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SC 95
Méthode d’Olympe
Le Banquet
décembre 1963Introduction et texte critique par Herbert Musurillo, s.j. — Traduction et notes par Victor-Henry Debidour.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique.ISBN : 9782204032780348 pagesLe Banquet de Platon célébrait l'amour ? Celui de Méthode célèbre la virginité !
Présentation
Le Banquet de Platon célébrait l’amour ? Celui de Méthode célèbre la virginité !
Écrit durant la petite paix de l’Église (vers 260-290), l’ouvrage de Méthode est une imitation du célèbre dialogue de Platon. Avec un prélude, trois intermèdes et un épilogue, il met en scène deux femmes, Euboulion et Grégorion, la seconde rapportant à la première onze discours tenus par onze autres femmes : Marcelle, Théophila, Thalie, Théopatra, Thallousa, Agathe, Procilla, Thècle, Tysiane, Domnine et, pour conclure, la Vertu personnifiée. L’hymne à Thècle qui les suit est l’une des premières pièces de poésie chrétienne en grec.
Par sa technique littéraire, il s’agit de « mélanges » sur la chasteté. Pourtant, ce n’est pas purement un ouvrage pédagogique, une exhortation à la chasteté, mais un manuel de doctrine chrétienne, une instruction dans la tradition catéchétique, et même un manuel pratique de psychologie et d’anatomie (certains passages expliquent la physiologie de l’accouchement).Herbert Musurillo, s.j. (1917-1974), professeur à Fordham University aux États-Unis, est notamment l’auteur d’éditions des Acts of the Pagan Martyrs et des Acts of the Christian Martyrs (Oxford 1954 et 1972).
Victor-Henry Debidour(1911-1988), professeur de grec au Lycée du Parc, à Lyon, est connu, entre autres choses, pour sa traduction savoureuse des Comédies d’Aristophane.Le mot des Sources Chrétiennes
Ce dialogue, imité du célèbre Banquet de Platon consacré à Éros, traite de la virginité : les personnages ne sont plus ici ni Socrate, ni Pausanias, ni Aristophane…, mais un chœur de dix vierges dont la protagoniste est Arétè ou Vertu. Si artificiel que soit le genre du pastiche, l'œuvre de Méthode ne manque pourtant pas d'un certain talent littéraire, et c'est ce qu'a bien fait ressortir la traduction de l'helléniste et du brillant critique littéraire qu'est M. V.-H. Debidour, professeur de rhétorique supérieure à Lyon. Mais ces pages ont aussi un réel intérêt religieux pour l'histoire dogmatique et plus encore pour l'histoire de l'ascèse chrétienne – et cela surtout à cause de leur date ancienne : c'est un des rares écrits que nous ayons de la fin du IIIe siècle. On ne sait que très peu de choses sur l'auteur qui fut probablement évêque et martyr et exerça sans doute son activité à Olympe, en Asie Mineure. Ce volume présente un nouveau texte grec critique, notablement meilleur que celui de l'édition du Corpus de Berlin (1917) : nous le devons au R.P. H. Musurillo, s.j., professeur à l'Université de Fordham (U.S.A.), déjà connu par d'excellents travaux.
(1963)
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Seule œuvre conservée intégralement en grec de l’évêque Méthode (Lycie, deuxième moitié du IIIe siècle), ce Banquet a probablement été écrit vers 260-290. Il se présente comme une imitation de celui de Platon et peut avoir été adressé à une communauté de vierges de Lycie. Dix vierges sont conviées à un banquet qui ressemble à une anticipation du banquet des bienheureux, dans un endroit explicitement référé au paradis. Chacune d’elles est chargée à tour de rôle, par Vertu qui les invite, de faire l’éloge de la virginité ; chacune s’exécute en recourant à un dossier scripturaire différent.
Le Banquet a peut-être fait l’objet dès le 4e siècle d’une contre-édition arienne dont Photius cite des fragments. Le texte grec de l’œuvre est donné par 9 manuscrits, dont seulement deux anciens, 11e et 14e siècles, les autres postérieurs au 15e siècle. L’œuvre est citée par André de Césarée au 7e siècle et par Aréthas au 9e, ainsi que dans les Sacra Parallela.
Contenu
Prélude : circonstances de l’invitation, accueil par Vertu. Discours 1 (Marcelle) : la virginité rend incorruptible ; progrès de l’humanité : polygamie, monogamie, continence ; le Verbe est venu apporter le modèle de la virginité. 2 (Théophila) : la virginité est un progrès mais cela n’interdit pas d’avoir des enfants, comme le suggère la Genèse ; objection : les enfants illégitimes compromettent la puissance opératrice de Dieu avec le mal ; réponse sur la responsabilité humaine. 3 (Thalie) : Paul donne un sens spirituel à l’union de l’homme et de la femme en Ep 5 (le Christ et l’église) ; le Christ est le nouvel Adam remodelé, donc l’être humain même imparfait peut lui être comparé. Le même Paul recommande de s’abstenir de l’union charnelle, donc cette comparaison ne voulait pas la valoriser : c’est la virginité qui est préconisée. 4 (Théopatra) : éloge de la pureté opposée au désordre de l’incontinence qui nous oppresse ; la pureté nous donne liberté et incorruptibilité, l’honorer c’est aimer le Christ. 5 (Thallousa) : la virginité est l’offrande totale de soi à Dieu ; l’écriture recommande cette consécration : textes cités et expliqués, critique des divagations de mœurs figurées par l’ivresse, sens des symboles scripturaires. 6 (Agathe) : comment garder la virginité ? Exemple des vierges sages et des vierges folles relié à la symbolique de l’huile en Lv 24, 2 ; le retard à l’arrivée du Christ. 7 (Procilla) : Dieu même est le gardien et l’amant de la chasteté : lecture du Cantique ; parure spirituelle de la fiancée ; ce que représentent les reines, les concubines, les jouvencelles et la fiancée unique (l’église). 8 (Thècle) : étymologie et sens du mot virginité ; les vierges portées par leurs ailes dans un paradis spirituel, au-dessus des vicissitudes du monde ; la femme et le dragon de l’Apocalypse expliqués ; l’enfant est le baptisé enfanté par l’église ; le dragon est le diable qui fait chuter les hérétiques ; l’église au désert et les 1260 jours ; la Bête ; le libre arbitre humain démontré contre le fatalisme astral ; les astres ne sont pas divins ; notre naissance ne détermine rien, nous sommes responsables du bien et du mal. 9 (Tysiane) : la fête des tabernacles en Lv 23 a un sens eschatologique que les juifs ne comprennent pas, c’est la résurrection ; exégèse des rameaux ; l’agnus-castus représente la chasteté. 10 (Domnine) : la chasteté, meilleur chemin vers le bien ; prophétie de Jg 9 : symbolique biblique des différents arbres, qui résument l’histoire du salut : péché, endurcissement, loi, Esprit ; la chasteté hâte le salut. 11 (Vertu) : la chasteté n’est pas que sexuelle, il faut maîtriser tous les désirs pour être sans péché. Cantique des vierges au Christ : « Pour toi je me tiens pure… ». Dialogue final : désir et virginité ; l’endurance du combat.
Extrait(s)
Banquet, discours 4, 2 (p. 129-131)
Pour nous réconcilier avec Dieu, nul guide plus efficace et salutaire vers la Vie ne s’offre aux humains que la pureté. (…) Dieu prit pitié de notre situation ; nous voyant incapables, et de la supporter, et de nous en relever, il nous envoya du haut du ciel le meilleur et le plus glorieux des secours, la pureté, pour que liant nos corps à elle comme on amarre un bateau, nous trouvions bonace et mouillage à l’abri de la perdition, comme le Saint Esprit lui-même en témoigne. (…) Sur les fleuves de Babylone nous étions assis dans l’accablement et les larmes au souvenir de Sion. Aux branches des saules, au milieu du pays, nous avons suspendu nos harpes (Ps 136, 1-2). Dans cette lamentation, ce qu’elles appellent harpes, ce sont évidemment les corps qui les abritent, et qu’elles ont attachés bien haut en les ligotant aux lianes de l’arbre de pureté, pour que les flots de l’incontinence ne puissent plus les arracher et les emporter à vau-l’eau. Car Babylone, dont le nom signifie trouble ou mêlée, représente la vie d’en bas, au milieu du ressac, vie au sein de laquelle nous avons été précipités et où nous sommes cernés par les eaux, aussi longtemps que nous sommes dans ce monde, puisque les fleuves de la perversité ne cessent de nous assaillir.
Errata
Page Localisation Texte concerné Correction Remarques 48 l. 58 μέ μή 90 l. 18 αὔτη αὕτη 120 § 13, l. 17 φυχῆς ψυχῆς 154 l. 34 ἑντεῦθεν ἐντεῦθεν 191 l. 6 ab imo les « premier-nés » les enfants « premier-né » 208 l. 1 Τοιούτος Τοιούτους 221 l. 3 « enfantb mâle » Ap. 12, 5 222 l. 11 κόσμω κόσμῳ 234 § 13, l. 7 ἐπτὰ ἑπτὰ 266 n. 3 "liquide" : les Anciens pensaient qu’il y avait de l’eau dans l’air, afin que les oiseaux puissent voler. Cf. Et. Gilson, Les Idées et les lettres. 328 l. 88 ETB. EYB.