Pierre Maraval
« Sources Chrétiennes » est depuis le 5 mars 2021 en deuil d’un de ses plus actifs collaborateurs : Pierre Maraval, historien et helléniste, spécialiste du christianisme ancien. Né en 1936 à Roquecourbe dans le Tarn (dont il gardera toute sa vie l’accent méridional), il avait commencé sa carrière universitaire à Strasbourg. Il enseigna de 1971 à 1998 et y dirigea le Centre d’analyse et de documentation patristiques, qui publiait les précieux volumes de Biblia Patristica relevant toutes les citations bibliques chez les Pères, documentation aujourd’hui poursuivie et mise en ligne par Biblindex. Il fut ensuite professeur à la Sorbonne, de 1998 à 2004, et prit alors sa retraite tout en continuant à publier beaucoup.
Notre collection lui doit 10 volumes, ce qui le place, avec Gustave Bardy, parmi les auteurs « Sources Chrétiennes » les plus prolifiques. Sa collaboration avec nous commence en 1971, avec un volume de Grégoire de Nysse déjà, la Vie de sainte Macrine (SC 178), issu de la thèse de troisième cycle qu’il avait soutenue en Sorbonne, devant Marguerite Harl et Henri-Irénée Marrou ; elle s’est poursuivie en 1982 avec le Journal de voyage d’égérie (SC 296), un des volumes les plus lus de la collection ; remarquons que ces deux premières productions sont consacrées à une figure féminine. En 1990 Pierre Maraval publie les Lettres de Grégoire de Nysse (SC 363). Puis sont venus – en 4 ans ! – les 4 volumes de l’Histoire ecclésiastique de Socrate de Constantinople, de 2004 à 2007 (SC 477, 493, 505 et 506). Ensuite, il revient à son cher Grégoire de Nysse en publiant des œuvres de lui moins connues dont il a l’art de tirer, en historien rigoureux, le meilleur parti : en 2014 l’Éloge de Grégoire le Thaumaturge et l’Éloge de Basile (SC 573), en 2017 la Lettre canonique, la Lettre sur la Pythonisse et Six homélies pastorales (SC 588), et en 2019 enfin Trois oraisons funèbres et Sur les enfants morts prématurément (SC 606). Il nous a confié aussi son travail sur le traité du Nysséen Contre le destin, qui pourra paraître une fois que certains éléments manquants seront achevés.
Son rythme de travail était impressionnant : sa production dans « Sources Chrétiennes » ne l’a pas empêché de publier plus d’une dizaine d’autres livres, dont certains sont des classiques pour les étudiants, comme les deux volumes sur le christianisme antique qu’il a donnés aux Presses Universitaires de France pour la collection « Nouvelle Clio », sans oublier sa belle thèse sur Lieux saints et pèlerinages d’Orient. Il aimait avant tout rendre accessibles les sources, permettre aux lecteurs modernes de lire par eux-mêmes les textes anciens, d’où les recueils de textes traduits qu’il a publiés, souvent au Cerf (sur les premiers martyrs notamment), dans « Sagesses chrétiennes », ou aux Belles Lettres dans « La roue à livres ». Enfin, vers la fin de sa vie, une série de belles biographies impériales (Constantin, les fils de Constantin, Théodose, Justinien) ont couronné une œuvre faite de probité rigoureuse, d’érudition alerte et de pédagogie. Il savait se poser les questions de tout le monde et y répondre en professionnel de l’histoire, sans se départir de sa simplicité foncière. Il est ce qu’il avait souhaité être : un passeur.
Bernard Meunier