• SC 622

    Athanase d'Alexandrie

    Tome aux Antiochiens. Lettres à Rufinien, à Jovien et aux Africains

    janvier 2022

    Texte critique de H.C. Brennecke, U. Heil, C. Müller, A. von Stockhausen et A. Wintjes (Athanasius Werke II, 8 et III, 1, 4)  — Introduction, traduction et notes par Annick Martin et Xavier Morales.

    Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient et du Centre National du Livre.
    Révision assurée par Catherine SyreGuillaume Bady.
    ISBN : 9782204145374
    291 pages

    Les mots de la foi peuvent-ils différer si la foi est la même? Une petite mise en scène, par le grand Athanase

    Présentation

    En 360, pour l’évêque d’Alexandrie, le salut des croyants est en jeu : « homéenne », la foi officielle de l’empire romain en 360 reconnaît au Christ une simple « ressemblance » avec le Père. Athanase tente donc de reconstruire l’unité de l’Église autour de la foi définie au concile de Nicée en 325, disant le Fils « consubstantiel » au Père. Après le synode d’Alexandrie qu’il convoque en 362, il écrit aux Antiochiens un « tome », c’est-à-dire une lettre officielle, alors que s’opposent à Antioche plusieurs tendances. Parmi les homéens modérés, Mélèce réunit un synode en 363 qui réinterprète le « consubstantiel » nicéen ; il en adresse le résultat à l’empereur Jovien, passant outre Athanase qui réagit en dénonçant cette interprétation dans sa Lettre à Jovien sur la foi.
    Deux autres lettres complètent le dossier : la Lettre à Rufinien, sur la réintégration des clercs qui ont signé la formule de 360, et la Lettre aux Africains, rejetant les positions homéennes du synode de Rimini (359). En annexes sont aussi traduits plusieurs documents du dossier.
    L’ensemble offre à voir comment le grand Alexandrin défend l’idée que « Nicée suffit », tout en faisant évoluer la foi trinitaire, en particulier sur le Saint-Esprit.

    Annick Martin, professeur émérite d’histoire ancienne à l’Université de Rennes 2, est spécialiste d’Athanase, auquel elle a consacré plusieurs livres, dont Athanase d’Alexandrie et l’Église d’Égypte au IVe siècle (328-373), Rome 1996. Elle a déjà contribué dans la collection à deux volumes d’Athanase (SC  317, 563), ainsi qu’à l’Histoire ecclésiastique de Théodoret de Cyr (SC 501 et 530).
    Xavier Morales est assistant à la Pontificia Universidad Católica de Santiago du Chili. Auteur d’une thèse sur la Théologie trinitaire d’Athanase d’Alexandrie (EAA 180, Paris 2006), dans la collection il a publié avec A. Martin la Lettre sur les synodes d’Athanase (SC 563).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Heureux compagnon de parution de la Lettre sur les synodes d’Hilaire, le 10e volume d’Athanase dans la collection s’inscrit dans la suite du numéro 563, qui publiait la lettre du synode homéousien d’Ancyre de 358, le Traité sur la foi de Basile d’Ancyre de 359 et la Lettre sur les synodes de Rimini et de Séleucie de 359 d’Athanase. Il est signé, une nouvelle fois, d’Annick Martin, qui a rédigé l’introduction historique générale, et de Xavier Morales, à qui l’on doit les introductions spécifiques ; la traduction annotée est à quatre mains, sur la base du texte grec des Athanasius Werke, moyennant quelques rares corrections.

    L’« action » reprend ici en janvier 360, quand le synode constantinopolitain convoqué par l’empereur Constance établit l’homéisme, tenant le Fils pour « semblable » (homoios) au Père, comme foi officielle de l’empire. De retour d’exil après la mort de Constance, Athanase réunit un synode à Alexandrie (sans doute après mars 362) pour défendre à nouveau la foi « homoousienne » définie au concile de Nicée en 325, disant le Fils « consubstantiel » (homoousios) au Père. Il rédige ensuite un document adressé aux Antiochiens : un « tome », c’est-à-dire, plus qu’une simple lettre, un document officiel appelant les évêques à y souscrire. Pourquoi Antioche ? Ce siège convoité et influent est officiellement tenu par Euzoios, un homéen radical, alors que les homéens modérés, parmi lesquels des « homéousiens » (pour qui le Fils est « semblable en substance » au Père), ont Mélèce pour évêque et que les nicéens, appelés eustathiens, du nom d’Eustathe, ancien évêque de la ville, sont bientôt menés par Paulin. La manœuvre de l’Alexandrin vise à gagner l’adhésion des méléciens à la foi de Nicée, tout en se méfiant de Mélèce lui-même, suspecté de ne pas être sincère.

    Mélèce réagit en réunissant un synode à Antioche en 363, regroupant d’anciens homéens et homéousiens prêts à reconnaître le « consubstantiel » (homoousios) nicéen interprété selon leur propre sensibilité ; il envoie la lettre synodale à l’empereur Jovien, court-circuitant ainsi les efforts d’Athanase. Celui-ci réplique par la Lettre à Jovien sur la foi, dénonçant l’interprétation du symbole de Nicée faite par le synode, qu’il juge erronée.

    À ces deux textes d’Athanase, deux autres sont joints. Le court texte de la Lettre à Rufinien expose les conditions de réintégration, sans doute en 362, des clercs qui avaient signé la formule homéenne de 360. La Lettre aux évêques Africains, quant à elle, appelle ceux-ci à rejeter les formules homéennes du synode de Rimini, avec un slogan très net : « Nicée suffit. »

    Ces deux mots peuvent servir de fil directeur à ces écrits, trop souvent interprétés comme témoignant, avec le Tome, de ce qui serait une ouverture d’Athanase vis-à-vis des homéousiens, puis d’une sorte de retour en arrière. X. Morales le dit bien : « Contrairement à ce que prétendent de nombreux chercheurs, le Tome ne formule pas pour la première fois une théologie trinitaire de l’unique substance en trois hypostases » (p. 92). Dans son résumé de la position des méléciens et des eustathiens, avec un double interrogatoire littéraire, on reconnaît sa tendance à réutiliser ses anciennes argumentations : le procédé attribue de supposés arguments à ses adversaires, alors qu’ils n’ont pas encore été utilisés par ceux-ci !

    Si Athanase s’en tient coûte que coûte à la formule de foi de Nicée, la nouveauté qu’il apporte dans le débat trinitaire, commencée dans les Lettres à Sérapion, porte sur l’introduction claire d’un complément pneumatologique, fondant une Trinité d’une seule nature divine. Il contribue ainsi à faire évoluer l’interprétation du symbole, en préparant indirectement la reconnaissance de la divinité de l’Esprit lors du concile de Constantinople I en 381.

    Comme les auteurs le soulignent dans leur avant-propos (p. 7), ce volume « possède un double intérêt : il permet de suivre dans le détail les péripéties qui ont mené à la formation d’une majorité (néo-)nicéenne échappant au contrôle d’Athanase ; il renseigne sur les débats théologiques d’où naîtra la doctrine trinitaire des Cappadociens – une substance, trois hypostases. » Drôle de publicité, qui pointe ce qui pourrait être interprété comme un double désaveu de l’Alexandrin ! En réalité, comme on le sait, les Cappadociens se sont réclamés d’Athanase, et, malgré son échec, le Tome aux Antiochiens demeure aujourd’hui un chef-d’œuvre herméneutique pour l’interprétation des positions autour de l’emploi des mots « substance » ou « hypostase ».

    Cette compréhension des enjeux historiques et théologiques est encore facilitée ici par l’ensemble du dossier proposé. Des annexes présentent en effet la traduction de documents connexes importants : la synodale d’Antioche de 363 ainsi que ses signataires, les destinataires de la lettre de Libère de 366 (laquelle permet de les identifier comme des homéousiens opposés à l’homéisme), trois documents eustathiens (fragment d’une lettre à Athanase, Lettre catholique et Réfutation de l’hypocrisie de Mélèce et d’Eusèbe de Samosate contre le consubstantiel). Une chronologie des événements, deux cartes et plusieurs index complètent l’ensemble.

    G. Bady et C. Syre

     

    Catherine Syre

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