• SC 628

    Dadisho Qatraya

    Commentaire sur le Paradis des Pères, tome III
    (Deuxième partie, questions 179-291)

    février 2023

    Texte critique, traduction et notes par David Phillips

    Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.
    Révision assurée par Laurent Capron.
    ISBN : 9782204147040
    421 pages

    Les clés du Paradis et l'enfer du combat ascétique : un grand texte inédit par un auteur syriaque du VIIe siècle

    Présentation

    Elle est étonnante, et presque entièrement inédite, cette grande œuvre, écrite en syriaque au VIIe siècle par un chrétien originaire d’une région à laquelle le Qatar doit son nom : Dadisho‘ Qatraya. Surnommé « le Voyant », c’est un témoin important de la littérature ascétique et mystique de l’Église syro-orientale, alors en plein essor.
    L’ouvrage ici édité est unique : c’est le seul commentaire continu, à l’époque ancienne, de cette collection d’apophtegmes des moines du désert d’Égypte transmise sous le titre de Paradis des Pères, qui est l’un des textes fondateurs du monachisme chrétien. Adoptant le genre du dialogue, Dadisho‘ y répond aux questions de ses frères moines – pas moins de 400 questions dans l’état originel du texte. Héritier des grands maîtres spirituels, tel Évagre le Pontique, chez qui il puise ses sources d’inspiration, il cite bon nombre de passages autrement perdus, notamment de Théodore de Mopsueste.
    Ce volume contient la fin de l'ouvrage (deuxième partie, questions 119 à 291) et les index.

    David Phillips, collaborateur de l’Institut orientaliste de Louvain (Louvain-la-Neuve, Belgique) et de la base de données de texte syriaques lemmatisés GREgORI, a publié plusieurs études sur les auteurs ascéticomystiques syriaques et sur les versions syriaques de la Bible.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Nous ne savons presque rien de la vie de Dadisho‘ Qatraya. Originaire du Beth Qatraya, une région qui correspond aujourd’hui à des parties du Koweit, de l’Irak et de l’Iran, il a vécu au VIIe siècle dans plusieurs monastères. Surnommé « le Voyant », c’est un témoin important de la littérature ascétique et mystique de l’Église syro-orientale qui a connu un essor particulièrement riche au VIIe siècle. De son œuvre, écrite en syriaque, sont conservés le Commentaire sur le Paradis des Pères, le Commentaire sur le Livre d’Abba Isaïe, la collection des Discours sur la quiétude ainsi qu’une lettre, seul témoin connu de sa production épistolaire.
    Presque entièrement inédit jusqu’ici, le Commentaire sur le Paradis des Pères est pour la période ancienne l’unique commentaire continu de cette collection géante regroupant l’Histoire lausiaque de Pallade, l’Histoire des moines en Égypte et les Apophtegmes des Pères. Grâce à David Phillips, chercheur à Louvain, ce sera pour les Sources Chrétiennes la première édition critique d’envergure d’un texte syriaque, avec les avantages et les désavantages d’une editio princeps, non exempte de défauts et de douloureux errata que l’on découvre encore, mais largement méritante. Cette édition est aussi le fruit d’un partenariat avec le Centre Jean Pépin, grâce au concours d’un de ses membres, Laurent Capron.
    Le Commentaire se présente sous forme de dialogue, Dadisho‘ répondant aux questions – pas moins de 399 dans l’état originel du texte – de ses frères. L’ouvrage est divisé en deux grandes parties : la première, comportant 108 questions et réponses (avec une lacune : la question 1 manque dans les manuscrits), couvre les trois premiers livres du Paradis (sous les noms de Pallade et de Jérôme), tandis que la seconde, bien plus développée, avec 291 questions et réponses, couvre le reste des apophtegmes.
    Combinant une grande érudition (avec de précieuses remarques sur l’état du texte et sa réception) et une expérience personnelle de la vie spirituelle, l’auteur dévoile à ses lecteurs le sens des passages les plus obscurs – et dans ces apophtegmes où les Pères élèvent l’ellipse, le paradoxe et la provocation en art spirituel, il n’en manque pas. Héritier des grands maîtres ascétiques, tels Évagre le Pontique ou Marc le Moine, chez qui il puise souvent son inspiration, Dadisho‘ nous conserve bon nombre de passages autrement perdus, notamment de Théodore de Mopsueste, « l’Interprète » par excellence. Si l’on songe que nous ne disposons pas encore d’une édition critique complète du Paradis en syriaque, et encore moins des œuvres de beaucoup d’auteurs grecs cités par Dadisho‘, on peut comprendre le défi que l’identification des sources représente et ce, presque à chaque page du Commentaire : souhaitons que cette publication suscite des recherches qui permettent d’aller plus loin à cet égard. Du moins, pour les apophtegmes, a-t-on cherché à indiquer autant que possible les références à la collection systématique ou à l’alphabétique, pour le lecteur habitué à les lire dans Sources Chrétiennes ou dans d’autres traductions.
    Le premier tome (SC 626) contient l’introduction et les 108 questions de la première partie. Dadisho‘ commence par aborder la hiérarchie des modes de vie, privilégiant évidemment celui des moines par rapport à celui des séculiers – même s’il est très vertueux –, et mettant le moine qui observe une quiétude parfaite au-dessus même du moine le plus serviable et utile. Ce qui n’empêche pas Dadisho‘ d’être lucide et même mordant vis-à-vis de ses frères, « idiots présomptueux » qui murmurent contre les frères, soit malades, soit adonnés la quiétude, qu’ils doivent servir :
    Il faut que ces sots comprennent que si, dans un monastère de frères, il n’y a personne qui demeure dans la quiétude, de frères malades qui rendent grâce ou de vieillards infirmes, alors tout le travail de ceux qui servent devient un travail séculier sans récompense, c’est-à-dire qu’il est largement inférieur à celui des séculiers, parce que ceux-là travaillent pour leurs femmes, leurs enfants et les rois et font l’aumône aux nécessiteux ; ceux-ci, par contre, ne servent qu’eux-mêmes, et ainsi les séculiers leur sont bien meilleurs.
    La réponse à la question 100, prolongeant la question 92 où les frères demandaient pourquoi il y avait beaucoup moins de moines de leur temps (déjà !), est un sacré morceau de diatribe ! D’autres sont plus didactiques : « Combien y a-t-il de pères qui portaient le nom de Macaire » – une question (la 23 en l’occurrence) délicate à vrai dire, et qui se complique encore pour les patrologues confrontés aux écrits du Pseudo-Macaire. D’autres recèlent des informations plutôt rares, ainsi la question 34 sur les melchisédéchiens (qui voyaient dans l’antique prêtre un fils de Dieu et sur lesquels revient la question 63), avec une mention, trop allusive, du Livre des trésors de Barhadbshabba le Docteur. Certaines touchent à la mystique, comme la question 41 sur les « partants », ainsi appelés parce qu’ils « partent de la terre par leur intellect jusqu’au ciel ». D’autres encore sont faussement anecdotiques : « pourquoi le radieux abba Macaire ne cracha-t-il pas par terre pendant soixante ans ? » (qu. 27) Ou pourquoi Eustathe était-il si desséché par l’ascèse « que l’on voyait le soleil à travers ses côtes » (qu. 33) ? Ou comment Évagre mit en fuite le démon de la fornication en se tenant debout, tout nu, en plein hiver dehors pendant toute la nuit – notons que contre le démon du blasphème, il lui a fallu prolonger cet exploit pas moins de quarante jours ? Le lecteur moderne sera surpris, dans la même question 51, d’apprendre qu’abba Zénon se tint les bras en croix en plein soleil pendant cinq jours pour vaincre le démon de la gourmandise excitant en lui la pensée de manger… un simple concombre. Certaines questions touchent à des problèmes profonds, comme la justice divine et la chute des plus grands ascètes, dans la question 72*** ; aux frères lui demandant : « Qu’est-ce que le contraire de Dieu ? », Dadisho‘ répond en mettant à profit sa culture philosophique : l’orgueil, car « Dieu n’est pas l’opposé des orgueilleux, mais leur contraire, car un opposé ne fait pas disparaître son opposé équivalent », et « le plus orgueilleux des orgueilleux est l’Antéchrist ». À vrai dire, ce Paradis des Pères se révèle un véritable enfer, celui du combat contre les démons, et mériterait bien d’être appelé « Art de la guerre spirituelle » !
    La deuxième partie, dans les deux autres tomes (SC 627-628), couvre 291 questions, en 14 rubriques : A. Sur la fuite des hommes, la quiétude et le séjour constant en cellule ; B. Sur le jeûne, l’abstinence, les autres labeurs et l’ascèse ; C. Sur la lecture des Écritures, la veille et la prière D. Sur la manière correcte d’avoir de la componction et de la peine pour nos péchés ; E. Sur la pauvreté volontaire ; F. Sur l’endurance ; G. Sur l’obéissance envers Dieu et envers nos pères ; H. Sur la vigilance attentive dans les pensées, les paroles et les actes ; I. Sur l’amour, la miséricorde et l’accueil des étrangers ; J. Sur l’humilité ; K. Sur la guerre de la fornication ; L. Sur le repentir ; M. Sur les thaumaturges ; N. Sur les visionnaires ; O. Discours général des pères concernant toutes sortes de vertus. La section L, avec la question 179, ouvre le tome III, qui se clôt sur plus de 90 pages d’index, au terme d’un travail éditorial inédit à plus d’un titre qui ouvre la voie à d’autres volumes syriaques déjà prévus.

    Errata

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