• SC 572

    Adam de Perseigne

    Lettres, tome III
    Lettres 33-66

    mars 2015

    Texte latin et traduction par Jean Bouvet (†) et Placide Deseille ; notes par Placide Deseille.

    Révision assurée par Isabelle Brunetière.
    ISBN : 9782204104616
    312 pages
    Le conseil spirituel en ligne ? L'abbé de Perseigne, près du Mans, l'assure déjà au tournant des 12e et 13e siècles.

    Présentation

    Les tomes II et III achèvent la publication des Lettres d’Adam de Perseigne (1145 - †1221) commencée en 1960. L’auteur est abbé cistercien, conseiller spirituel de la Maison de Champagne, et grand lecteur de saint Bernard. Sa correspondance nous fait plonger au cœur d’une époque : le Moyen Age occidental à la charnière du XIIe et du XIIIe siècle, et à l’intersection de plusieurs milieux : la Cour, le clergé séculier, les communautés monastiques, en particulier le milieu cistercien.

    Adam s’y révèle un acteur de premier plan, intervenant dans les affaires de son temps, attentif à réformer l’Église en matière de mœurs ou de gestion des charges et biens ecclésiastiques, soucieux d’apaiser les dissensions survenues lors d’une succession épiscopale, ou encore des violences exercées entre monastères rivaux.

    Son réalisme dans l’évocation des malheurs du temps – « Notre époque est bien à plaindre ! », écrit-il – est éclairé par une ardente spiritualité, tournée vers la contemplation, union de l’âme et du Christ, et par l’importance qu’y tiennent l’amitié et les relations humaines ; car Adam est aussi un guide spirituel, tour à tour exigeant et bienveillant.

    Enfin, certaines lettres constituent de véritables petits traités, ayant pour thème les féries, la pénitence et la confession, le silence, ou encore le commentaire détaillé des grandes antiennes du temps de l’Avent.

    Le P. Placide Deseille, moine orthodoxe, est le fondateur et l’higoumène du monastère Saint-Antoine le Grand dans la Drôme. Ancien professeur à l’Institut Saint-Serge, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le monachisme orthodoxe et a traduit 2 volumes de Sermons de Guerric d’Igny dans la Collection.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Voici enfin complétée, avec ces deux volumes, la série de la correspondance d’Adam, abbé de Perseigne près du Mans, à la fin du XIIe – début du XIIIe siècle. Le premier tome était paru en 1960, et le P. Deseille, qui y avait déjà collaboré, a fidèlement repris seul l’ouvrage pour l’achever, 55 ans après : qu’il en soit remercié !

    Chanoine, puis bénédictin, Adam finit son itinéraire chez les cisterciens, bien représentatif en cela d’une évolution spirituelle qui mène les chrétiens exigeants vers cet ordre encore nouveau, dont la force d’attraction, pendant tout le XIIe siècle, est impressionnante si on en juge par le nombre de fondations. Adam, c’est le conseil spirituel en ligne ! Il est souvent consulté par des gens très divers, religieux, laïcs, parfois proches des milieux du pouvoir. Il leur parle avec une grande liberté. On songe aux Pères du désert, à la correspondance de Barsanuphe et Jean de Gaza… La paternité spirituelle est un véritable trait d’union entre les traditions d’Orient et d’Occident.

    On est frappé par la franchise d’Adam dans les rapports humains. Il peut dire à une femme (lettre 29, § 329) : « Très chère Dame, après vous avoir quittée – je veux dire de corps, car mon cœur n’a pu s’éloigner de vous –, je me suis souvent rappelé votre gracieuse bienveillance… Mon âme repasse les douces paroles d’une amitié toute neuve… » Il reproche à son évêque (du Mans), qui est un vieil ami, de faire des sermons trop longs qui lassent le peuple (lettre 51) ! À un abbé de cour qui lui demande des conseils pour la controverse avec les juifs, il répond qu’il ne lui en donnera pas, car il devine que sa demande est motivée par le plaisir de disputer et de briller dans l’argumentation : « La vérité est splendeur de la sagesse céleste, et seuls y parviennent ceux qui ont l’esprit de pauvreté. Qu’y a-t-il donc de commun entre vous et elle ? Vous êtes plongé dans un océan de vanité… et vous osez rêver tout haut sur les splendeurs de la vérité ! » (lettre 27, § 307-308). À un seigneur : « Vous, vous servez le siècle… et moi, je sers le Christ. Je m’exprime en toute sincérité, car j’ai lieu de penser que vous aimez le siècle, quand je vous vois vous mêler aux affaires séculières et vous enfiévrer pour les intérêts de ce monde ; là où est le trésor de l’homme, là aussi son cœur, n’est-ce pas ? » (lettre 25, § 287-288). Ailleurs, il lui arrive de dissuader des gens de partir en croisade (entreprise dont il a constaté les ambiguïtés), surtout s’il s’agit de curés de paroisse qui négligent du coup leurs devoirs pastoraux (lettre 53).

    Un de ses soucis constants est l’indignité de nombreux clercs (on relevait déjà le même souci chez le pape Grégoire le Grand, vers 600). Ceux-ci se font attribuer des paroisses uniquement pour en toucher les revenus, mais n’ont aucun souci pastoral et mènent une vie indigne. Il les dénonce souvent dans ses lettres : anges de Satan déguisés en anges de lumière… (lettre 61, § 626, ou lettre 49 à Innocent III avant l’ouverture du 4e concile du Latran en 1215). « Ils se soucient plus de leurs chiens que des pauvres… Si c’est à leur avantage, ils se proclament serviteurs de la croix du Christ, mais ils refusent de suivre la bienheureuse ignominie de la croix. Ils servent la croix de manière à ne pas la sentir… » (lettre 27, § 316).

    Bernard Meunier

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    En 1188 Adam, moine cistercien, devient le second abbé de Perseigne dans le Maine et le sera plus de trente ans. De par sa culture et ses bons rapports avec des grands de son temps (le trône d’Angleterre, celui de France, des grandes maisons comme la maison de Champagne, le pape), il reçoit des missions, joue un rôle de conciliation pour les affaires de l’église ou de conseil spirituel pour ceux qui le lui demandent. Cela a valu toute une correspondance avec des personnages très divers : évêques, abbés, chanoines, moines, vierges, comtesses, chevaliers… Les sujets sont tout aussi divers : réflexion spirituelle, liturgie, choix moraux de l’existence, vie monastique, théologie, etc. Les 66 lettres conservées sont éditées en 3 volumes.

    Les Lettres se trouvent dans plus d’une vingtaine de manuscrits, du XIIIe au XVe siècle, mais aucun n’a toute la correspondance, certains n’ont qu’une seule lettre.

     

    Sommaire des lettres 33-66 de ce volume 3. 33 à Hervé, abbé de Tiron : l’échelle de la prière et les sept féries solennelles du loisir pour Dieu. 34 à Robert, archevêque de Rouen : traité des vices et des vertus. 35 à l’official de Rouen : conversion et progrès spirituel. 36 à l’évêque de Coutances : demande de fonds pour construire un édifice religieux. 37 à O., moine de Saint-Martin de Sées : l’ascension spirituelle. 38 au trésorier de Rouen : oublier les biens terrestres pour les célestes ; contre la fête des fous dans les cathédrales. 39 au frère Philippe, novice du Loroux : les avantages de la vie monastique. 40 à Guillaume, moine du Loroux : la patience dans la maladie. 41 à R., moine du Loroux : conseils sur les vertus à cultiver. 42 à l’abbé de Chaloché : bienveillance envers un pécheur. 43 à R., moine du Loroux : les sept antiennes en « O » du temps de l’Avent et les sept dons de l’Esprit Saint. 44 à la vierge Agnès : dans le creuset de l’épreuve, savoir discerner et s’en remettre à Dieu. 45 à la vierge Agnès : rendre au corps et à l’âme ce qui est dû à chacun. 46 à des vierges consacrées : envoi du livre sur l’amour mutuel. 47 à Agnès : l’âme purifiée, jardin du Bien-aimé du Cantique. 48 au chevecier (sacristain) de l’église de Chartres : remerciements pour des nappes d’autel et union de prière. 49 au pape Innocent III : appel à la réforme de l’église et au concile général. 50 à un chevalier : envoi d’un livre et monition sur le soin de l’âme. 51 à l’évêque du Mans : conseils dans une situation compliquée. 52 à l’évêque du Mans : plainte contre les moines de Sées qui ont par violence volé la dîme due à Perseigne.53 à l’évêque du Mans : que les prêtres ne désertent pas leur paroisse pour partir à la croisade. 54 à Hamelin, ancien évêque du Mans : lettre d’amitié et adieu spirituel. 55 à l’évêque de Chalons : les devoirs d’un évêque. 56 à l’abbé de Saint-Pierre de la Couture : l’abbé, père et mère de ses moines pour engendrer le Christ dans les âmes. 57 à l’abbé de Tironneau : courage dans les épreuves. 58 à un prêtre de Saint-Saturnin de Chartres : recommandation pour trouver une cabane à une recluse. 59 à maître Païen, Doyen de Saint-André de Chartres : exhortation au seuil de la mort. 60 à maître Païen : conseil devant la mort et recommandation pour une veuve. 61 à maître Païen : discerner la fausse piété, supporter une gouvernante revêche mais charitable. 62 à Barthélémy, doyen de l’église de Chartres : amitié spirituelle ; recommandation pour une veuve. 63 à Barthélémy, doyen de l’église de Chartres : éviter les dissensions lors d’une succession épiscopale. 64 à Robert de Courçon : Adam demande à être déchargé de toute fonction judiciaire. 65 à l’abbé de Cîteaux : respect et affection ; excuse pour le Chapitre général. 66 au sous-prieur de Saint-Satur : l’amitié, consolation dans la vieillesse ; Adam lui rend un livre.

    Extrait(s)

    Lettre 38, 481 (SC 572, p. 103-105)

    Le clerc, d’après le sens de son nom, est tout à la fois choisi en partage par le Seigneur et possesseur par héritage du Seigneur lui-même. Il porte en vain son titre lorsqu’il profane par ses œuvres ce que spontanément il a voué en faisant profession. Voyez, je vous en prie, les clercs de notre temps : quelle gloire ils tirent de l’abaissement du Christ ! quelle richesse de sa pauvreté ! quels honneurs de son opprobre ! quelle élévation de son humilité ! quelle parure vestimentaire recherchée et efféminée de sa nudité ! Qu’il est révoltant de voir nantis du patrimoine du Crucifié des gens qui n’éprouvent que confusion et honte à imiter le Crucifié ! Comme des porcs installés sous leur chêne nourricier vivent de ses glands, cependant qu’ils souillent de leurs déjections le pied de l’arbre dont ils ne sauraient se passer, ainsi, par un exécrable sacrilège et une impardonnable impudence, ces clercs s’accrochent, de toute leur cupidité aux profits de la croix, alors qu’ils dédaignent de la vénérer elle-même en la servant comme ils le devraient !

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