• SC 575

    Théodoret de Cyr

    La Trinité et l'Incarnation (De theologia sanctae Trinitatis et de oeconomia), tome II
    L'Incarnation du Seigneur

    juin 2015

    Texte critique, introduction, traduction, notes et annexes de Jean-Noël Guinot.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre et de l'Œuvre d'Orient.
    ISBN : 978-2-204-10534-7
    447 pages
    Une théologie d'équilibriste entre la divinité et l'humanité du Christ, dès avant 431.

    Présentation

    Probablement rédigé à une date proche de celle du concile d’Éphèse de 431, ce traité est l’un des premiers écrits dogmatiques de Théodoret. Au moment où s’ouvre la crise nestorienne, qui fit de lui le principal porte-parole du parti antiochien et un adversaire résolu de Cyrille d’Alexandrie, dont il fut chargé de réfuter les anathématismes contre Nestorius, il élabore l’un des premiers exposés de la christologie dualiste des Antiochiens et affirme déjà avec force, en les fondant sur l’Écriture, les positions doctrinales qu’il ne cessera de défendre jusqu’au concile de Chalcédoine (451). Son œuvre est à ce titre une pièce importante à verser au dossier de l’histoire de la crise nestorienne et de ses avatars.

    Avec la seconde partie du traité, consacrée à l’Incarnation, Théodoret aborde plus directement les questions christologiques qui seront débattues durant tout le Ve siècle entre partisans d’une unique nature, se réclamant de Cyrille, et défenseurs d’une dualité de natures dans l’unique personne du Christ.

    On trouvera en annexe, dans ce volume, trois documents : les fragments, conservés en grec – dont un inédit – et en latin, de l’ouvrage en cinq livres, écrit par Théodoret contre Cyrille au lendemain du concile d’Éphèse et connu sous le nom de Pentalogos, une lettre inédite de caractère apologétique (448) et un opuscule sur l’unité du Christ (448). Ces textes, distants de près de vingt ans, témoignent d’une grande unité doctrinale.

    Jean-Noël Guinot, Directeur de recherche au CNRS, a consacré plusieurs ouvrages de référence à Théodoret de Cyr, dont il a également édité dans la collection le Commentaire sur Isaïe. Il a dirigé la collection des Sources Chrétiennes de 1994 à 2006.

    Le mot du directeur de Collection

    Jean-Noël Guinot, ancien directeur de la collection, nous offre ici un important traité doctrinal du grand théologien et exégète antiochien (avec, en annexe, des fragments inédits d’une œuvre perdue, le Pentalogos). Le traité qu’il publie sous ce nom double de Trinité et Incarnation était assez peu connu, car il a été réattribué à Théodoret seulement au XXe siècle. Il était en effet transmis par un unique manuscrit complet… qui le mettait sous le nom de son ennemi, Cyrille d’Alexandrie ! Mais il avait été lu et cité par des théologiens anciens ou médiévaux comme Sévère d’Antioche au VIe s., Euthyme Zigabène vers 1100, Nicétas d’Héraclée à la même époque, et grâce à ces témoignages, les savants ont pu le restituer à l’évêque de Cyr.

    Écrit sans doute un peu avant le concile d’Éphèse, lors des premiers affrontements avec Cyrille et sa théologie, le traité offre le premier état de la pensée et du vocabulaire de Théodoret, que la crise nestorienne fera ensuite évoluer. Il est donc en partie polémique, mais s’adresse « aux enfants de la foi » et se veut pédagogique, catéchétique, se présentant comme un commentaire développé du Credo, surtout dans sa première partie (trinitaire). L’évêque syrien insiste bien sûr sur la coéternité du Fils et son égalité avec le Père, sur la divinité de l’Esprit qui connaît le Père comme le Fils le connaît. Sa démarche est fondamentalement scripturaire, ce qui n’étonnera pas d’un exégète : chaque affirmation est fondée sur un ou plusieurs versets. Nous avons là une sorte de synthèse de la théologie trinitaire à l’issue de la crise arienne, avec des traits qui annoncent le goût des « listes de termes » sur Dieu, dans la finale de la première partie : 16 adjectifs en a- privatif pour qualifier la nature divine, ou plutôt ce qu’elle n’est pas ! Mais on attend plutôt Théodoret sur la christologie, qui constitue la seconde partie.

    Celle-ci commence par un exposé sur l’histoire du salut où l’on retrouve les accents des Discours sur la Providence du même auteur. C’est dans le souci éternel de Dieu pour l’homme qu’il faut comprendre l’Incarnation. Théodoret dénonce dans l’arianisme un Christ sans âme humaine, mettant en lumière la faiblesse christologique, et pas seulement trinitaire, de cette hérésie. Pour montrer comme l’avait fait Irénée la justice de Dieu dans l’œuvre de la rédemption, il insiste sur le fait que le sauveur a assumé vraiment une humanité complète, en particulier une intelligence humaine. Par là même il dénonce une autre hérésie proprement christologique, celle d’« Apollinaire », mettant sans doute aussi sous ce nom des adversaires plus contemporains, comme Cyrille d’Alexandrie lui-même… Tous les versets évangéliques où le Christ évoque « son âme » sont étudiés, pour fonder ses affirmations. L’Épître aux Hébreux ou les poèmes du Serviteur d’Isaïe lui permettent également d’insister sur la solidarité du Christ avec la condition humaine : il intercède dans les larmes, dans la douleur… Les intuitions antiochiennes produisent ici un portrait du Christ proche de chacun, un Sauveur qui nous ressemble… sans oublier qu’il est Dieu, comme la dernière partie du traité en rassemble les signes (naissance virginale, miracles, maîtrise johannique dans la Passion…). Nous avons, dès cette œuvre encore précoce dans la carrière de Théodoret, une christologie équilibrée, telle que l’acte d’union de 433, puis le concile de Chalcédoine en 451, l’entérineront pour en faire le bien commun de toute l’Église.

    Bernard Meunier

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Pentalogus (fragmenta graeca et latina)

    Le Pentalogos est le nom d’usage d’un traité en cinq livres, perdu et dont nous ne connaissons pas le titre original, que Théodoret de Cyr rédigea juste après le concile d’éphèse, vers l’automne 431. L’œuvre était dirigée contre Cyrille et la manière dont il avait mené les débats pendant le concile. Nous en avons quelques fragments : 17 en latin conservés dans la Collectio Palatina de Marius Mercator (Ve siècle), trois en grec conservés dans la chaîne de Nicétas sur Luc (XIe siècle) et un long fragment grec (15 pages) présent, en compagnie d’extraits des Discours sur la Providence du même Théodoret, dans un florilège inédit transmis par deux manuscrits du XIIIe-XIVe siècle. L’œuvre était consacrée à la défense de la christologie antiochienne et à la critique de celle de Cyrille, en particulier celle des anathématismes. Le vocabulaire manifeste une période encore précoce de la réflexion de Théodoret, où il n’a pas encore précisé et affiné son langage théologique par la confrontation avec Cyrille.

     

    Extraits latins de la Collectio Palatina : Il faut combattre les anathématismes de Cyrille ; Emmanuel est un nom commun à Dieu et à l’homme ; il n’y a ni mélange ni confusion des natures ; il faut distinguer, dans ce que l’écriture dit du Christ, ce qui se rapporte à Dieu et ce qui se rapporte à l’homme : exemples divers dans les évangiles, les Actes et Paul. éloge de Théodore de Mopsueste ; résurgence de l’apollinarisme (chez Cyrille) ; natures et personne.

    Extraits de la chaîne sur Luc : Les propos de Luc sur la conception et l’enfance du Christ concernent son humanité et non sa divinité ; même chose pour la réception de l’Esprit au Jourdain : le Verbe n’en avait nullement besoin.

    Extrait du Florilège : « Contre ceux qui rapportent la souffrance à la divinité du Christ ». Le Fils est impassible comme le Père, mais il a assumé une nature humaine unie à lui sans mélange ; chaque nature conservant ses propriétés, le Verbe ne peut souffrir, c’est l’humanité qui subit la Passion. Pluralité des noms pour désigner la divinité du Christ : Fils, Dieu, Monogène, Verbe. Le Verbe, ni ne perd ses propriétés dans l’incarnation, ni ne fait perdre les siennes à l’humanité assumée. Un nom comme Seigneur de gloire (1 Co 2, 8) se rapporte à cette humanité. Pas de mélange : la nature ne devient jamais une.

    Quod unicus filius sit dominus noster Iesus Christus

    Cet opuscule (9 p.), anonyme dans les trois manuscrits qui le transmettent – un manuscrit de Bâle du XIIIe siècle et deux copies –, a été depuis longtemps rendu à Théodoret ; Photius en cite quasiment le titre dans sa Bibliothèque. Il date probablement de l’année 448, alors que Théodoret est relégué dans son diocèse, avant sa déposition au Brigandage d’éphèse de 449. Il est similaire à beaucoup d’écrits de la même période, en particulier des lettres, où Théodoret se défend contre la calomnie qui lui attribue la confession de « deux Fils » sous prétexte qu’il défend les deux natures distinctes et non mêlées du Christ.

     

    Le Verbe s’est fait homme, non par changement (en humanité) mais par ajout (de l’humanité). Les propos évangéliques sur lui, ou ses propres paroles, montrent ses deux natures jamais confondues : il faut bien les répartir entre la divinité et l’humanité. Exemples divers. Jamais Théodoret n’a professé deux Fils ; il baptise dans la foi de Nicée en un seul Fils. Défense du titre de « Mère de Dieu » donné à Marie, titre légitime car l’écriture pratique cette communication des langages à propos du Christ, sans mêler les natures. Référence finale à tous les pères qui ont professé la même foi.

    Epistula ad Helladem et Theophilum

    Cette longue lettre (15 p.) jusqu’ici inédite a été trouvée par le P. Paramelle dans un manuscrit du XVIe siècle de la Bibliothèque synodale de Moscou. Elle date très probablement du temps où Théodoret, frappé par une sanction impériale, était relégué dans son diocèse entre 448 et Chalcédoine (451), plus précisément peut-être avant le Brigandage d’éphèse de 449. Les deux moines prêtres destinataires de sa lettre semblent avoir été enclins à croire les calomniateurs qui le traitaient d’hérétique (peut-être faisaient-ils partie du clergé d’Osroène déposé par Ibas d’édesse, qui s’était estimé mal défendu par Théodoret : cela faisait un autre sujet de discorde outre la christologie). Théodoret se défend, comme dans toute une série d’autres lettres contemporaines de celle-ci, de professer « deux fils » en défendant les deux natures du Christ.

     

    Prologue : comme d’autres disciples du Christ, Théodoret doit se défendre contre des accusations injustes. Long exposé doctrinal en deux parties : 1) la vraie foi trinitaire, celle de Nicée, entre les déviances d’Arius et de Sabellius ; consubstantialité de l’Esprit. 2) la foi au Christ : l’hymne de Ph 2 révèle deux « formes » dans le Christ ; si « Dieu » se réfère à une nature, alors « esclave » le fait aussi, il y a deux natures dans le Christ. Raisons de l’incarnation : le salut de la nature humaine à tirer de la tyrannie du diable et du pouvoir de la mort. « Christ » est le nom commun de la divinité et de l’humanité. Dans l’incarnation Dieu ne s’est pas changé en chair ; c’est son humanité qui est morte ; bien distinguer dans l’écriture ce qui relève de l’humanité et ce qui relève de la divinité. Les deux natures ne se réduisent jamais à une seule. La divinité est impassible. Le même est fils de Dieu et fils de l’homme, chaque nature garde son caractère. Référence finale à la foi des grands prédécesseurs et à la formule d’union de 433.

    Extrait(s)

    Fr. 2 de Nicétas, SC 575, p. 209

    Lorsque tu entends que Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce (Lc 2, 52), recherche par toi-même ce qui croissait en âge, et tu trouveras que c’était le corps ; ce qui croissait en sagesse et en grâce, et tu trouveras que c’était l’âme et non la divinité, elle qui est parfaite depuis toujours et rend sages ceux qui en sont dignes. Aucun de ces termes, en effet, ne convient à la divinité ; mais c’est le corps qui croît en âge, et l’âme en sagesse, non pas celle qui est privée de raison, mais celle qui est raisonnable. D’où il est clair que le Dieu Verbe a assumé aussi une âme raisonnable.

    QVF 6, SC 575, p. 353

    En tant que Dieu il n’eut pas de commencement pour ses jours (He 7, 3), car il a été engendré avant les siècles, et il n’a pas non plus de fin pour sa vie (ibid.), car il possède une nature immortelle et impassible. Mais en tant qu’homme, il a bien eu un commencement pour ses jours car il est né sous César Auguste, et il a eu une fin pour sa vie, car il a été crucifié sous César Tibère. Mais maintenant il possède aussi une nature humaine immortelle, et de même qu’il a été enlevé aux cieux, il viendra de nouveau.

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