-
SC 343
Tertullien
Le Mariage unique
De monogamiajuin 1988Introduction, texte critique, traduction et commentaire par Paul Mattei.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres.ISBN : 978-2-204-02998-8419 pagesIndisponible chez notre éditeurDoit-on ou peut-on se remarier ? Le Carthaginois répond, selon la mentalité de son temps.
Présentation
Avec ses formules intransigeantes et d'un style parfois rugueux, l'Exhortation à la chasteté (SC 319) avait dû trouver un accueil difficile. D’où, peu d’années après, vers 214-215, troisième essai depuis les lettres À son épouse, le traité De monogamia, où Tertullien, montaniste plus que jamais, sincèrement soucieux toutefois d'écarter le grief d'hérésie, revient sur la question, décisive à ses yeux, de la licéité des secondes noces. La pensée n'a pas varié ; mais l'exposé, qui met en jeu les ressources maîtrisées d'une double culture profane et chrétienne, a gagné en clarté, en profondeur et en force théologique.
L'Africain bute sur le problème, irritant, d'une sexualité à la fois nécessaire et suspectée. Car, plus que l'invérifiable aveu d'un malaise personnel, l'opuscule se lit d'abord comme un document sur les débats qui agitèrent l'Antiquité impériale et tardive, chrétiens de toutes nuances et païens confondus. Mais, par-delà ses ambiguïtés (dont au reste on mesure assez mal l'influence historique), il témoigne, non sans chaleur, du progrès fait par Tertullien vers une piété plus riche et, paradoxalement, mieux équilibrée, plus centrée sur le Christ et ouverte à l'Esprit.Paul Mattei, professeur émérite de langue et littératures latines à l’Université Lumière - Lyon 2, a aussi publié dans la collection, seul ou en collaboration, Le Voile des vierges (SC 424) et le traité De l’âme (SC 601) de Tertullien, ainsi que L’Unité de l’Église (SC 500) de Cyprien et les Actes des martyrs militaires africains (SC 609).
Le mot du directeur de Collection
La publication des œuvres complètes de Tertullien se poursuit avec le traité du Mariage unique (SC 343), édité, traduit et commenté par Paul Mattei, assistant à l'Université de Grenoble ; Tertullien prolonge dans cet écrit la réflexion sur le mariage et la sexualité qu'il avait déjà abordée dans son Exhortation à la chasteté et les lettres À son épouse (SC 319 et 273), et qu'il poursuivra encore dans le De Pudicitia, signe de son engagement passionné dans les débats qui agitèrent l'Antiquité impériale et tardive.
Le Mariage unique (SC 343), est ainsi le troisième traité que le Carthaginois a consacré au problème des secondes noces. S'écartant de plus en plus résolument, sur ce point de discipline en particulier, de la grande Église, Tertullien n'en est pas moins ici le témoin de la conviction intime qui anime les premières générations chrétiennes au sujet du mariage : il y a un lien intrinsèque entre la bonté à reconnaître dans la création, et partant dans le Créateur, et la bonté de l'union conjugale de l'homme et de la femme.Dominique Bertrand
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Le mariage unique
L’attribution du De Monogamia à Tertullien ne fait pas de doute, selon la critique interne et externe. Le traité est daté de 214-215, à partir de l’allusion à des persécutions récentes, vraisemblables sont celles du proconsul Scapula en 211-213. Cette datation est corroborée par la prudence de Tertullien en ce qui concerne le dogme et la datation relative de ses traités : dans le De Monogamia, Tertullien corrige et complète le De Exhortatione castitatis écrit avant ; il mentionne le De Monogamia dans le De ieiunio écrit après.
Le texte du De Monogamia n’a été conservé que dans deux sur cinq des collections qui ont rassemblé les œuvres de Tertullien. Le premier corpus, celui de Cluny, a deux branches, l’une représentée par le manuscrit de Florence, BN, conv. soppr. I, VI, 9, xve s. (N), et l’autre (Hirsaugiensis, Hirsau, Baden-Württ.) représenté par les manuscrits suivants : Florence, ibid., 10, 1426 (F) et Luxembourg, BN, 75, fin xve s. (X), et l’édition princeps (Beatus Rhenanus, Bâle 1521). Le deuxième corpus, celui de Corbie, est supputé d’après les éditions humanistes de Martin Mesnart (Paris, 1545), Gelen (Bâle, 1550) et Pamèle (Antwerpen 1584). Le manuscrit N, moins corrigé que les autres témoins, manuscrits et éditions humanistes, est le plus fiable, même s’il doit être corrigé sur certains points à partir des autres (ordre des mots et fautes phonétiques par exemple).
Le traité s’ouvre par un rappel du point de vue hérétique, psychique, c’est-à-dire de la Grande Église, et montaniste. Puis Tertullien annonce la diuisio de l’ouvrage (2, 1) : la monogamie n’est ni nouvelle ni difficile. Il va prouver que le Paraclet ne peut être ni novateur ni sévère. Voici son argumentatio : annoncé par le Seigneur, fidèle à la regula fidei – la règle de foi –, le Paraclet n’apporte en général aucune innovation (2, 2 – 2, 4).
I. Thèse (2, 2 – 3, 10)
1°) Annoncé par le Seigneur, fidèle à la regula fidei, le Paraclet n’apporte en général aucune innovation (2, 2 – 2, 4). – 2°) En matière de monogamie, le Paraclet aurait pu être plus exigeant et supprimer totalement le mariage que déjà les Apôtres Paul (3, 2-6) et Jean (3, 7-8) autorisaient à peine. Donc rien de neuf (3, 9, rien de rude, bien au contraire (3, 10). Tertullien écrit : « Écartons toute mention du Paraclet » (4, 1) et passe à la question de fait (chap. 4 – 13.
II. Question de fait (4, 2 – 13, 3) : de l’antiquité de la monogamie
Cette antiquité est prouvée dans l’Ancien Testament d’abord, par les exemples des patriarches d’avant le déluge, Adam et Noé (4, 2-5) : placés au commencement, ce sont des modèles – le Christ nous ramène au commencement (5) –, et même Abraham dont la bigamie ne peut être imitée par le chrétien (6) ; par les textes légaux ensuite (7) qui imposent le monogamie, la loi du lévirat n’étant que provisoire.
L’Évangile n’offre que des modèles de monogames ou de vierges (8) ; le Christ, prohibant le divorce, réprouve implicitement les secondes noces (9).
Enfin, le témoignage de Paul (10-13) : le mariage ne peut être dissous même par la mort (10, 1 – 11, 2).
Examen des textes litigieux : a) 1 Co 7, 39 : l’Apôtre paraît y permettre le mariage des veuves (11, 3-13) ; – b) 1 Tm 3, 2 : contre ceux qui croient que ce verset réserve la monogamie au seul clergé (12). – c) 1 Tm 5, 14 : le remariage des jeunes veuves serait-il imposé par cette péricope (13, 1) ? – d) Rm 7, 2 : Paul y enseigne-t-il que la femme est libérée du lien du mariage par la mort de son mari (13, 2-3) ?
III. Retour à la « mention du Paraclet » et aux arguments de la thèse (14).
Admettons que l’Apôtre, non par expresse volonté mais par une de ses concessions, ait autorisé les secondes noces en raison des circonstances (14, 1-2) : le Paraclet, envoyé par Dieu et le Christ, aurait droit maintenant de les supprimer (14, 3-4).
Le Paraclet rend la monogamie facile à observer, car son aide, offerte à tous, triomphe de la chair ; s’y soumettre, c’est obéir à Dieu (14, 5-7).
Rappel de la diuisio
Imposer la monogamie n’est donc ni un acte de barbarie ni surtout une hérésie.
IV. Amplificatio et peroratio (15, 2 – 17, 5)
Amplificatio (15, 2 – 17, 4) : La monogamie est plus facile à supporter que la torture, et l’apostasie sous la contrainte plus excusable que l’intempérance (15, 2-4). Le chap. 16 repousse avec vivacité les trois prétextes allégués en faveur du remariage et insiste sur la proximité de la fin. Les exemples bibliques (17, 1), mieux même, les exemples païens (17, 2-4) invitent à la monogamie.
Peroratio (17, 5) : Que le chrétien imite, sinon le dernier Adam modèle de virginité, du moins le premier qui fut monogame ! Car il n’est point de troisième Adam fauteur de bigamie.
Errata
Page Localisation Texte concerné Correction Remarques 136 l. 15 aut et 140 46 indulgentiam ind. nubendi 158 l. 21 matrimonio matrimonium 164 l. 19 semetipso semetipsa 207 Dernière ligne passé passée 209 l. 1 meilleur meilleure
Du même auteur
-
SC 646LatinL'«abrégé de tout l'Évangile», par Jésus lui-même révélant le Père.
-
SC 638Latin«La chair, pivot du salut» : renversant plaidoyer du Carthaginois
-
SC 601LatinL'âme, les rêves, le sexe, l'embryon, la mort : Tertullien lance le débat chez les chrétiens (vers 210).
-
SC 513LatinPourquoi porter le manteau du philosophe plutôt que la toge romaine ? Un signe personnel très fort pour le Carthaginois.
-
SC 483LatinUn Dieu méchant, dans l'Ancien Testament, opposé à un Dieu bon révélé par Jésus ? Réfutation en règle par le pugnace Carthaginois.
-
SC 456LatinUn Dieu méchant, dans l'Ancien Testament, opposé à un Dieu bon révélé par Jésus ? Réfutation en règle par le pugnace Carthaginois.
-
SC 439LatinLa matière est-elle éternelle ? Et d'où vient le mal ? Tertullien tord le cou aux idées fausses.
-
SC 424LatinVoilées, les femmes chrétiennes, pendant la liturgie ? Le Carthaginois devenu schismatique expose son avis.
-
SC 399LatinUn Dieu méchant, dans l'Ancien Testament, opposé à un Dieu bon révélé par Jésus ? Réfutation en règle par le pugnace Carthaginois.
-
SC 395LatinL'Église peut-elle remettre les péchés ? Le Carthaginois, devenu schismatique, en doute.
-
SC 394LatinL'Église peut-elle remettre les péchés ? Le Carthaginois, devenu schismatique, en doute.
-
SC 368LatinUn Dieu méchant, dans l'Ancien Testament, opposé à un Dieu bon révélé par Jésus ? Réfutation en règle par le pugnace Carthaginois.
-
SC 365LatinUn Dieu méchant, dans l'Ancien Testament, opposé à un Dieu bon révélé par Jésus ? Réfutation en règle par le pugnace Carthaginois.
-
SC 332LatinViolence, pornographie, inepties : pour le Carthaginois, les spectacles sont incompatibles avec la vie chrétienne.
-
SC 319LatinChasteté et continence : dans un débat pastoral incessant, la position rigoriste du Carthaginois.
-
SC 316LatinQuelle pénitence, avant et après le baptême ? L'éclairage du théologien carthaginois.
-
SC 310LatinLa patience, un trait proprement divin : la réflexion du grand théologien carthaginois.
-
SC 281LatinDes révélations secrètes sur Dieu ? Exposé et réfutation de la « gnose » par le pugnace Carthaginois.
-
SC 280LatinDes révélations secrètes sur Dieu ? Exposé et réfutation de la « gnose » par le pugnace Carthaginois.
-
SC 273Latin« Deux en une seule chair » : la lettre d’un chrétien d’Afrique à sa femme, et un idéal du mariage.
-
SC 217LatinPas vraiment incarné, le Christ ? Magistrale réponse du théologien carthaginois.
-
SC 216LatinPas vraiment incarné, le Christ ? Magistrale réponse du théologien carthaginois.
-
SC 173LatinLa coquetterie a-t-elle sa place dans l'Église ? Une harangue du Carthaginois.
-
SC 46LatinQui a le droit de citer les Écritures ? L'avis du premier théologien latin.
-
SC 35LatinPas nécessaire, le baptême ? Magistrale réponse du théologien carthaginois.
-
Foi Vivante 176