• SC 596

    Grégoire de Nysse

    Homélies sur le Notre Père

    juin 2018

    Texte, introduction et notes de Christian Boudignon et Matthieu Cassin ; traduction de Josette Seguin (†), Christian Boudignon et Matthieu Cassin.

    Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.
    Révision assurée par Guillaume BadyJean Reynard.
    ISBN : 9782204129718
    570 pages
    Indisponible chez notre éditeur
    « Ne faites pas de bla-bla » : la révélation de Dieu dans la prière, par l'un des plus prfonds théologiens du 4e siècle.

    Présentation

    Les Homélies sur le Notre Père de Grégoire de Nysse constituent une œuvre majeure sur la « prière du Seigneur ». Cette série de cinq homélies, qu’il faut situer non au début de la carrière de Grégoire mais dans ses dernières années, a connu une grande postérité, notamment la magnifique « hymne à la prière » de l’Homélie I.

    À la fois prédication pastorale et exégèse de chacune des phrases du Notre Père – avec des variantes –, elles mettent en lumière l’adoption filiale des chrétiens et présentent la prière comme une conversation avec Dieu. Elles dénoncent aussi le « blabla » des prières creuses, en prônant un ascétisme allié au souci des plus pauvres. Leur nouveauté est plus marquante encore sur la nature du pain « quotidien », sur la venue de l’Esprit Saint comme règne de Dieu, sur le « Mauvais » comme Tentation personnifiée.

    Avec une ample introduction sur les circonstances des Homélies, leur structure, leurs sources, leur exégèse du Notre Père et leur réception, ainsi que sur l’histoire des manuscrits, l’ouvrage offre un nouveau texte critique accompagné d’une traduction richement annotée.

    Christian Boudignon est maître de conférences en langue et littérature grecques à l’Université d’Aix-Marseille (AMU) et chercheur au Centre Paul-Albert Février (CNRS, TDMAM, UMR 7297). Il a publié l’édition critique de la Mystagogie de Maxime le Confesseur en 2011. Matthieu Cassin est chargé de recherche à l’Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS, Paris). Spécialiste de Grégoire de Nysse, il a notamment publié en 2012 L’écriture de la controverse chez Grégoire de Nysse. Polémique littéraire et exégèse dans le Contre Eunome. Josette Seguin (1938-2006), chargée de cours à l’Université Catholique de l’Ouest (Angers), a soutenu sa thèse en 2001 sur les présentes Homélies.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Ne faites pas de bla-bla (Mt 6, 7). Cette parole évangélique, qui, avant que l’on se mette à écrire quoi que ce soit, est propre à susciter une réflexion saine – quoique peut-être pas toujours assez décisive –, emploie un terme assez familier en grec (battologein) qu’essaye de rendre la présente traduction avec une fidélité il est vrai assez peu liturgique.

    290 pages d’introduction embrassant : datation, circonstances et visée ; structure ; sources (Origène, mais aussi – surprenant intrus – Lucien de Samosate) ; exégèse ; éloquence ; conception de la prière ; filiation divine et parenté diabolique ; ascèse ; approche sociale ; texte néotestamentaire ; théologie du Saint-Esprit ; réception (Évagre le Pontique et Maxime le Confesseur) ; histoire du texte, versions orientales, tradition indirecte, éditions et traductions modernes, principes d’édition et différence avec le texte des Gregorii Nysseni Opera ; bibliographie ; 280 pages de texte critique, avec triple apparat (biblique, critique, mais aussi apparat des références dans les textes ultérieurs), traduction, notes et annexe : en tout 570 pages – et pas de « bla-bla », car elles sont non seulement substantielles, mais apportent beaucoup de nouveauté au texte, à sa compréhension et à son histoire. Elles sont d’ailleurs loin d’épuiser le sujet : un colloque international de quatre jours sur ces Homélies (voir p. 34) a marqué et complété la parution de ce volume.

    Point besoin de « bla-bla » non plus pour dire que ces cinq Homélies sont l’une des œuvres patristiques majeures sur le Notre Père, ni pour célébrer le succès de l’hymne à la prière qu’a composée le Nysséen dans la première. Les quelques exemples qui suivent devraient suffire à montrer combien, malgré leur antiquité, elles font paraître ces formules de prière, qu’on croit bien connaître, sous un jour nouveau. Des formules ? Bien plus : pour Grégoire, une véritable révélation de Dieu, supérieure encore à la théophanie du mont Sinaï (voir l’exorde de l’Homélie II).

    Ainsi, que signifie : Que ton règne vienne ? L’orateur exploite dans l’Homélie III une variante dans l’Évangile de Luc (11, 2) : Que ton Esprit Saint vienne sur nous et nous purifie. La variante est oubliée depuis longtemps, mais elle permet au frère de Basile d’en tirer une leçon intemporelle : le « règne », c’est l’Esprit lui-même, dont, à l’égal de celle du Père et du Fils, la divine royauté libère les êtres humains de la tyrannie du diable.

    De même, dans l’Homélie IV, ne nous livre pas à la Tentation, mais délivre-nous du Mauvais : comme en contrepoint de la nouvelle traduction liturgique, celle-ci personnalise, avec dues majuscules, et la Tentation, et le Mauvais, à savoir le diable. Voilà qui appelle, pour le moins, un commentaire. Le Cappadocien appartient à un temps où le monde invisible – anges et démons – était perçu comme ayant autant de réalité que le visible. L’impact sur le sens du Notre Père et la spiritualité chrétienne en général est majeur : ce n’est pas seulement un effort éthique dans un monde matériel et contingent qui est en jeu, mais aussi, pour les Pères, un combat spirituel engageant aussi des forces immatérielles et ayant une valeur eschatologique.

    Il est dès lors presque étonnant, et à plus d’un titre, de voir, dans l’Homélie IV encore, l’interprétation que Grégoire fait de la demande : Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. D’abord, parce que, tout en condamnant les demandes trop matérielles, il fait droit aux besoins corporels de chaque jour ; ensuite, parce qu’à la différence d’Origène, qui comprenait le mot grec epiousios comme désignant un pain « substantiel », avec tous les développements spirituels et eucharistiques que cela peut entraîner, le Nysséen y voit le pain « quotidien ». D’une certaine façon, le chrétien moderne peut le remercier : c’est en partie grâce à lui – paradoxalement, à l’époque son exégèse sur ce point était originale – qu’il peut non seulement oser demander davantage qu’un aliment pour la partie rationnelle de sa substance, mais employer des mots et des idées « de tous les jours ».

    Enfin, il convient de souligner l’assimilation à Dieu, que Grégoire reconnaît à l’œuvre dans le Notre Père. Sans doute, dans l’histoire du christianisme occidental, la déification de l’être humain a-t‑elle été perçue de manière trop conceptuelle, trop ontologique, trop théologisée – oubliant qu’elle est avant tout une question éthique. Laissons sur ce sujet le dernier mot à l’antique pasteur :

    « Le discours a progressé jusqu’au point le plus élevé de la vertu ; car il dépeint par les mots de la prière comment il veut que soit celui qui s’avance vers Dieu : qu’il paraisse n’être presque plus dans les limites de la nature humaine mais devienne semblable à Dieu lui-même par la vertu, au point de sembler être un autre Dieu, en accomplissant ce qu’il revient à Dieu seul d’accomplir. Car la remise des dettes est propre à Dieu et sa prérogative ; il est dit en effet : Personne 'ne peut remettre les péchés sinon Dieu seul' (cf. Mt 2, 7 ; Lc 5, 21). Donc si quelqu’un imitait par sa propre vie les traits caractéristiques de la nature divine, il devient d’une certaine façon cela dont il a manifesté l’imitation par une ressemblance exacte » (Homélie V, 1, p. 479-481).

    (G. Bady, 2018)

    Guillaume Bady

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