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SC 78
Grégoire de Narek
Le Livre de prières
décembre 1961Introduction, traduction de l'arménien et notes par Isaac Kéchichian, s.j. — Préface de Jean Mécérian, s.j. — Postface de Krikor Bélédian
Ouvrage publié avec le concours de la Fondation Calouste Gulbenkian.Réimpression de la première édition revue et corrigée (2000)
ISBN : 9782204066457555 pagesIndisponible chez notre éditeurLe plus grand poète arménien, au 10e siècle, proclamé « Docteur de l'Église » en 2015.
Présentation
Quand il compose son Livre de prières, Grégoire de Narek sait fort bien qu’il innove, car la tradition arménienne ne lui fournit aucun modèle. Les lamentations bibliques et les rituels des pleureuses sont des analogons. Grégoire invente un genre – une espèce de thrène sur une âme en détresse extrême – et un type de livre – une chaîne de prières.
Colloque avec Dieu, les discours du Veilleur se meuvent dans un espace de parole où le Moi de l’homme « à la triste beauté » et le silence éloquent de Dieu se croisent, se conjuguent et se répondent. Ils feront école et seront imités tout au long de la littérature arménienne.Jésuite d'origine arménienne, né en Turquie, Isaac Kéchichian (1917-2005) fut directeur du Collège Saint-Grégoire-l'illuminateur à Beyrouth (Liban).
Jean Mécérian, jésuite, était professeur du collège Saint-Grégoire-L'Illuminateur à Beyrouth.
Krikor Bélédian, écrivain et critique littéraire, est professeur de langue et littérature arméniennes à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO).Le mot des Sources Chrétiennes
Le Livre de prières de Grégoire de Narek est non seulement un texte particulièrement cher au cœur des chrétiens d'Arménie, mais un ouvrage dont le caractère novateur a fait date dans la littérature arménienne et qui, depuis un millénaire, nourrit la vie spirituelle de tout un peuple. L'Église arménienne a introduit dans la liturgie de la messe des prières du moine de Narek – le monastère où a vécu Grégoire, au sud du lac de Van ; jusqu'à la fin du XIXe siècle, les élèves en apprenaient des chapitres entiers ; les familles tenaient à posséder un exemplaire du Livre, objet d'une vénération presque égale à celle des Évangiles. C'est dire la place qu'il occupe dans la conscience collective des Arméniens. L'édition procurée en 1961 par le Père Isaac Kéchichian, s.j., alors Directeur du collège Saint-Grégoire-l'Illuminateur, à Beyrouth, était depuis longtemps épuisée. Le projet d'une édition entièrement refondue, pour tenir compte des travaux parus depuis lors, avait fait renoncer, en accord avec l'auteur, à sa réimpression ; on envisageait même de donner, en regard de la traduction, le texte arménien, pour permettre aux fidèles qui le souhaitaient de prier avec les mots du Narékatsi. À notre grand regret, ce projet n'a pas abouti. Il fallait donc remettre en circulation un texte que l'on faisait depuis trop longtemps espérer à tous ceux pour qui, à divers titres, il était indispensable. Nous souhaitons que la réimpression, revue et corrigée, de la traduction du Père Kéchichian comble leur attente. Une postface, qu'a bien voulu rédiger M. Krikor Bélédian, Maître de conférence à l'INALCO et Professeur invité à l'Université Catholique de Lyon, a été ajoutée au volume. À la lumière des travaux récents, elle offre sur l'œuvre maîtresse de Grégoire et la personnalité de son auteur des vues éclairantes ; mieux, elle introduit à l'intelligence du « colloque infini » de Grégoire avec le Dieu de miséricorde. Que M. Belédian trouve ici l'expression de notre gratitude. Pour souligner l'événement, le volume est doté d'une élégante jaquette, ornée de l'une des plus anciennes miniatures arméniennes représentant Grégoire Narékatsi.
Jean-Noël Guinot
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Le livre de prières
Les quatre-vingt-quinze Prières ou Élégies sacrées de Grégoire de Narek, achevées en 1002, revêtent encore aujourd’hui une très grande importance pour le peuple arménien. Leurs manuscrits se comptent par centaines, du XIIe au XVIIIe siècle. Objet de nombreux commentaires, c’est l’œuvre en arménien qui a connu le plus d’éditions – presque une cinquantaine –, après les Évangiles et Psaumes, ; la première date de 1673, à Marseille. Le présent volume est fondée sur celle de Gabriel Avédikian, dans la troisième édition de son Narekloudz, en 1859 à Venise. Cet ouvrage est la première traduction complète en langue européenne, a fortiori en langue française. Le texte est transcrit sous sa forme rythmique et divisé en strophes pour en faciliter la lecture.
Les Prières, de longueur inégale, se présentent sous la forme de colloques avec Dieu. La question d’un plan au sein de l’ouvrage est discutée : les Prières auraient été écrites au gré de l’inspiration de Grégoire de Narek et leur unité se trouverait dans des thèmes récurrents et dans la tonalité d’ensemble. Mais certaines allusions de Grégoire (Prières 1, 3, 33 et 88) laissent penser qu’il y a une ligne directrice dans la composition et, à l’intérieur de groupes déterminés de Prières, on peut trouver une évolution des sentiments ou de la pensée.
Pour son époque, l’ouvrage de Grégoire est novateur, car il introduit la poésie lyrique dans la littérature religieuse de son pays. Son langage lui-même est innovant : il est rythmé, parfois rimé, plein d’allitérations et de néologismes, ce qui en rend la traduction difficile. Ses Prières sont parfois déroutantes, marquées par une imagination débordante au service d’une grande sensibilité, qui se traduit dans ses images, audacieuses.
Plusieurs grands thèmes émergent des Prières. Il y a d’abord le sentiment très fort chez Grégoire que tous les hommes sont solidaires dans le péché et ont à redouter le Jugement. Or, au lieu de tomber dans un désespoir complet, il ressent de l’espoir : certes, en tant qu’homme, il n’est que néant et indignité, mais Dieu est miséricordieux. Ainsi, le péché sert le lyrisme car il est l’occasion de magnifier Dieu par contraste avec ses créatures. Puis, le Livre est empreint de l’opposition entre la chair et l’esprit, l’âme devenant l’enjeu d’une lutte entre Dieu et Satan et le salut de l’homme se trouvant alors dans la pénitence. Enfin, en contemplatif, Grégoire exprime son amour du Christ, sa confiance en sa grâce et son désir de lui être uni.
Extrait(s)
« Du fond du cœur, colloque avec Dieu » : extrait de la 12e Prière (p. 102)
Celui qui invoquera le Nom du Seigneur, celui-là sera sauvé.
Quant à moi non seulement je L’invoque
mais avant tout je crois à sa grandeur.
Ce n’est pas pour ses présents
que je persévère dans mes supplications,
mais parce qu’Il est la Vie véritable
et la cause vraie de la respiration,
sans laquelle il n’y a ni mouvement ni progrès.
Ce n’est pas tant, en effet, par l’attache de l’espérance
que par les liens de l’amour que je suis attiré.
Ce n’est pas des dons,
mais du Donateur que j’ai toujours la nostalgie.
Ce n’est pas la gloire à quoi j’aspire,
mais c’est le Glorifié que je veux embrasser.
Errata
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