• SC 635

    Grégoire de Tours

    Les miracles de saint Martin

    juin 2023

    Introduction, traduction et notes par Luce Pietri. — Texte latin de B. Krusch (MGH)

    Ouvrage publié avec le concours de la Fondation Saint-Irénée.
    Révision assurée par Isabelle Brunetière.
    ISBN : 9782204154888
    468 pages

    Historien, évêque de Tours, témoin et même bénéficiaire de ses miracles : Grégoire fait de Martin un saint plus populaire que jamais

    Présentation

    Prenant le relais du poète Paulin de Périgueux qui, au chant VI de sa Vita sancti Martini, avait consigné, durant l’épiscopat de Perpetuus (458/9 - 488/9), une série de miracles posthumes de Martin, Grégoire de Tours s’est assigné pour tâche de collecter et de publier ceux advenus depuis lors et notamment depuis sa consécration à l’épiscopat en 573. À partir de cette date et jusqu’à la veille de sa mort en 594, il déroule, année après année, une chronique des événements miraculeux opérés principalement à Tours, la cité martinienne vers laquelle accourent les pèlerins : ces derniers viennent chercher l’aide d’un thaumaturge, tout particulièrement réputé comme médecin. Cependant, les guérisons obtenues ici-bas par le confesseur sont autant de « signes » préfigurant les réalités éternelles : la délivrance des corps en ce monde entend annoncer la libération des entraves du péché pour les âmes des défunts au jour du Jugement dernier, car c’est aussi une œuvre pastorale que fait ici l’historien, en témoin privilégié.

    Luce Pietri, professeur émérite à l’université Paris IV-Sorbonne, a publié sa thèse de doctorat sous le titre La ville de Tours du IVe au VIe siècle. Naissance d’une cité chrétienne, ainsi que de nombreux articles traitant de la Gaule durant l’Antiquité tardive. Dans la collection Sources Chrétiennes, outre l’Histoire ecclésiastique de Théodoret de Cyr (SC 501 et 530), elle a collaboré à la Vie de Constantin par Eusèbe de Césarée (SC 559).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Grâce à Luce Pietri qui signe ici l’introduction, l’annotation et la traduction (composée d’après le texte latin édité par Bruno Krusch, avec quelques modifications), Grégoire de Tours fait enfin son entrée dans la collection. Connu comme auteur des Histoires, il a également composé un grand recueil de Miracles en 8 livres, dont les 4 livres des Miracles de saint Martin (De uirtutibus sancti Martini) forment les livres III à VI. Dans le 1er livre, Grégoire consigne quelques-uns des miracles du Christ, des apôtres et de martyrs, dans le livre II, ceux de saint Julien, dans le livre VII, la vie de quelques bienheureux, dans le livre VIII (traduit par la même L. Pietri aux Belles Lettres en 2016 sous le titre La Vie des Pères), les miracles de quelques confesseurs. Dans ce plan, la place de saint Martin est donc majeure.

    L’apôtre de la Gaule avait déjà inspiré de nombreux écrivains latins, en particulier Sulpice Sévère (Vie de saint Martin : SC 133-135 ; Gallus ou Dialogue sur les « vertus » de saint Martin : SC 510) et le poète Paulin de Périgueux (Vie de saint Martin, en vers : SC 581 contenant le prologue et les livres I-III), ce dernier ayant déjà rapporté des miracles posthumes du saint intervenus entre 458 et 489.

    Pour sa part – motivé par une vision reçue en rêve alors qu’il se jugeait « trop sot ignorant pour oser publier de si admirables miracles » et soupirait : « Ah ! si Sévère ou Paulin vivaient encore ! » (livre I, préface, p. 87) –, Grégoire entreprend de relater ceux qui se sont produits par la suite, à Tours ou ailleurs, en particulier depuis 573, date de sa consécration comme évêque de Tours, et jusqu’à la veille de sa mort en 594. Dépassant plusieurs centaines, leur nombre est considérable : Martin semble être encore plus actif après sa mort en 397 que de son vivant ! En historien, l’auteur collecte patiemment faits et témoignages ; il est lui-même témoin en certains cas, et en personne il bénéficie à plusieurs reprises de guérisons qu’il attribue à Martin, comme lorsque, atteint de dysenterie, il échappe au trépas en buvant une potion composée d’eau et de poussière prélevée sur la tombe du saint (livre II, 1, p. 187-189).

    Parfois Martin soulage d’une punition infligée par Dieu. Ainsi en Galice, le bouffon du roi suève Miro osa toucher à la vigne jouxtant la basilique du saint ; à l’endroit même sa main droite resta figée et son bras se dessécha ; seules les prières que le roi fit pour lui le délivrèrent (livre IV, 7, p. 391-395). Et si l’on en croit cet épisode du livre IV (ch. 45, p. 441) – comme bien d’autres d’ailleurs –, où un certain Leodulfus, qu’aujourd’hui on qualifierait de paysan vigilant et même pieux, perd la vue pendant un an pour avoir mis son foin à l’abri le jour du Seigneur, gare aux travailleurs du dimanche !

    Voilà mises en garde les ouailles de Grégoire, dont la plume tient ici lieu de crosse pastorale. Écrits dans un latin empreint de simplicité, ses Miracles de saint Martin ont su contribuer, pour des siècles, à faire de Tours le plus grand lieu de pèlerinage de Gaule ; qui sait si le volume ne sera pas lui-même miraculeux pour nos lecteurs et ne répondra pas à leur ardeur comme la Vie de Martin par Sulpice Sévère, résistant à l’épreuve des flammes (livre III, 42, p. 349) ?

    Guillaume Bady

    Extrait(s)

    Livre IV (ch. 45, p. 441)

    Un homme de la cité de Bourges, un certain Leodulfus, après avoir fauché son foin, craignit que celui-ci ne fût mouillé par l’arrivée de la pluie et que le fruit de son travail ne fût ainsi perdu. Le jour du Seigneur, au matin, il attela ses bœufs, se rendit à son pré et se mit à charger le foin sur un chariot ; soudain, il sentit comme une brûlure à l’un de ses pieds ; il revint à son logis et se reposa de son travail. Après la célébration des solennités de la messe, il attela à nouveau ses bœufs et continua d’expédier le travail commencé ; sitôt que le chariot fut rempli de foin, ses yeux, comme s’ils étaient piqués par des aiguillons, furent en proie à une douleur insoutenable. Il les ferma, mais par la suite il ne put nullement les rouvrir. Après être ainsi demeuré dans la cécité une année entière, il vint avec dévotion à la fête du saint évêque et, le troisième jour suivant celle-ci, lui fut rendue la jouissance de la lumière qu’il avait perdue.

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