• SC 607

    Libératus de Carthage

    Abrégé de l’histoire des nestoriens et des eutychiens

    octobre 2019

    Texte latin de E. Schwartz. Introduction et notes de Philippe Blaudeau. Traduction de François Cassingena-Trévedy, o.s.b. et Philippe Blaudeau.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre.
    Révision assurée par Isabelle Brunetière.
    ISBN : 9782204134156
    445 pages

    Une source historique majeure sur plus d'un siècle de controverses théologiques (428-544), par un Carthaginois, peu avant 566.

    Présentation

    Écrit par Libératus, diacre de Carthage, ce Breviarium traite en 24 chapitres des controverses christologiques en Orient, depuis la prédication de Nestorius jusqu’à la promulgation du 1er édit de Justinien contre les Trois Chapitres (428-544). Condensé original d’informations ecclésiastiques d’une richesse rare, ce récit, composé en latin sans doute peu avant 566, forme un objet historiographique plutôt insolite. Libératus ne semble pas toujours tenir la concision de l’« abrégé » pour une exigence première. Mieux, il paraît s’inspirer du modèle des Histoires ecclésiastiques, jusqu’à citer in extenso des documents majeurs, pour mieux saper, avec discrétion, les fondements de la politique impériale visant à condamner Théodore de Mopsueste et certains écrits de Théodoret de Cyr ou Ibas d’Édesse. Car l’œuvre est partiale et même partisane : Libératus, lui-même impliqué directement dans la phase ultime du conflit, entend rendre justice à la conception strictement chalcédonienne des deux natures du Christ, en proposant une lecture alternative de l’héritage de Cyrille d’Alexandrie. Il témoigne ainsi d’une vision originale de l’Église qui ne se réduit pas à celle de Rome ou d’Alexandrie.
    Ici traduit pour la première fois en français, l’Abrégé constitue une source majeure et une clé nouvelle pour comprendre cette période mouvementée du christianisme ancien.

    Philippe Blaudeau, Professeur en histoire romaine à l’Université d’Angers, est l’auteur de nombreux travaux sur le christianisme tardo-antique, dont Alexandrie et Constantinople (451-491). De l’histoire à la géo-ecclésiologie et Le Siège de Rome et l’Orient (448-536). Étude géo-ecclésiologique, parus à Rome en 2006 et 2012.

    Le Frère François Cassingena-Trévedy, moine de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé, est maître de conférences à l’Institut Catholique de Paris. Il a publié dans la collection Sources Chrétiennes plusieurs œuvres d’Éphrem (nos 459 et 502).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    L’histoire enfin écrite par les « vaincus », ou plus d’un siècle d’histoire doctrinale complexe vu sous une nouvelle lumière : tel est l’intérêt, exceptionnel, de l’Abrégé de l’histoire des nestoriens et des eutychiens écrit par Libératus. Ce diacre de Carthage est connu essentiellement par ce Breviarum latin qu’il a composé sans doute peu avant 566. Le texte traite en 24 chapitres des controverses christologiques en Orient, depuis la prédication de Nestorius jusqu’au 1er édit promulgué par Justinien contre les Trois Chapitres (428-544).
    En tant que narration, loin d’être neutre, l’œuvre est partisane, puisque Libératus a été lui-même impliqué directement dans la phase ultime du conflit. Libératus, « pérégrinant » entre Occident et Orient, montre une connaissance des événements rare parmi ses contemporains, clercs ou laïcs, de Proconsulaire et des autres provinces d’Afrique, qui avaient quant à eux été très largement tenus à l’écart. Le propos de l’auteur est de rendre justice à la christologie antiochienne des deux natures du Christ et d’offrir une clef de lecture des condamnations et des brutalités subies, qui d’après lui trouvent leur origine dans les effets du penchant par trop spéculatif de la théologie alexandrine.
    D’un point de vue historiographique, cet objet littéraire est bien curieux et difficile à qualifier. Plus de 120 pages pour un « abrégé » ? Loin d’être une version « courte » d’un ouvrage plus long, c’est un condensé original puisant à diverses sources, qui tient à la fois des Histoires ecclésiastiques – mêlant apologétique et rigueur dans la citation de documents intégraux –, des bréviaires canoniques par lesquels l’Église d’Afrique fondait sa position, et du guide de pèlerin : les chrétiens d’Afrique latine auxquels le Carthaginois s’adresse étaient, en effet, susceptibles de se perdre dans les méandres d’une histoire complexe – presque exotique pour eux – et d’en ignorer les enjeux. Est-il utile en l’espèce de comparer leur situation à celle des lecteurs modernes ?
    Le volume est sans précédent en tant qu’il fait connaître une œuvre souvent ignorée en raison de la difficulté du sujet et de l’absence de traduction. Or l’œuvre a plus d’un intérêt. À la fois malgré son caractère partisan et grâce à lui, elle constitue une mine d’informations de première main et un témoignage majeur de l’époque durant laquelle la querelle christologique ne cesse de faire rage. En illustrant une appropriation divergente des troubles doctrinaux qui ont suivi les conciles d’Éphèse (431) et de Chalcédoine (451), l’Abrégé propose aussi une intelligence nouvelle de l’Église par rapport à la vision romaine. Une « géo-ecclésiologie » alternative, qu’illustrent plusieurs cartes originales, un tableau des empereurs et des évêques, ainsi que des index.
    En rendant enfin accessible une source majeure et indispensable – elle est pour la première fois traduite en français, sur la base du texte excellemment édité par Eduard Schwartz dans les Acta conciliorum oecumenicorum –, le volume complète opportunément dans la collection les cinq volumes que remplit la Défense des Trois Chapitres de Facundus d’Hermiane (SC 471, 478, 479, 484 et 499). Il entre en résonance également avec les Histoires ecclésiastiques ainsi qu’avec les écrits de Théodoret de Cyr, pour enrichir les sources historiques et doctrinales des Ve et VIe siècles.

    Guillaume Bady

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Abrégé de l’histoire des nestoriens et des eutychiens

    Écrit par Libératus, diacre de Carthage, ce Breviarium traite en 24 chapitres des controverses christologiques en Orient, depuis la prédication de Nestorius jusqu’à la promulgation du 1er édit de Justinien contre les Trois Chapitres (428-544). Condensé original d’informations ecclésiastiques d’une richesse rare, ce récit, composé en latin sans doute peu avant 566, forme un objet historiographique plutôt insolite. Libératus, capable de lire et de traduire la documentation en grec, paraît s’inspirer du modèle des Histoires ecclésiastiques, jusqu’à citer in extenso des documents majeurs, pour mieux saper les fondements de la politique impériale visant à condamner Théodore de Mopsueste et certains écrits de Théodoret de Cyr ou Ibas d’Édesse. Sans doute aussi Libératus souffrit-il de ne pouvoir retrouver sa place dans l’appareil ecclésial carthaginois, après que son nouveau chef, Primosus, eut admis la condamnation des Trois Chapitres.

    La controverse doctrinale qui affecte l’Église entre Ve et VIe siècles dans la partie orientale de l’Empire oppose deux écoles de pensée, Alexandrie et Antioche, deux personnalités, Cyrille d’Alexandrie et Nestorius de Constantinople, avec des interprétations christologiques (la question de l’unité du Christ dans la dualité de ses appartenances divine et humaine) et des conceptions exégétiques différentes (l’une plus allégorique, l’autre plus littérale).

    L’œuvre est partiale et même partisane, Libératus se trouvant du côté des défenseurs des Trois Chapitres : lui même impliqué directement dans la phase ultime du conflit, il entend rendre justice à la conception strictement chalcédonienne des deux natures du Christ, en proposant une lecture alternative de l’héritage de Cyrille d’Alexandrie. Il témoigne ainsi d’une vision originale de l’Église qui ne se réduit pas à celle de Rome ou d’Alexandrie.

    Extrait(s)

    I. « Épuisé par les difficultés du voyage et l’esprit relativement dégagé des soucis du temps, j’ai composé cette brève histoire de deux hérésies, à savoir celle des nestoriens et celle des eutychiens, en empruntant à une histoire ecclésiastique récemment traduite du grec en latin, à des actes synodaux ainsi qu’à des lettres des saints Pères. J’y ai associé cette série d’événements que j’ai recueillie dans un écrit grec d’Alexandrie ou que j’ai apprise par le récit digne de foi des hommes les plus sérieux. Je l’ai fait pour ma propre information et en vue de répondre aux pourvoyeurs de mensonges de chacun des deux partis, que leur zèle porte habituellement à affirmer sur le compte de leurs garants autre chose que le contenu véritable des faits. J’offre volontiers l’ouvrage aux frères catholiques qui, dans l’ignorance relativement à ces hérésies, désirent en lire l’histoire. » (p. 131-133)

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