SC 567

Sœur Marie-Imelda Huille † (o.c.s.o.) était moniale à l’Abbaye Notre-Dame d’Igny.

Sœur Marie-Sophie Vaujour (o. cist.) est moniale à l’Abbaye Sainte Marie de Rieunette.

Voici, après les volumes 480 et 481 qui contenaient les Sermons de l’Avent à la Purification de la Vierge, la suite de la prédication liturgique de l’abbé de Clairvaux : 17 sermons de la Septuagésime à la Semaine Sainte. Ce temps particulier de la montée vers Pâques est par excellence celui de la vie transitoire, en tension, depuis la multiplicité et la division manifestées dans l’hodie, vers l’unité et la liberté de l’accomplissement eschatologique. Moines et lecteurs divers – le soin que Bernard a apporté à l’édition et la transmission de ces sermons atteste son intention de toucher un public plus large que sa communauté – sont invités à actualiser dans leur vie individuelle les mystères de la liturgie, mais à le faire en communauté ecclésiale.

Outre leur insertion dans le projet théologique et spirituel d’ensemble des Sermons pour l’Année, chacun des sous-ensembles de la série, construits par Bernard lui-même, contient un riche enseignement spécifique. Dans les deux Sermons pour la Septuagésime, l’auditeur est invité à triompher des sept obstacles qui l’empêchent d’observer les dix commandements en usant des sept dons de l’Esprit Saint. La lecture de la Genèse en arrière-plan est incitation à  retrouver la liberté perdue pour atteindre la patrie éternelle de l’abondance, où nombre, mesure et poids n’ont plus cours. Le temps du carême, auquel six sermons sont consacrés, déploie le mouvement de la grâce, issue du Christ et lui revenant dans la louange, ce que Bernard illustre par un commentaire de Matthieu 6, 17, « Parfume ta tête et lave ton visage ». Pour que ce mouvement soit fluide, la conversion est nécessaire, et cette fois c’est Joël 2, 12-13 dans sa version liturgique, « Tournez-vous vers moi de tout votre cœur… », qui donne à Bernard son point de départ : l’humilité du corps qui s’exerce au jeûne, et du cœur qui se déchire, est une démarche de tout l’homme, qui s’élargit à tout le peuple chrétien. « Sacrement » du combat spirituel, l’ascèse peut s’épanouir en une prière qui attend tout de Dieu, et le regard s’ouvrir à des perspectives de gloire eschatologique avec le Christ Roi. Le dies natalis de saint Benoît (21 mars) est l’occasion d’un long sermon poétique où Benoît, et l’abbé à son exemple, invite à la suite du Christ par sa vie et sa doctrine. La prédication y devient quasi sacramentelle, qui répand dans les cœurs une « parole vivante et efficace ». Les trois sermons sur l’Annonciation sont une méditation, à partir du Ps 84, 10, sur le conflit suscité par le péché de l’homme entre les « filles de Dieu », justice et  miséricorde. Seule l’Incarnation peut les réconcilier, dans l’union de la divinité et de l’humanité : à l’exemple de Marie, tout homme est appelé à gravir les degrés de l’humilité pour recevoir cette grâce en plénitude. Puis c’est l’entrée dans la Grande Semaine. Bernard, dans les trois Sermons pour les Rameaux, médite le contraste que la liturgie souligne entre l’exaltation de l’entrée messianique et l’humiliation de la Passion : illustrée dans l’interim par les vicissitudes de l’existence, la tension entre bonheur et malheur doit être vécue en homme « spirituel », dans l’égalité de l’âme, avec comme horizon le triomphe eschatologique. Les personnages de la procession font l’objet de multiples lectures allégoriques, Bernard montrant une sympathie toute particulière pour l’âne qui porte Jésus, image de l’âme qui progressivement se détache. Déjà transparaît la puissance libératrice du Christ, à laquelle Bernard consacre le long sermon pour le Mercredi Saint : vainqueur de la convoitise, de tous les péchés, le Christ l’est parce qu’il a repris sur lui labeur et douleur d’Adam. Puis, au soir du Jeudi Saint, Bernard expose à ses moines comment les sacramenta du triduum les purifient du péché : le baptême, l’eucharistie, mais aussi le lavement des pieds, rite essentiel de la vie selon la Règle de saint Benoît, lui aussi signe sacré « par lequel est accordée la grâce invisible ».

L’introduction et l’annotation de ce volume s’attachent particulièrement à faire goûter les sources liturgiques, bibliques ou non, qui affleurent en permanence sous la plume de Bernard.

(L. Mellerin, 2017)

Laurence Mellerin