décider de l'authenticité de certaines attributions et avec l'espoir de cerner un peu mieux la figure mystérieuse de cet auteur. Il avait presque achevé le travail, lorsque la maladie l'a soudainement emporté. Peu de temps auparavant, la Revue d'Histoire des Textes avait bien voulu accepter de publier pour les spécialistes le fruit de ses patientes recherches sur la tradition manuscrite des œuvres de Marc ; cela a permis d'alléger l'Introduction et de laisser toute la place à la présentation des opuscules. La mise au point définitive du volume, notamment en ce qui concerne la rédaction de l'apparat critique, a été assurée avec beaucoup de compétence par un membre de notre équipe, sans qui ce volume n'aurait pas vu le jour.
Si les œuvres de Marc ont connu une grande diffusion, on ne sait pratiquement rien de l'auteur, en dehors d'un nom dont on peut raisonnablement penser qu'il est le sien. L'appellation de « moine » ou d'« ascète », qui lui est donnée par les manuscrits, invite-t-elle à faire de lui un ermite, un cénobite de type pachômien, voire un moine gyrovague ? Est-il originaire d'Antioche et doit-on le mettre en relation avec Jean Chrysostome ou faut-il regarder du côté de l'Égypte ? Le Père de Durand examine une à une chacune des hypothèses avant de conclure, avec prudence, au terme de son enquête, que la vie monastique de Marc s'est probablement déroulée au sein d'une communauté d'ascètes, installée dans une cité d'Asie Mineure, entre la fin du IVe et la première moitié du Ve siècle. La composition de son traité Sur l'Incarnation, dernier en date de ses écrits, ne peut guère, en effet, d'après son contenu doctrinal, être de beaucoup postérieure au concile d'Éphèse (431).
Chacun des cinq opuscules édités ici est précédé d'un introduction, qui en fait l'analyse et permet du même coup de cerner davantage la personnalité de l'auteur. Les deux premiers, La Loi spirituelle et La Justification par les œuvres, adoptent une forme littéraire, très appréciée des auteurs spirituels chrétiens, celle des Kephalaia ou chapitres, ordinairement très brefs et de ce fait faciles à mémoriser. Chacune de ces sentences, adressées à tous les lecteurs sans distinction et non réservées à l'usage exclusif des moines ou des ascètes, est une invitation à vivre selon la « loi spirituelle » ou une recette offerte pour y parvenir par la maîtrise des passions et le renoncement au mal sous toutes ses formes. Quant aux œuvres, elles n'ont pas pour but de nous procurer une rétribution, mais seulement d'attester que la grâce reçue au baptême demeure en chaque baptisé vivante et active.
Avec La Pénitence, on a affaire à un petit traité. Non que Marc envisage la pratique sacramentelle ou qu'il s'intéresse aux manifestations parfois spectaculaires qu'a pu prendre chez certains ascètes la mortification. La pénitence dont il traite est d'abord une attitude intérieure : elle consiste à se reconnaître fondamentalement pécheur, à acquérir la conviction permanente de son imperfection et de ses fautes, non pour se lamenter de son indignité, mais pour s'entraîner sans cesse, par la prière et la purification des pensées, à une vie plus parfaite.
Original par sa forme, qui hésite entre le dialogue et le genre littéraire des questions-réponses, Le Baptême a les dimensions d'un véritable traité. Supposant connu le rituel, il se présente surtout comme une apologie : si le baptême donne accès à la sanctification, son efficacité dépend de la manière dont le baptisé exécutera ou non, de manière totalement libre, les commandements. L'homme, de par sa volonté propre, a le pouvoir d'annuler les effets du baptême en laissant de nouveau le mal s'introduire en lui. Il n'a pas, selon Marc, à invoquer la faute d'Adam comme un facteur déterminant de sa propension au mal : car, en raison de son libre arbitre, il a, lui aussi, la « capacité de céder à l'assaut de Satan ou de n'y pas céder, avec pleins pouvoirs en la matière ». L'efficacité de la grâce du baptême n'a donc pas à être suspectée. L'opuscule avec lequel s'achève ce premier tome des écrits de Marc le Moine, le petit Dialogue de l'intellect avec l'âme, est comme une esquisse du précédent traité ; la même affirmation y est reprise : c'est l'homme, de son plein gré, qui donne accès en lui à Dieu ou à sa Satan. Il n'a donc pas à rejeter la responsabilité de son péché sur d'autres que lui-même.
Une pensée de ce Marc le Moine (Loi spirituelle 201) servira de conclusion à cette chronique :« En tout temps œuvre pour le bien selon ton pouvoir et, quand tu as l'occasion de faire plus grand, ne te tourne pas vers ce qui est plus petit. Car, est-il dit, 'quiconque retourne en arrière n'est pas apte au royaume des cieux (Lc 9, 62). » Ce peut être aussi pour chacun de nous un programme !
(J.-N. Guinot, 1999)
Jean-Noël Guinot
Extrait(s)
(p. 303-305)
Le baptême : la loi de liberté
Même si nous sommes sous l’emprise du péché après le baptême, ce n’est point parce que le baptême serait imparfait, c’est parce que nous négligeons le commandement et nous installons par libre choix dans les voluptés, juste comme la divine Écriture nous le reproche. Ne dit-elle pas : « Comme un chien est retourné à son vomissement, ainsi l’homme retourne à son péché à lui », par son choix et son initiative ? Car la volonté, après le baptême, ni Dieu ni Satan ne la violentent. N’ont-ils pas entendu dire que les commandements du Christ, ceux qui ont été donnés après le baptême, sont une loi de liberté ?
C’est ce qu’en affirme l’Écriture : « Agissez et parlez comme des gens destinés à être jugés en vertu d’une loi de liberté. » Et saint Pierre de dire encore : « À l’intérieur de votre foi, exercez la vertu »…
Ce que l’on vient de dire t’aura mis bien en tête la purification procurée par le baptême : elle a lieu en mystère, mais se découvre en son efficace au moyen des commandements. Si malgré notre baptême nous n’avons pas été libérés du péché héréditaire, nous sommes incapables aussi, c’est évident, d’accomplir les œuvres de la liberté. Si en revanche nous en sommes capables, il est manifeste que, au plan du mystère du moins, nous avons été libérés de la servitude du péché.Errata
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Texte concerné
Correction
Remarques
9
l. 6
il ne voulait
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143
§ 42
comportent
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159
§ 96
ennemi de lui-même
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165
§ 116
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321
l. 7
sains
saints
430
l. 13
s’intérese
s’intéresse
Quatrième de couverture
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