SC 637

Jérôme est fixé à Bethléem depuis quelques années quand on le sollicite pour réfuter les thèses hérétiques d’un certain Jovinien, qui jettent le trouble dans les milieux romains. Ce moine affirme en particulier l’égalité de tous les chrétiens, indépendamment de leur état, qu’ils soient vierges, veufs ou mariés, et de leurs mérites respectifs. En quelques mois, au cours de l’année 393, le Stridonien rédige un traité Contre Jovinien en deux livres, dont le premier, entièrement consacré à montrer la supériorité de la virginité sur le mariage, provoque un scandale à Rome ; Pammachius, ami de Jérôme, intervient alors pour retirer un ouvrage considéré comme une véritable condamnation du mariage, et Jérôme doit se justifier.

Si « l’affaire Jovinien » témoigne des débats autour de l’ascétisme et de l’orthodoxie qui agitent les dernières années du IVe siècle, le sujet de la controverse n’est pas récent et Jérôme n’a pas manqué d’utiliser les travaux de ses prédécesseurs pour donner du poids à sa réfutation. Dans ce traité, où il se montre un redoutable polémiste, du dénigrement de l’adversaire à l’érudition biblique et profane en passant par les effets de style, toutes les armes sont bonnes pour vaincre l’adversaire. Par son ampleur et les moyens mis en œuvre, le Contre Jovinien apparaît comme un chef-d’œuvre de virtuosité stratégique, apte à susciter l’intérêt de la critique moderne.

La crise est réglée dans l’urgence et Jovinien condamné ; mais l’hérésie réapparait dans les décennies suivantes en prenant des formes nouvelles. Quant au débat concernant la valeur respective de la virginité et du mariage, il est loin d’être clos.