• SC 637

    Jérôme

    Contre Jovinien. Livre I

    décembre 2023

    Texte, introduction, traduction et notes par Luce Savoye.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre et de la Fondation Saint-Irénée.
    Révision assurée par Laurence Mellerin.
    ISBN : 978-2-204-15159-7
    560 pages

    Scandale à Rome : on touche au mariage ! Par le Père qu'on adore détester: Jérôme, au sommet de son art

    Présentation

    Jérôme est fixé à Bethléem depuis quelques années quand on le sollicite pour réfuter les thèses hérétiques d’un certain Jovinien, qui jettent le trouble dans les milieux romains. Ce moine affirme en particulier l’égalité de tous les chrétiens, indépendamment de leur état de vie – vierges, veufs ou mariés – et de leurs mérites. En quelques mois, au cours de l’année 393, le Stridonien rédige un traité en deux livres, dont le premier, entièrement consacré à montrer la supériorité de la virginité sur le mariage, provoque un scandale à Rome.

    « L’affaire Jovinien » témoigne des débats autour de l’ascétisme qui agitent les dernières années du IVe siècle. Dans ce traité, Jérôme se montre un redoutable polémiste : du dénigrement de l’adversaire à l’érudition biblique et profane, toutes les armes sont bonnes. « Œuvre la plus brillante et l’une des plus soignées de Jérôme » selon F. Cavallera, le Contre Jovinien apparaît comme un chef-d’œuvre de virtuosité stratégique, apte à susciter l’intérêt de la critique moderne.

    Luce Savoye, agrégée de Lettres classiques, a consacré sa thèse de doctorat, soutenue à la Sorbonne en 2004, à cet ouvrage polémique de Jérôme.

    Le mot du directeur de Collection

    Luce Savoye, bien connue de l’équipe des Sources car elle a fait ces dernières années de nombreux séjours de recherche à la bibliothèque de la rue Sala, publie ici sa thèse : l’édition, la traduction et l’introduction du premier livre du plus célèbre ouvrage polémique de Jérôme, chef-d’œuvre de rhétorique et d’argumentation selon les admirateurs du moine de Bethléem, mais pour ses détracteurs pamphlet d’une extrême virulence qui lui a valu bien des adversaires, au point que ses amis retireront même le livre de la circulation à Rome pour apaiser les esprits.

    Qui donc est ce Jovinien ? Pour Jérôme, un moine d’abord « crasseux et pâle » qui s’est laissé corrompre par la luxure et est devenu un « Épicure en chaleur dans ses petits jardins, au milieu des adolescents et des femmelettes (II, 21) »… Un moine qui a mal tourné… mais qui a aussi de l’influence à Rome, et qu’il s’agit de combattre. Jérôme l’attaque sur sa morale, son style boursouflé, mais surtout à cause de quatre de ses opinions qu’il juge dangereuses pour l’Église. Certaines ont trait au rôle du baptême, de la grâce, au jeûne, mais celle qui occupe tout le livre I est la plus grave pour Jérôme : « Il dit que les vierges, les veuves et les femmes mariées, une fois purifiées dans le Christ, ont même mérite si elles ne diffèrent pas par le reste de leurs œuvres » (I, 3, p. 202). Pour nous aujourd’hui, le point de vue de Jovinien ne paraît pas scandaleux… et dans le contexte pourtant bien différent de la toute fin du IVe siècle, à Rome, où le manichéisme progresse, où la dignité de la chair se trouve remise en question par des résurgences païennes, il trouve aussi beaucoup d’écho chez les chrétiens. Mais cette position met en péril le développement du monachisme, qui exalte la virginité consacrée et l’idéal ascétique. Jovinien, c’est donc un personnage, mais aussi une « affaire », pour reprendre l’expression d’Yves-Marie Duval : celle des démêlés de l’intéressé avec l’Église – il sera condamné, sans doute en 393, par le pape Sirice –, mais aussi celle des démêlés de Jérôme avec ses contradicteurs, car il se justifie sans en démordre : « il juge le mariage égal à la virginité, nous le jugeons inférieur. […] Il n’ y a pas de milieu : ou c’est mon opinion qu’il faut suivre ou celle de Jovinien » (Lettre 49).

    Le long traité de Jérôme, écrit depuis Bethléem où il se trouve depuis huit ans, est particulièrement bien construit et riche en argumentations à la fois bibliques (très majoritairement) et païennes (de nombreuses vierges païennes ont aussi montré leur grandeur). Mais il reste difficile à suivre, car Jérôme, conscient des risques de critique qu’il encourt, tente régulièrement de nuancer sa pensée. Par exemple, il écrit à la fois que la femme qui se remarie vaut à peine mieux qu’une courtisane – simplement, elle se prostitue à un seul homme plutôt qu’à plusieurs… –, mais que mariage et remariage sont tolérés pour lutter contre la débauche. Il retourne avec brio les arguments de son adversaire en reprenant les mêmes textes bibliques, les mêmes figures que lui. Quand Jovinien passe en revue les patriarches qui tous ont été mariés, Jérôme, passant du sens littéral au sens allégorique, insiste sur leur préférence pour une seule de leurs épouses, voyant ainsi en l’union de Jacob avec Rachel la préfiguration de celle du Christ et de l’Église. Certes, Zacharie et Élisabeth étaient mariés, mais c’était selon l’ancienne alliance, et surtout… pour donner naissance à un vierge ; or la femme qui enfante des vierges « compense par les fleurs et les fruits le dommage et la pourriture de la racine »… Cherchant les passages des Écritures les plus défavorables au mariage, il offre une lecture très sélective des Proverbes, qu’il complète avec Théophraste. Il donne un commentaire très détaillé de 1 Corinthiens 7, développant sa thèse centrale de l’union nuptiale comme concession, source de grands maux – souillure, peines de l’enfantement,... – mais destinée à éviter un plus grand mal.

    Il est bien tentant, souvent, de refermer ce livre outrancier… Parmi les autres adversaires de la pensée de Jovinien, Augustin sera plus nuancé que Jérôme et pourra écrire que le mariage est un bien sans remettre en question l’excellence de la virginité. Cependant, l’éloge que Jérôme fait de la chasteté peut aussi se lire comme un hymne à l’émancipation des femmes : la virginité consacrée leur offrait en effet, en même temps que la libre disposition de leur corps, une réelle indépendance intellectuelle et spirituelle.

    Laurence Mellerin

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