• SC 588

    Grégoire de Nysse

    Lettre canonique, Lettre sur la pythonisse et Six homélies pastorales

    octobre 2017

    Texte grec (GNO III, 2 ; III, 5 ; IX ; X, 2) ; introduction, traduction et notes de Pierre Maraval.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre et de l'Œuvre d'Orient.
    Révision assurée par Jean Reynard.
    ISBN : 9782204122061
    290 pages
    Pour les pénitents, les pauvres, les lépreux, contre la fausse prophétie, les usuriers, les fornicateurs : les réponses de ce pasteur de Cappadoce ont traversé les siècles.

    Présentation

    À travers les huit textes ici réunis, c’est un Grégoire de Nysse non pas seulement théologien ou polémiste qui se révèle, mais avant tout le pasteur d’une petite cité de Cappadoce. Le propos qui est le sien dans ces lettres et ces homélies est, en effet, celui d’un législateur rappelant les règles de la pénitence et la manière de les appliquer, celui d’un pédagogue et d’un exégète répondant aux questions posées sur certains passages de la Bible, celui d’un évêque qui, dans ses prédications de carême, invite les catéchumènes à ne pas retarder leur baptême, celui d’un moraliste et d’un spirituel exhortant tous ses fidèles à se conduire avec chasteté, celui d’un prédicateur demandant à ses fidèles d’accepter son autorité bienveillante même lorsqu’il leur adresse des reproches. C’est encore lui qui les engage à pratiquer la bienfaisance et l’amour du prochain, en particulier envers les pauvres et les lépreux.

    Ainsi sortis de leur relatif isolement – certains d’entre eux n’ont jamais reçu de traduction française jusqu’ici –, ces textes, datés pour la plupart autour de l’année 380, permettent de mieux découvrir la dimension concrète de la pensée du Cappadocien.

    Pierre Maraval est Professeur émérite d’histoire de l’Université Paris IV-Sorbonne. Il a publié des éditions et traductions de nombreux textes anciens (dont Grégoire de Nysse et Socrate de Constantinople dans la collection Sources Chrétiennes) et plusieurs ouvrages sur l’histoire du christianisme des premiers siècles et de l’Antiquité tardive.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Les œuvres réunies dans ce volume constituent des opera minora relativement isolées, dont l’un des points communs est la dimension pastorale ou pédagogique. Après la Lettre canonique, riche en conseils pastoraux, et après la Lettre sur la pythonisse, proche du genre des « questions et réponses », les homélies retenues montrent ainsi Grégoire (né vers 335, mort après 394) dans son activité d’évêque et de prédicateur à Nysse auprès de son peuple, s’adressant non à des communautés monastiques, mais à tous ses fidèles.

    La Lettre canonique, adressée à l’évêque Létoios après 381, expose les règles disciplinaires (ou « canons ») de la pénitence publique appliquées dans l’Église de Nysse. La Lettre sur la pythonisse d’Endor, adressée à un certain Théodose après 381, est en fait un petit traité exégétique, où le Nyssène répond à diverses questions qui lui étaient posées, surtout celle-ci : la pythonisse a-t-elle réellement évoqué l’âme du prophète Samuel (1 Samuel 28) ? Pour Grégoire, c’est un démon qui a trompé Saül et lui a fait part d’une fausse prophétie.

    L’homélie Contre ceux qui retardent le baptême, prêchée le jour de l’Épiphanie le 6 janvier 381, s’élève contre la pratique du retardement du baptême. En effet, la sévérité de la pénitence publique avait pour conséquence que beaucoup attendaient des années, parfois jusqu’à la veille de leur mort, avant de recevoir le sacrement.

    L’homélie Contre les fornicateurs, prononcée peut-être en mars 381, utilise la philosophie et l’Écriture (notamment l’exemple de Joseph et de la femme de Putiphar : Genèse 39, 7-30) pour étayer les valeurs d’une éthique populaire.

    L’homélie Sur les remontrances, dite le 2 janvier 382 – ou bien entre 372 et 376 –, s’adresse aux fidèles qui ne supportaient pas les reproches que leur adressait leur pasteur, tout particulièrement lorsqu’ils s’accompagnaient des mesures d’exclusion prévues par la pénitence publique.

    L’homélie Sur la bienveillance, prononcée pendant le carême (les datations varient entre 369 et 382), insiste sur le fait qu’une véritable pratique du jeûne doit s’accompagner de l’amour des pauvres.

    L’homélie Sur « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ceux-ci », également prêchée pendant le carême (à une date discutée), peut-être dans la Basiliade même construite par le frère de Grégoire, traite surtout des lépreux en appelant à la communauté de nature entre tous les êtres humains et en opposant à la peur de la contagion physique l’idée d’une « contre-contagion » de sainteté.

    Le sermon Contre les usuriers est encore une prédication de carême (sans doute de 379). Le Nyssène y dénonce l’usure et ses effets pervers, en invitant les fidèles non seulement à prêter sans intérêt, mais à donner.

    Dans chacun des textes de ce volume, Grégoire de Nysse renouvelle la tradition littéraire dans laquelle il s’inscrit. Par exemple, dans la Lettre canonique, les règles qu’il énonce sont souvent assez différentes de celles édictées par son propre frère comme par les décisions conciliaires (par exemple il ne mentionne que trois catégories de pénitents et non quatre) : c’est un exposé personnel qui, tout en énonçant les principes théoriques, invite en pratique à une « économie » pastorale sur la manière de les appliquer, présentée comme une thérapeutique de l’âme.

    Quant au sermon Contre les usuriers, il reprend, mais de façon originale, quelques-uns des thèmes déjà développés par son frère Basile et par les Pères, depuis Clément d’Alexandrie. Grégoire n’y a pas en fait la même position que Basile : tandis que celui-ci entend reprendre une explication du Psaume 14, Grégoire vise directement l’usure. Plus généralement, il se distingue par son inspiration, biblique et philosophique, par les angles choisis, par le fait qu’il s’adresse aux usuriers plutôt qu’aux emprunteurs et que, contrairement à son frère, il n’exclut pas le droit à exiger des intérêts quand l’emprunteur est riche.

    Au service de son dessein pédagogique, ici comme ailleurs Grégoire met en œuvre son talent et son style, comme il l’explique lui-même dans l’homélie Sur les remontrances : « La fonction d’enseignant est difficile, ainsi que l’éducation de la vertu : elles demandent une gestion différente de la surveillance, adaptée aux caractères qu’elle rencontre. (…) [C’est pourquoi] notre discours est transformé pour différents besoins par l’adjonction de figures de rhétorique, afin de trouver quelque chose qui nourrisse chacun. »

    Guillaume Bady

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Les textes présentés ici sont ceux des GNO III, 2 ; III, 5 ; IX et X, 2. Introduction, traduction et notes sont de Pierre Maraval. Un index scripturaire complète le tout.

    La Lettre canonique est parvenue dans de très nombreux manuscrits (plus de 150) et a été éditée pour la première fois en 1638 par Claude Morel. C’est le texte repris dans la Patrologie Grecque (PG 45, 221-236). Ekkehard Mühlenberg en a donné une édition critique en 2008, qui repose sur 11 manuscrits.

    La Lettre sur la Pythonisse a été transmise par le Monacensis gr. 330 (Xe s.) ; elle a été éditée pour la première fois par Fronton du Duc en 1596, suivi de Claude Morel en 1615, Migne en 1638 et E. Klostermann en 1912. La dernière édition, de Hedwiga Hörner, date de 1987 dans les GNO (III, 2).

    L’homélie Sur ceux qui retardent le baptême est transmise par 11 manuscrits. Elle a été éditée pour la première fois en 1573 à Paris ; 9 éditions ont suivi, l’édition critique de Hilda Polack datant de 1996, reposant sur quatre manuscrits (GNO X, 2, p. 334-352).

    L’homélie Sur ceux qui ne supportent pas les remontrances est transmise par 26 manuscrits ; éditée pour la première fois en 1550 à Paris, elle a connu dix autres éditions avant celle de Dörte Teske en 1996, basée sur quatre manuscrits (GNO X, 2, p. 294-320).

    L’homélie Contre les fornicateurs, transmise par huit manuscrits, a été éditée pour la première fois à Paris en 1573 ; ont suivi 14 éditions, puis l’édition critique d’Ernest Gebhardt, en 1967, qui repose sur quatre manuscrits (GNO IX, p. 136-141).

    La première homélie Sur l’amour des pauvres a été transmise par 8 manuscrits. Elle é été éditée pour la première fois à Paris en 1550, puis vingt autres fois. A. van Heck en a donné une édition critique en 1964, qui repose sur 7 manuscrits (GNO IX, p. 71-79).

    La deuxième homélie Sur l’amour des pauvres est transmise par 21 manuscrits. Elle a été éditée pour la première fois en 1550 à Padoue. Les GNO reproduisent l’édition critique de A. van Heck, qui repose sur treize manuscrits (1967, GNO IX, p. 80-90).

    L’homélie Contre les usuriers, transmise par 9 manuscrits, a été éditée pour la première fois à Ingolstadt en 1596 en latin, puis en 1618 à Paris pour le texte grec. Ernest Gebhardt a donné une édition critique dans les GNO en 1967, qui repose sur quatre manuscrits (GNO IX, p. 131-141).

     

    Les huit textes rassemblés ici montrent Grégoire de Nysse dans son activité de pasteur soucieux d’élever le niveau moral de ses fidèles ; on le découvre à la fois législateur, pédagogue, exégète, moraliste, prédicateur.

    La Lettre canonique est envoyée à sa demande à Létoios, évêque de Mélitène, vraisemblablement en 390. Elle expose les règles de la pénitence publique appliquées dans l’Eglise de Nysse en huit canons et donne également des conseils pastoraux. L’entrée dans le groupe des pénitents marque le début du processus pénitentiel, qui se scinde en trois degrés : l’exclusion, la réintroduction limitée du pénitent dans l’église et la « conversion », qui fait entrer dans la catégorie des pénitents « prosternés ». Chaque degré est de durée variable selon les fautes à expier : toute la vie pour l’idolâtrie, trois ans pour la fornication par exemple. Grégoire en fait une présentation rigoureuse, mais la pratique réelle différait considérablement.

    La Lettre sur la Pythonisse, qui date peut-être d’après 381, est en réalité un petit traité qui répond à cette question : la pythonisse a-t-elle réellement évoquée l’âme du prophète Samuel, comme le rapporte la Bible ? Grégoire apporte sa propre réponse, le sujet ayant déjà été traité avant lui par Justin, Tertullien ou Origène entre autres.

    Les homélies retenues dans ce volume montrent Grégoire dans son activité de prédicateur auprès de son peuple. Il y mêle idées, images et sentiments, cherchant à créer une émotion qui débouche sur une action efficace. Ce sont :

     - Contre ceux qui retardent le baptême

     - Contre les fornicateurs

     - Contre ceux qui supportent mal les remontrances

     - Trois homélies sur les pauvres : Sur la bienfaisance, Sur « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ceux-ci », Contre les usuriers.

    Extrait(s)

    Homélie sur la bienfaisance, 8-9

    8. Mais tu diras : je suis pauvre, moi aussi. Je te l’accorde. Donne ce que tu as. Dieu ne demande pas ce qui est au-dessus de tes moyens. Toi, donne du pain, un autre une coupe de vin, un autre un vêtement, et ainsi le malheur d’une personne sera réparé par votre contribution collective. Moïse n’a pas reçu l’argent pour la tente d’un seul ministre du culte, mais de tout le peuple (cf. Ex 35, 4-29). Celui qui était riche en or lui en a apporté, un autre a apporté de l’argent, le pauvre des peaux, le plus pauvre encore de la laine. Tu vois comme le quart d’as de la veuve (Mc 12, 42) a surpassé les offrandes des riches ? Celle-là se dépouilla de tout ce qu’elle avait, mais de ceux-ci il tomba bien peu de chose.

    9. Ne méprise pas ceux qui gisent à terre comme des gens de rien. Pense à ce qu’ils sont et tu reconnaîtras leur dignité. Ils ont revêtu le visage de notre Sauveur (Ga 3, 27), car celui qui aime les hommes leur a accordé son propre visage, afin que grâce à celui-ci ils remplissent de confusion les gens sans compassion et qui détestent les pauvres, comme ceux qui mettent en avant les images royales contre ceux qui leur font violence, pour intimider par l’image du souverain celui qui les méprise. Ceux-ci sont les intendants des biens que nous attendons, les portiers du royaume, ceux qui ouvrent les portes aux bons et les ferment aux mauvais et à ceux qui n’aiment pas les hommes. Ce sont aussi de rudes accusateurs et de bons avocats : ils défendent et accusent sans parler, mais ils sont vus par le juge. L’action qui est faite en leur faveur est pour celui qui connaît les cœurs (Ac 1, 24 ; 15, 8) un cri plus clair que celui de tout héraut.

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