• SC 216

    Tertullien

    La chair du Christ, tome I

    décembre 1975

    Introduction, texte critique, traduction et commentaire de Jean-Pierre Mahé.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres.
    ISBN : 978-2-204-03385-5
    309 pages
    Indisponible chez notre éditeur

    Pas vraiment incarné, le Christ ? Magistrale réponse du théologien carthaginois.

    Présentation

    « Est-il rien d’aussi fou que de croire en un Dieu qui est né ?… Le Fils de Dieu est mort ? Il faut y croire puisque c’est absurde. » Cette formule est souvent prise comme un refus de comprendre et une vision de la foi opposée à la raison.
    En écrivant La chair du Christ, Tertullien voulait au contraire montrer que l’Incarnation et la Passion sont conformes à la sagesse divine, même si celle-ci apparaît comme une « folie » (1 Co 1, 27) aux prétendus sages. Le contexte, similaire à celui de saint Paul déjà en prise avec la gnose, est hautement polémique. En ce début du IIIe siècle, combattant à son tour les gnostiques, l’Africain entend en effet combattre trois adversaires, Marcion, Apellès et Valentin, qui niaient la réalité de l’Incarnation du Verbe et sa naissance d’une vierge. En 25 chapitres, Tertullien va ainsi au cœur de ce qu’est le christianisme.
    Le présent volume offre une ample introduction historique, doctrinale et textuelle, le texte critique avec traduction en regard. Le tome II (SC 217) le complète par un commentaire détaillé.

    Jean-Pierre Mahé, membre de l’Institut, est l’auteur de nombreux ouvrages sur les littératures anciennes en diverses langues (latin,  arménien, copte, géorgien) et l’histoire du Caucase en particulier.

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Le De carne Christi est une œuvre théologique à visée polémique dirigée contre Marcion, Apellès et Valentin. L’ouvrage, antérieur au Contre Marcion, s’inspire d’un autre ouvrage (perdu) de Tertullien, l’Aduersus Apelleiacos ; il daterait de 200 environ.

    Apellès soutient que le Christ a réellement eu une chair (s’écartant en cela du docétisme de Marcion), mais qu’il n’est pas né. La christologie d’Apellès étant en quelque sorte complémentaire de la celle de Valentin et de celle de Marcion, Tertullien veut s’appuyer sur une définition de la chair du Christ pour réfuter en une fois les trois adversaires.

    Influencés par le gnosticisme, tous trois considèrent, en effet, que le Christ n’a pu s’incarner dans une chair semblable à la nôtre, la chair ayant été créée par un démiurge inférieur, régnant sur notre univers matériel. Le Christ, au contraire, viendrait nous révéler l’existence du Dieu supérieur qui règne sur un univers spirituel. La gnose considère qu’une étincelle divine égarée dans la matière doit être réintégrée dans le monde divin ; selon les valentiniens, toutefois, cette étincelle divine n’est pas présente en tous les hommes, mais seulement chez les spitituels.

    Pour Marcion, Dieu n’admettant ni fin ni changement ne peut s’être fait homme. Il ne peut ni être né ni avoir pris chair ; le Christ ne pouvait donc avoir qu’une apparence de chair. Marcion interprétait en ce sens Ph 2, 6. Tertullien objecte que le Christ précisément a voulu s’abaisser pour le salut des hommes. Marcion voulait reconstituer le véritable enseignement de Paul et le véritable évangile de Jésus-Christ. Il a écarté tout ce qui lui semblait d’origine judaïque et s’est appuyé surtout sur l’évangile de Luc, sans la nativité ni le baptême, et sur les épîtres de Paul.

    Tertullien formule un certain nombres d’objections : En maint passage des Écritures, Jésus est appelé homo ; Marcion ne peut commenter le NT puisque n’étant pas chrétien, il ne reconnaît pas la foi apostolique transmise par les Églises ; il faut avant tout déterminer dans quelle chair le Christ est ressuscité, et donc quelle est sa « substance corporelle ». Pour sauver l’homme aussi dans sa chair, le Christ a dû « revêtir » une chair identique à celle de l’homme. Le Christ a dû naître pour pouvoir mourir. Mais il ne cesse pas d’être Dieu du fait qu’il devient homme. Il a reçu cette chair de la Vierge Marie, il ne s’agit pas d’une métamorphose. Il y a donc une double nature du Christ en vertu de sa double filiation, mais Tertullien n’expose pas les modalités de leur union.

    Le De carne Christi figure dans trois témoins : 

    •                 A (Agobardinus) = Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 1622, f. 196v - 204v (ixe s.).
    •                 T (Trecensis) = Troyes-en-Champagne, Bibliothèque municipale 523, f. 142v - 157г (xiie s.).
    •                 θ = Corpus dit « de Cluny », d’où sont issus deux groupes : 

                    D’un modèle non identifié, a, procèdent directement :

    • P (Paterniacensis) = Sélestat, Bibliothèque municipale 88 (autrefois 439), f. 8v - 22v (1re moitié du xie s.).
    • M (Montepessulanus) = Montpellier, Faculté de médecine H 54, c. 33-96 (xie siècle, mais plus tardif que P).

                    D’un autre modèle, b, qu’il faut probablement identifier au codex Hirsaugiensis, utilisé par B. Rhenanus, procèdent indirectement :

    •                 F (Florentinus Magliabechianus) = Florence, Bibliothèque Nationale, Conventi soppressi I, VI, 10, f. 1r - 11r (début du xve s.).
    •                 (Luxemburgensis) = Luxembourg, Bibliothèque Nationale 75, f. 1r-14v (fin du xve s.).

    Extrait(s)

    § 7-8, t. I, p. 231

    7. Ainsi la provenance de ses deux substances a montré qu’il [le Christ] était à la fois homme et Dieu : d’un côté il est né, de l’autre il n’est point né ; d’un côté il est charnel, de l’autre spirituel ; d’un côté il est faible, de l’autre tout-puissant ; d’un côté il est mourant, et de l’autre vivant. Le caractère particulier de ses deux conditions, humaine et divine, est maintenu distinct par l’égale réalité de ses deux natures, par la vérité identique en lui de son esprit et de sa chair ; ses miracles venant de l’esprit de Dieu ont prouvé qu’il était Dieu, ses souffrances ont prouvé que sa chair venait de l’homme. 8. S’il n’y a pas de miracles sans l’Esprit, il n’y a pas non plus de souffrances sans la chair. Si la chair est fiction, ainsi que ses souffrances, l’Esprit est fausseté ainsi que ses miracles. Pourquoi livrer la moitié du Christ au mensonge ? Tout en lui fut vérité. 

    Errata

    Page Localisation Texte concerné Correction Remarques
    72 l. 21 leur deux Dieux leurs deux Dieux  
    91 l. 3 au chapitre VI au chapitre III  
    97 n. 2 nongnostique non gnostique  
    102 n. 3 de la page 101 δεξίά δεξιά  
    129 l. 2 si contraire si contraires  
    138 n. 2 Mc. 14, 36 Mc. 14, 34  
    146 n. 2 ei de ei dei  
    148 l. 17 σαρκώσις σάρκωσις  
    270 app. script Zach. 1, 14 Lc 1, 35  
    272 app. script Lc. 1, 35 Zach. 1, 14  
    282 app. script Gen. 8, 16 Gen. 3, 16  
    289 § 19 l. 24 qu’il n’ait qu’il ait  
    307 app. script Mc. 9, 14-29 . Lc. 9, 37-42 Mc. 9, 2-9 . Lc. 9, 28-36  

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