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SC 629
Ambroise de Milan
Sur la mort de Théodose
octobre 2022Texte latin de Victoria Zimmerl-Panagl (CSEL 106) — Introduction, traduction et notes par Yves-Marie Duval et Benoît Gain.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre et de la Fondation Saint-Irénée.Révision assurée par Isabelle Brunetière.ISBN : 9782204147514329 pagesMilan, 395. Le prince des orateurs chrétiens s'adresse à deux orphelins, princes héritiers de l'empire romainPrésentation
Le 17 janvier 395, Théodose Ier (le Grand), seul empereur régnant, meurt subitement à Milan, à l’âge de cinquante ans à peine. Au mois de septembre précédent, à la bataille du Frigidus (la rivière Froide, en Slovénie actuelle), il a triomphé de l’usurpateur Eugène, artisan d’une « réaction païenne ». À cette date, longtemps tenue pour une charnière entre l’Antiquité et le Moyen Âge, le pouvoir impérial n’est pas pleinement assuré, d’autant que Théodose laisse deux fils, âgés seulement de dix-sept et dix ans : Arcadius et Honorius.
Lors des funérailles célébrées quarante jours plus tard, Ambroise de Milan, qui s’était entretenu peu avant avec l’empereur, se montre pleinement conscient de la gravité de la situation politique. Il invite tout d’abord les deux fils, Arcadius et Honorius, à continuer l’œuvre de leur père ; puis, faisant l’éloge des vertus chrétiennes, il prône la clémence et place, dans la bouche de Théodose, les paroles du Psaume 114, développant ensuite l’éloge de l’empereur défunt et concluant sur les retrouvailles célestes.
Cette oraison funèbre présente la particularité de contenir aussi un long développement narratif : la découverte à Jérusalem par Hélène, mère de Constantin, de la Croix et des clous de la Passion, puis leur présence sur le diadème, rappelant aux deux fils leurs devoirs – des recommandations dignes d’un « miroir des princes », dont la postérité se souviendra.Yves-Marie Duval († 2007), professeur à l’Université de Paris-X Nanterre, spécialiste de Jérôme et d’Ambroise, n’ayant pu achever cette édition, c’est Benoît Gain, l’un de ses disciples et amis, professeur de langue et littérature latines à l’Université de Grenoble Alpes, qui a complété et mis à jour le dossier.
Le mot du directeur de Collection
Un discours impérial chez les chrétiens ? Vantant les mérites d’un souverain terrestre, Eusèbe de Césarée avait célébré Constantin ; Ambroise de Milan illustre à son tour le basilikos logos avec l’oraison funèbre de celui qui, en faisant prévaloir la foi de Nicée après des décennies de crise religieuse, ecclésiale et politique, est l’autre modèle antique du « roi très-chrétien » : Théodose Ier (le Grand), décédé à Milan le 17 janvier 395. Quarante jours plus tard, l’évêque renouvelle le genre sans trop se préoccuper des règles. Dans ce moment politiquement si critique, faisant fi du contraste des registres, il tente ainsi de faire passer un message politique et social, sans qu’on sache si c’est en faveur des pauvres… ou des riches (§ 5, p. 155) :
Le départ d’un prince si grand, qui avait déjà tout remis à ses fils – empire, puissance, titre d’Auguste – n’a rien eu de plus glorieux, rien, dis-je, ne lui fut réservé de plus beau dans la mort que le fait que voici : la suppression de la taxe sur l’annone, qui avait été promise, ayant pris du retard – retard cruel pour tant de gens ! (…) Quoi de plus digne pour un empereur qu’une loi comme testament !
Par sa clémence, Théodose dépasse ainsi « le plus grand des philosophes » et réalise rien moins que l’idéal platonicien du philosophe-roi. Mais c’est David qui, implicitement, s’impose plutôt, en tant que roi-psalmiste. Le psaume 114 ayant été récité pendant la liturgie funéraire, Ambroise met dans la bouche de l’empereur le premier verset : « J’ai aimé », répété et longuement interprété en guise de bilan moral – deux mots que le prédicateur reprend aussi à son compte pour exprimer ses sentiments vis-à-vis du défunt (§ 33). S’ensuit un tableau triomphal, où Théodose devient vraiment roi en retrouvant au ciel le seul vrai Roi, le Christ (§ 40). Il retrouve aussi, entre autres, Constantin et Hélène, la mère de celui-ci. Dans ce qui est parfois qualifié de digression, voire d’addition postérieure, aux § 41-51, le Milanais nous livre après Eusèbe le plus important récit de l’Invention de la Croix par la mère de Constantin, en 325 ou 326. C’est l’occasion pour lui de souligner l’importance des clous de la Passion : utilisés comme frein de cheval, ils symbolisent la maîtrise des passions et la mesure dans l’exercice du pouvoir ; sertis dans le diadème impérial, ils transpercent les péchés et servent de « gouverne » au monde – Ambroise joue ici sur le double sens du mot en latin, clauus désignant aussi un gouvernail. Un message directement adressé à Honorius, l’un des deux fils de Théodose (l’autre, Arcadius, est absent), dans ce qui a été retenu par la postérité comme un véritable « miroir des princes ».
À sa façon, ce volume est aussi un hommage posthume à un « empereur » des études patristiques latines, Yves-Marie Duval, dont Benoît Gain a ici tiré le meilleur des travaux conservés. Le lecteur bénéficie aussi de la nouvelle édition du texte latin par V. Zimmerl-Panagl, ici reprise du CSEL. Pour ne rien gâcher, le livre est d’un prix assez modique (comme le volume suivant) qui serait somme toute conforme aux souhaits impériaux et ambrosiens, grâce notamment au Centre national du livre, dont le soutien régulier – mais à des conditions de plus en plus restrictives, excluant notamment texte et traduction, même en cas d’editio princeps, comme parties « non originales » – est capital pour nombre de nos volumes.Errata
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