• SC 609

    Anonyme

    Actes et passions des martyrs militaires africains

    décembre 2020

    Introduction, texte critique et notes par Juri Leoni. — Traduction par Paul Mattei.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre.
    Révision assurée par Isabelle Brunetière.
    ISBN : 9782204138352
    365 pages

    «Il ne m’est pas permis d’être soldat, parce que je suis chrétien» : cinq «objecteurs» vont jusqu’au martyre.

    Présentation

    Afrique du Nord, fin IIIe – début IVe siècle. À l’aube de la persécution de Dioclétien, une purge vise les chrétiens dans l’armée. Cinq soldats sont ainsi amenés à se déclarer chrétiens après avoir, au nom de leur foi, refusé d’exécuter des ordres : Maximilien de Théveste, jeune recrue ; le centurion Marcel de Tingis ; Cassien de Tingis, greffier au procès de Marcel ; le vétéran Typasius de Tigava, devenu moine ; enfin, Fabius de Césarée de Maurétanie, jeune porte-enseigne. Tous seront jugés, condamnés à mort, puis exécutés.
    S’inscrivant dans la tradition plus ancienne du traité Sur la couronne (De corona) de Tertullien, les Actes et Passions de ces cinq martyrs les campent en héros, selon les codes hagiographiques et littéraires, tout en relatant de manière assez fiable la procédure judiciaire, les faits et les propos. Reflétant la vie et la spiritualité des chrétiens d’Afrique à cette époque, ils sont significatifs aussi des rapports entre l’État et la religion : à cet égard, ils constituent une première théorisation d’une forme de neutralité religieuse de la sphère politique, entre le domaine du citoyen (ou du soldat) et celui du croyant. Le conflit naît, pour le soldat chrétien, de la rivalité entre religion citoyenne (ou impériale) et religion personnelle, entre culte de l’empereur et culte de Dieu, entre appartenance à l’armée et appartenance à la communauté chrétienne.

    Juri Leoni, ofm, a obtenu son doctorat à l’Institutum Patristicum Augustinianum de Rome ; il est actuellement membre du Collegium Sancti Bonaventurae – International Center for Franciscan Studies and Research et professeur invité de Patrologie à la Pontificia Universitas Antonianum de Rome.
    Paul Mattei, professeur émérite à l’Université Lumière-Lyon 2 et professeur invité à l’Augustinianum, à Rome, est spécialiste de la littérature latine ancienne – en particulier de Tertullien, dont il a édité Le mariage unique et, en collaboration, Le voile des vierges et De l’âme (SC 343, 424 et 601).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    « Au temps des empereurs Dioclétien et Maximien, la religion chrétienne était encore une petite chose et par presque toute la terre des guerres avaient éclaté » : ainsi commence la Passion de Typasius (p. 255). C’est en effet aux alentours de la Grande persécution, entre 303 et 311, que se rattachent les actes et passions rassemblés dans ce volume.
    Les cinq textes réunis, donnés ici dans une nouvelle édition critique – la Passio sancti Maximiliani (BHL 5813), les Acta sancti Marcelli (BHL 5253-5255a, en deux recensions), la Passio sancti Cassiani (BHL 1630), la Passio sancti Typasii (BHL 8354) et enfin la Passio sancti Fabii (BHL 2818) – forment un ensemble cohérent : géographique (l’Afrique du Nord), chronologique (l’aube du IVe siècle), sociologique (à la fois l’armée romaine et les chrétiens d’Afrique). Les martyrs exerçaient, en effet, différentes fonctions au sein de l’armée, allant de la jeune recrue (Maximilien de Théveste) au vétéran (Typasius de Tigava), en passant par le porte-enseigne (Fabius de Césarée de Maurétanie), ou encore le greffier militaire (Cassien de Tingis). Quant à Marcel de Tingis, il était centurion de premier rang. Tous, à un moment donné, ont été amenés à se déclarer chrétiens, après avoir refusé d’exécuter des ordres, ou, plus généralement, après avoir témoigné publiquement d’une insoumission perçue comme inacceptable dans un contexte militaire : ainsi, le jeune Maximilien refuse de s’enrôler ; Marcel jette ses armes et son équipement à terre lors d’une cérémonie en l’honneur de l’empereur ; Cassien, présent en tant que secrétaire au procès de Marcel, proteste contre la sentence infligée au centurion, en jetant son stylet et sa tablette ; le vétéran Typasius, devenu moine, refuse de sacrifier alors qu’il se voit rappelé dans la légion ; enfin, Fabius refuse de défiler avec l’étendard à l’effigie de l’empereur, lors d’une procession militaire, parce qu’il porte « l’étendard triomphant de la croix du Christ ». Tous seront jugés, condamnés à mort, puis exécutés.
    Ces écrits martyriaux comportent, d’une part, une dimension narrative, qui met en scène, sous forme de récit et de dialogues, la manière dont le martyr a été exécuté, en soulignant son caractère héroïque ; ils décrivent, d’autre part, la procédure judiciaire et la condamnation du martyr, à partir de sources juridiques, et retranscrivent avec une relative fidélité les propos tenus par les parties en présence.
    L’intérêt de ces textes, relativement courts, n’est pas uniquement d’ordre littéraire. Certes, ils offrent une élaboration littéraire (avec plus ou moins de recherche selon les textes) de thèmes hagiographiques communs au genre (la fermeté du martyr face à ses juges, les miracles qui se produisent après sa mort, le culte dont il fait ensuite l’objet, etc.), les rédacteurs s’étant d’ailleurs inspirés de passions antérieures (en particulier africaines), ou de grands auteurs, comme Tertullien et Cyprien. On peut également y retrouver des connotations épiques, virgiliennes en particulier.
    Mais l’apport de ces textes est bien plus diversifié, en tant que témoignages historiques : on discerne la description réaliste d’un monde, celui de la légion, le fonctionnement des juridictions administratives, la vie des chrétiens d’Afrique. Ces récits sont aussi le reflet d’une spiritualité, contemporaine de sa composition, qui nous renseigne sur la place importante que tient le culte des martyrs dans la religiosité du IVe siècle.
    Sur le plan théologique, ces textes étant destinés à une large diffusion auprès des fidèles, leur vocation est avant tout de nature pastorale ; ils visent à promulguer, en temps de persécution, une théologie du martyre qui soit équilibrée : en effet, le martyre ne devait ni être refusé ni être recherché volontairement.
    Sur le plan de la réflexion théorique aussi, la contribution de ces textes est essentielle dans la problématique des rapports entre l’État (représenté par les autorités militaires et judiciaires romaines) et la religion (qu’il s’agisse de la croyance individuelle ou de la pratique du culte). La présence de chrétiens dans la légion étant bien attestée pour les trois premiers siècles, le conflit, pour le soldat chrétien, entre les deux « appartenances » suit l’évolution de l’empire lui-même, à travers sa christianisation, avec des crises pendant les périodes de persécution ou de luttes contre les hérésies. Tertullien théorisa ce débat dans le libelle Sur la couronne du soldat. Plusieurs données sont à prendre en compte : l’interdiction de faire couler le sang – « Je ne peux pas être soldat ; je ne peux pas faire le mal ; je suis chrétien », s’écrie Maximilien (p. 123) – et l’interdiction de l’idolâtrie, toutes deux pouvant entrer en contradiction avec à la fois les exigences du métier de soldat et son mode de vie. En particulier, le refus du culte impérial pratiqué dans les camps de légionnaires pouvait s’apparenter à une forme grave de rébellion. Toutefois, la loyauté envers l’État n’était pas nécessairement remise en cause, les situations étant complexes selon la période envisagée (ainsi l’Église se tournera vers le bras séculier dans le contexte de la lutte contre les hérésies). On assiste ainsi à une première théorisation d’une forme de neutralité religieuse de la sphère politique, délimitant des domaines distincts, celui du citoyen (ou du soldat) et celui du croyant. Le conflit naît, pour le soldat chrétien, de la rivalité entre religion citoyenne (ou impériale) et religion personnelle, entre culte de l’empereur et culte de Dieu, entre appartenance à la communauté chrétienne et appartenance à l’armée. « Je ne suis pas soldat du monde, mais soldat de mon Dieu », clame Maximilien (p. 123-125).

    Isabelle Brunetière et Guillaume Bady

     

    Errata

    Page Localisation Texte concerné Correction Remarques
    13 5 ni qu'il fasse ni qu'il ne fasse proposé par P. Mattei
    15 14-15 La couronne du soldat La couronne proposé par P. Mattei
    24 6 Durostrum Durostorum proposé par P. Mattei
    29 21 circonspects circonspect proposé par P. Mattei
    33 9 il était probable il est probable proposé par P. Mattei
    42 21-22 martyres (bis) martyrs (bis) proposé par P. Mattei
    80 20 funktionen Funktionen proposé par P. Mattei
    81 22 L’isola dei martiri L’isola dei santi proposé par P. Mattei
    82 28 Saumage Saumagne proposé par P. Mattei
    84 13 Soviera Manelli Soveria Manelli proposé par P. Mattei
    84 28 Costantini Costantino proposé par P. Mattei
    85 8 Piside Pisidie proposé par P. Mattei
    96 14 εἶπειν εἶπεν proposé par P. Mattei
    98 1 reléverait relèverait proposé par P. Mattei
    104 15 « donatisticisée » « donatistisée » proposé par P. Mattei
    127 Pass. Max. 1, 10 Ils savent À eux de savoir proposé par P. Mattei
    179 Act. Marc. (A) 1, 1  j’ai clairement répondu j’ai répondu d’une voix distincte proposé par P. Mattei
    189 Act. Marc. (B), 1, 1  j’ai clairement répondu j’ai répondu d’une voix distincte proposé par P. Mattei
    190 Act. Marc (B) 2, 1  Fortunatus praeses

    Marcellum ex centurionibus

    Fortunatus praeses

    proposé par P. Mattei
    199 13-14 pour parvenir avec certitude à l’identification de leurs auteurs pour parvenir à établir avec certitude l’identité d’auteur proposé par P. Mattei
    208 4 le même nombre de patrons des villes respectives le même nombre de patrons d’autres villes, à raison d’un par ville proposé par P. Mattei
    209 9 le martyre le triomphe proposé par P. Mattei
    213 7 in carcerem retrudi in carcere retrudi proposé par P. Mattei
    217 Pass. Cass. 1, 1 Comme il était greffier militaire alors qu’Aurelius Agricolanus exerçait la fonction de substitut des préfets du prétoire, le bienheureux Cassien, dans le temps que saint Marcel allait se voir décerner le titre de martyr, servait dans son personnel Le bienheureux Cassien, greffier militaire alors qu’Aurelius Agricolanus exerçait la fonction de substitut des préfets du prétoire, servait parmi le personnel de celui-ci dans le temps que saint Marcel allait se voir décerner le titre de martyr. proposé par P. Mattei
    221 Pass. Cass. 8 fût saisi fût colleté proposé par P. Mattei
    227 13 une partie de chasse rocambolesque une partie de chasse mouvementée proposé par P. Mattei
    229 22 Théodore Théodose proposé par P. Mattei
    232 3-4 post aliquot autem tempore post aliquod autem tempus

    proposé par P. Mattei

    cf. p. 268

    239 n. 1, l. 3 L’isola dei martiri L’isola dei santi proposé par P. Mattei
    242 18 dans le sens d’ermite dans le sens d’ermitage proposé par P. Mattei
    245 5 Durostrum Durostorum proposé par P. Mattei
    245 n. 3, l. 2 soient punis de fussent tués à proposé par P. Mattei
    250 8 donner à l’expression tel sens donner à l’expression un tel sens proposé par P. Mattei
    251 14 ludus bestiarorum ludus bestiariorum proposé par P. Mattei
    256 Pass. Typ. 1, 1  dans les contrées gauloises aussi, les Bagaudes sévissaient cruellement dans les contrées gauloises les Bagaudes sévissaient de même cruellement proposé par P. Mattei
    268 Pass. Typ. 3, 1  Post aliquot autem tempore Post aliquod autem tempus proposé par P. Mattei
    268 Pass. Typ. 3, 1, app.crit. l. 3 III, 2 pergerent L III, 1 post aliquod autem tempus correxi || 2 pergerent L proposé par P. Mattei
    282 12 résidait résidaient proposé par P. Mattei
    282 n. 7, l. 2 de laquelle des deux provinces il s’agit de laquelle des deux provinces, Tingitane ou Césarienne, il s’agit proposé par P. Mattei
    291 18 des empereurs Gordien III de Gordien III proposé par P. Mattei
    293 6-7 on ne voit pas comment ils auraient pour effet de conduire Fabius à sacrifier avec de l’encens (II, 2). on ne voit pas en quoi ils auraient pu contribuer à la condamnation de Fabius, exécuté non pas pour refus de sacrifice (II, 2) mais pour rejet des enseignes proposé par P. Mattei
    294 11 Beati Hildefondi Beati Hildefonsi proposé par P. Mattei
    295 8 aurisque famulantibus auris… famulantibus proposé par P. Mattei
    312 3 El Elscorial El Escorial proposé par P. Mattei
    320 Pass. Fab. 3, 1 matyr martyr proposé par P. Mattei
    335 Pass. Fab. 6, 4  je recevrai autant je recevrai en retour autant proposé par P. Mattei
    335 Pass. Fab. 7, 1 demander avec fermeté de recevoir demander avec fermeté à recevoir proposé par P. Mattei
    343 Pass. Fab. 9, 7  qui d’ordinaire apportait sur les côtes les ressources marines qui fournissait d’ordinaire les côtes en ressources marines proposé par P. Mattei
    347 Pass. Fab. 10, 4 

    Cependant, la mer calmée, pour le corps consacré, s’allonge

     

    la surface égale de la mer

    La mer calmée, cependant, pour le corps consacré s’allonge

     

    la surface égale de l’eau

    proposé par P. Mattei

     

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