• SC 573

    Grégoire de Nysse

    Éloge de Grégoire le Thaumaturge, Éloge de Basile

    octobre 2014

    Texte grec (GNO X, 1) : Günther Heil (Éloge de Grégoire), Otto Lendle (Éloge de Basile) ; introduction, traduction, notes et index par Pierre Maraval.

    Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.
    Révision assurée par Jean Reynard.
    ISBN : 9782204103015
    321 pages
    Un faiseur de miracles et un frère ? Ce qu'ont fait ces saints, chacun peut le faire, dit le Nyssène.

    Présentation

    Deux éloges, celui du premier évêque de Néocésarée, Grégoire le Thaumaturge, au IIIe siècle, celui de Basile, frère de l’auteur, évêque de Césarée de Cappadoce un siècle plus tard. Leur but est moins de raconter leurs vies que d’en tirer un modèle épiscopal. Moïse et d’autres modèles y sont invoqués comme des figures annonciatrices et comme ceux dont ces évêques ont reproduit le comportement : double éducation, profane et religieuse, contemplation dans la solitude et l’ascèse, direction du peuple. Leur fonction doctrinale est soulignée : parce qu’ils ont reçu la doctrine de Dieu, Grégoire par l’intermédiaire d’une vision qui lui délivre un symbole de foi, Basile par une révélation, ils ont pu jouer leur rôle de phare, d’illuminateur, et leur activité épiscopale a été une longue succession de luttes pour défendre la doctrine. Ces luttes les assimilent aux martyrs : l’évêque est un « martyr » de la foi ; elles se sont accompagnées de miracles qui ont donné un caractère charismatique à leur activité épiscopale.

    Le modèle ainsi défini, pour l’orateur, doit inspirer le choix de tout évêque.

    Pierre Maraval est professeur émérite d’histoire des religions de l’Université Paris-IV-Sorbonne. Il a publié des éditions et traductions de textes anciens (dont Grégoire de Nysse et Socrate de Constantinople dans la collection Sources chrétiennes) et plusieurs ouvrages sur l’histoire du christianisme des premiers siècles et de l’Antiquité tardive.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Ces deux Éloges prononcés par Grégoire de Nysse (rhéteur de son métier) sont un bel échantillon de l’éloquence chrétienne du temps et des thèmes qui « parlaient » au public. Ils montrent en même temps comment les grandes figures du Thaumaturge et de Basile étaient perçues alors dans leur propre patrie.

    L’Éloge de Grégoire le Thaumaturge est le plus long. L’homme était, au IIIe siècle, un élève d’Origène pour qui il a écrit un Remerciement (SC 148) lorsqu’il a quitté l’école. L’Éloge est prononcé par Grégoire sans doute en 379, alors que celui-ci se trouve dans la province du Pont qui était celle de son héros. Il insiste sur l’action de thaumaturge de Grégoire, qui convertit les païens. Il en fait aussi – non sans anachronisme ! – un portrait monastique, à la mode de son temps pour qui un saint ressemble forcément à un moine ! Nous assistons (§ 35-40) à une scène classique de combat contre les démons, avec l’histoire d’un prêtre païen que le Thaumaturge convertit avec toute sa famille (les démons eux-mêmes, dans le sanctuaire, dénonçaient sa présence qui les empêchait de rentrer chez eux…). Dans la ville de Néocésarée dont il devient l’évêque, il construit une église, seul édifice qui ne s’écroule pas lors du tremblement de terre (§ 48). Thaumaturgie et prédication semblent avoir été les deux atouts de cet évangélisateur qui convertit le peuple en nombre, à une époque (milieu IIIe siècle) où les masses étaient encore païennes. Il assèche un lac définitivement (§ 55) : il fait mieux que Josué et que Moïse, car après leur passage la mer était revenue ! Il laisse raide mort un bandit qui avait essayé de le tromper (§ 74), comme Pierre lors de la ruse d’Ananie dans les Actes. Pour finir, il guérit la ville de Néocésarée de la peste… qu’il avait lui-même lancée en punition du culte des démons (§ 97-99) ! Grâce au talent oratoire de Grégoire de Nysse, nous voyons la peste qui arrive comme une espèce de nuée et progresse de maison en maison plus vite que le feu… Assurément les lieux communs de l’hagiographie ne sont pas absents, et l’on pense à la Vie de saint Martin de Sulpice Sévère, écrite 20 ans plus tard, ou à bien d’autres récits. Mais le message de l’Évangile est respecté : le miracle ne vise qu’à édifier et convertir, et plutôt qu’un quelconque pouvoir du saint, c’est la puissance de Dieu qui est chaque fois mise au premier plan, ainsi que sa symmachia, car Dieu combat aux côtés du saint, d’où ses victoires. Au-delà de la question de la véracité des faits, on trouve surtout dans cet Éloge le portrait de l’évêque idéal selon Grégoire de Nysse. Et son insistance sur l’évangélisation des païens montre bien que cet aspect du ministère pastoral n’est pas caduc en cette fin du IVe siècle !

    Dans l’Éloge de Basile on voit, exemples bibliques à l’appui, que la sainteté est de tous les temps, et que les saints plus récents ne sont pas les moindres ! Grégoire montre Basile confesseur de la foi contre un pouvoir acquis à l’arianisme. Son but n’est pas de raconter la vie de son frère, bien connue, mais de le comparer aux grandes figures de sainteté bibliques. Basile fut ascète comme Jean Baptiste ou Élie. Il ne fait pas descendre le feu de Dieu comme Élie, mais le Saint-Esprit (§ 17) ; il sait aussi intercéder pour la pluie ! Il est marqué dès son enfance par la providence de Dieu comme Samuel, il mène une retraite contemplative comme Moïse, et nourrit son peuple comme lui lorsqu’il fonde sa fameuse Basiliade, hospice pour les pauvres. Pas de thaumaturgie ici, mais un modèle de pasteur, et une conviction clairement exprimée : les dons de Dieu ne sont pas finis car Dieu est toujours avec nous. Ce que Basile a fait, nous pouvons le faire.

    Bernard Meunier

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Éloge de Grégoire le Thaumaturge

    C’est à l’occasion d’une fête annuelle, accompagné d’une panégyrie, que Grégoire a prononcé cette prédication sur le Thaumaturge. Le lieu et la date de l’éloge restent, comme souvent, difficiles à déterminer. Il est tout à fait possible que l’évêque de Nysse ait prêché le 17 novembre 379, dans la province du Pont, d’où était originaire le Thaumaturge et où Grégoire de Nysse était alors de passage. Il est très possible qu’il ait été précisément dans la ville d’Ibora. Les sources de Grégoire de Nysse sont probablement des traditions orales, connues de sa famille. Le prédicateur ignorait tout de l’activité littéraire du Thaumaturge, à l’exception du Credo.

    Le texte grec de la présente édition est celui des Gregorii Nysseni Opera (GNO X, 1).

    Éloge de son frère Basile

    Le prologue de l’éloge atteste que celui-ci fut prononcé un 1er janvier, mais il est impossible d’en préciser l’année avec certitude. La date de 381 – Basile est mort en septembre 378 – reste plausible, car l’éloge ne dit rien du succès des orthodoxes lors du concile de Constantinople qui se tint entre juillet et septembre de cette année-là et qui représente une victoire posthume de Basile.

    Le texte grec de la présente édition est celui des Gregorii Nysseni Opera (GNO X, 1).

    Extrait(s)

    Éloge de Grégoire le Thaumaturge (§ 20, p. 121)

    Nous apprenons quelque chose de semblable dans l’histoire de Joseph : il aurait pu commettre un crime avec la femme de son maître, car celle-ci était devenue folle d’amour pour la beauté du jeune homme, et il n’y avait personne comme témoin de ce qu’il aurait osé tenter. Et bien, lui aussi, tournant son regard vers l’œil divin, préféra paraître mauvais plutôt que l’être et supporter le sort des malfaiteurs plutôt que devenir un malfaiteur. Mais peut-être Grégoire peut-il tirer davantage de gloire de ce récit, car, quand on se tient éloigné de la souillure, le crime d’adultère et le fait de ne pas paraître blâmable pour un délit moindre ne sont pas équivalents. Lui donc, qui d’après les lois n’était nullement en danger, ayant jugé que le plaisir procuré par le péché était, par lui-même, plus redoutable que le châtiment, ou bien a dépassé Joseph par la grandeur de cette action admirable, ou bien ne sera certainement pas jugé inférieur à lui.

    Éloge de son frère Basile (§ 23, p. 281-283)

    Chacun des deux quitta la vie, mais aucun des deux n’a laissé aux vivants un monument de sa propre attitude envers la chair. On ne trouve pas la tombe de Moïse, et celui-ci ne fut pas enseveli sous un riche matériau, mais avec sa vie a disparu tout à quoi la vie humaine doit son maintien, si bien qu’on n’a trouvé aucun souvenir matériel de cet homme, parmi l’abondance de ceux qu’il a laissés, qui démente sa conception de ce qui est le meilleur. L’histoire de Moïse en témoigne de même, car on n’a pas trouvé sa tombe jusqu’à ce jour. Si donc, par le discours, le grand Basile nous a été monté tel que, lorsqu’on compare sa vie avec celle de chacun de ces grands hommes, il n’est pas loin des saints, c’est à bon droit que la succession des fêtes conduit à la présente panégyrie.

     

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