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SC 604
Timothée
Sur la Pâque
novembre 2019Introduction, texte, traduction, notes et index par Pierre Chambert-Protat et Camille Gerzaguet.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre.Révision assurée par Guillaume Bady.ISBN : 9782204131582206 pagesUn inédit du 4e siècle dévoilant le sens de la date de PâquesPrésentation
Découvert dans un manuscrit de Montpellier, le Livre de l’évêque Timothée sur la Pâque est une source inédite d’une richesse exceptionnelle sur un sujet mal connu et complexe : les controverses pascales du début du IVe siècle en Orient. Cette lettre pastorale, rédigée en grec par un certain évêque Timothée à une communauté non identifiable, et transmise en latin, constitue une source de premier plan concernant quatre déviances relatives aux célébrations de Pâques, déviances dont elle atteste la présence en Anatolie dans le premier quart du IVe siècle : l’une d’entre elles n’avait même jusqu’ici jamais été répertoriée. À travers elles, l’auteur laisse aussi entrevoir une situation politique complexe, que ce soit dans les relations entre communautés chrétiennes, entre chrétiens et juifs, ou encore entre christianisme et administration civile.
La présence d’un extrait de l’ouvrage dans les carnets de saint Augustin illustre quant à elle son rôle dans l’histoire des textes et l’importance de la question pascale en termes non seulement de calendrier liturgique, mais aussi d’identité religieuse et d’exégèse.Pierre Chambert-Protat, membre de l’École française de Rome, est l’auteur d’une thèse sur Florus de Lyon (EPHE – Lyon 2, 2016) et a publié plusieurs ouvrages sur cet auteur et sur la période carolingienne.
Camille Gerzaguet, maître de conférences en langue et littérature latines à l’Université Paul Valéry – Montpellier 3, a publié sa thèse dans la collection (Ambroise de Milan, La fuite du siècle, SC 576), ainsi que plusieurs travaux sur Florus de Lyon et sur les traditions exégétiques et philosophiques chez les Pères latins.Le mot du directeur de Collection
Découvert en 2017, le Livre de l’évêque Timothée sur la Pâque est inédit. Son auteur pourrait être Timothée de Cybistra (en Cappadoce), présent au concile de Nicée en 325, dont on ne connaît pas d’autre écrit et dont l’identification reste hypothétique.
Rédigée en grec, semble-t-il, et adressée à une communauté inconnue, cette lettre pastorale a été transmise en latin, puis copiée pour Florus de Lyon en 848 dans un manuscrit aujourd’hui conservé à la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Montpellier – notre unique témoin complet du texte. Un extrait de l’ouvrage dans le Liber XXI Sententiarum d’Augustin vient étayer l’établissement du texte, en même temps qu’il témoigne de l’influence du Liber Timothei, malgré – inutile d’essayer de le nier, même s’il y a des efforts d’élégance – l’exécrable qualité de son latin.
S’il est antérieur au concile de Nicée, à partir duquel la date de Pâques tend à s’uniformiser, et appartient à une époque pour laquelle nous manquons de sources, le Liber Timothei constitue, malgré sa brièveté (21 paragraphes), un document de premier ordre sur un sujet mal connu et complexe : les controverses pascales du début du IV e siècle en Orient, plus particulièrement en Anatolie.
Son introduction est pour le moins vigoureuse. Il commence par une exhortation à « faire des progrès dans la foi » : « Car le terme de la félicité qui nous est promise, écrit-il, ne connaît pas de bornes : nul ne peut se contenter de l’état de sa foi. Au contraire : l’exigence de la foi, c’est toujours, pour ainsi dire, de s’accroître et de bâtir plus haut son faîte, car elle est sans entrave » (§ 2 p. 133). Or en quoi consiste ce progrès ? Loin du « progressisme » attendu, Timothée enchaîne sans sourciller : « Ainsi à la règle de foi, à l’ordre des sacrements, à la tradition des apôtres, à la vérité inaltérée des Évangiles, il n’y a rien à ajouter, puisque de toute façon il n’y a rien à changer. » En somme, le progrès dans la fidélité à la tradition. Une tradition qui, pour notre auteur, est celle qui consiste à fêter Pâque le dimanche après la Pâque juive – moyennant une correction du calendrier –, et non le 14 du mois de nisan comme les juifs. D’où une première partie exposant la différence entre la Pâque juive et la Pâque chrétienne, qui est le Christ lui-même.
Dans la deuxième partie, il pointe plus particulièrement quatre déviances concernant les célébrations de Pâques : celle des « quartodécimans », qui choisissaient le 14 nisan ; celle qui consistait à ne pas corriger le décalage entre calendrier lunaire et calendrier par l’ajout d’un mois dit « embolismique » ; celle qui, appuyée sur un texte appelé « Actes de Pilate » (objet d’une étude spécifique, placée en annexe du volume), choisissait une date fixe, le 8 des calendes d’avril, comme anniversaire supposé du jour de la Passion ; enfin – coutume non attestée par ailleurs – celle qui distingue la Pâque, ou la Cène, de la mémoire de la Résurrection.
Conclusion, toute en nuance, sur la date à observer : « Ce jour-là, qui le méprise pratique la Pâque de l’Antichrist, et non du Christ » (§ 21, p. 169). Et Polycarpe ? Et Irénée ? Chacun en son temps était parvenu à éviter l’excommunication de portions entières de la chrétienté qui, comme eux, n’avaient pas l’heur de fêter Pâques comme l’évêque de Rome. Qui à présent les sauvera du jugement de Timothée ?
On peut supposer qu’entre le IIe et le IVe siècle, la question pascale n’était plus seulement un problème d’uniformité liturgique, mais bien un enjeu d’identité religieuse, dans une situation politique complexe entre christianisme, judaïsme et administration romaine. Sa récurrence est illustrée par plusieurs volumes de la collection avec lesquels celui-ci entre en résonance, des homélies pascales de Méliton (SC 123) et d’autres (SC 27, 36 et 48) à Eusèbe (SC 41) ou le De pascha attribué à Martin de Braga (SC 594). Sans nul doute, l’édition de ce document devrait offrir matière à des études ultérieures qui intéresseront non seulement l’historien des doctrines et le patristicien, mais aussi le théologien et le prosopographe.
Guillaume Bady
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