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SC 56 bis
Athanase d'Alexandrie
Deux apologies
À l'empereur Constance. Pour sa fuitedécembre 1987Introduction, texte critique, traduction et notes de Jan M. Szymusiak, s.j.
Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient et du Centre National des Lettres.Deuxième édition revue et corrigée (remplace le n° 56 paru en 1958)ISBN : 9782204026956276 pagesAccusé à tort et pourchassé, Athanase se réfugie dans le désert et se justifie.Présentation
La paix de l'Église, édictée par Constantin, a mis un terme à la persécution des chrétiens par la puissance publique. Elle n'a en rien établi l'Église dans le calme parfait que l'on imagine. Le combat s'est déplacé. Autour de l'hérésie d'Arius, des luttes, aussi violentes que confuses, s'emparent de l'Orient et de l'Occident. L'ingérence impériale augmente encore le trouble.
Athanase, le grand défenseur de la foi de Nicée, a été tout spécialement atteint par ces secousses. L'évêque d'Alexandrie a passé dix-sept ans en exil sur les quarante-cinq de son épiscopat. Et il a dû se défendre des calomnies lancées contre lui au sujet de ces absences forcées.
Les deux Apologies donnent un aperçu direct sur l'âpreté des dissensions qui ont déchiré l'Église du IVe siècle. Elles sont de précieux documents pour la réflexion sur les rapports de l'Église et de l'État. Elles sont un témoignage de foi de la part d'un homme qui souffre violence pour la justice et d'un évêque que ne cesse de tenir éveillé le souci de ses fidèles.Le mot des Sources Chrétiennes
Avec les Deux Apologies d'Athanase d'Alexandrie (Jan M. Szymusiak a complètement remis à jour, dans ce n° 56 bis, sa première édition), nous voici transportés du début du IVe siècle. La fin des persécutions n'a pas du tout établi dans la tranquillité cette Église « constantinienne » dont on a tellement faussé l'image. C'est une période très tourmentée où s'affrontent Ariens et Nicéens et où les empereurs favorisent dans l'ensemble plutôt l'hérésie. Ainsi l'orthodoxie a-t-elle eu à s'opposer à Constance, fils et successeur de Constantin sur l'Orient comme sur l'Occident.
Au moment le plus aigu du conflit, la défense de la foi a fait corps avec une protestation de liberté religieuse. Tels résonnent encore les courts et véhéments traités du grand témoin que fut Athanase.Dominique Bertrand
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Apologie à l’empereur Constance
Sous le règne de l’empereur Constance (unique empereur à partir de 350), qui favorise l’arianisme homéen, Athanase, défenseur intransigeant de Nicée, subit des pressions du pouvoir et va connaître son troisième exil : condamné par les conciles d’Arles (353) puis de Milan (355), il est menacé et doit finalement s’enfuir d’Alexandrie en février 356, pour se réfugier chez des moines du désert jusqu’en février 362. Il écrit plusieurs textes pour justifier sa position. L’Apologie à Constance, commencée peut-être dès 353 (pour la partie 1-21), est reprise et achevée vers la fin de l’été ou l’automne 357, alors qu’il se cache au désert. Il se défend des accusations portées contre lui, raconte les événements de 356 et demande justice à l’empereur.
Le texte grec de l’Apologie nous est transmis par 7 manuscrits entre le 11e et le 14e siècle, répartis en deux familles.
Contenu
Mensonge des accusateurs d’Athanase. Réfutation de la première accusation : Athanase aurait cherché à diviser les deux empereurs, Constant et Constance. Rapports d’Athanase avec Constant : jamais d’entrevue privée. Récit de l’exil d’Athanase en Occident, montrant qu’il n’a jamais pu tenir les propos dont on l’accuse. Réfutation de la deuxième accusation : s’être compromis avec l’usurpateur Magnence. Athanase n’a jamais écrit à Magnence, il n’a eu aucun contact avec lui. Invraisemblance de l’accusation, témoignages en sa faveur, inexistence des prétendues pièces à conviction. Réfutation de la troisième accusation : Athanase aurait célébré la synaxe dans une église non achevée. Oui, cependant il ne s’agissait pas d’une célébration de dédicace, mais d’une célébration de Pâques faite ici parce que l’église était grande, les autres trop petites pour la foule : ces raisons pratiques l’ont emporté. Que Constance vienne pour la célébration de la dédicace ! Dernière accusation : Athanase désobéirait à l’empereur en refusant de quitter son église. Mais Athanase n’a pas été convoqué par Constance comme on l’a fait croire.
Dernières péripéties. Menées de Diogenès et de Syrianos qui veulent le chasser. Athanase demande un ordre écrit de l’empereur, se réclamant des recommandations de Constance lui-même ; il n’en obtient pas et ne donne pas suite. Coup de force de Syrianos le 8 février. Informations sur les troubles subis par les évêques d’Occident, puis par ceux d’égypte et de Libye. Persécutions des évêques ; manœuvres des ariens qui occupent les sièges laissés libres. Athanase recherché ainsi que l’évêque d’Axoum, Frumentius. Citation des lettres de Constance sur lui et sur Frumentius. Athanase décide de se cacher au désert : sa fuite n’est pas une lâcheté. Les vierges, admirées de tous, sont attaquées par les ariens, preuve de la perversion de ceux-ci. Athanase n’a pas voulu se mettre en danger inutilement ; il s’en remet à l’empereur.
Apologie pour sa fuite
Sous le règne de l’empereur Constance (qui devient unique empereur à partir de 350), qui favorise l’arianisme homéen, Athanase, défenseur intransigeant de Nicée, subit des pressions du pouvoir et va connaître son troisième exil : condamné par les conciles d’Arles (353) puis de Milan (355), il est menacé et doit finalement s’enfuir d’Alexandrie en février 356, pour se réfugier chez des moines du désert jusqu’en février 362. Il écrit plusieurs textes pour justifier sa position. L’Apologie pour sa fuite date sans doute de la fin de l’été 357. Il justifie sa fuite au désert, contre ceux qui l’accusaient de lâcheté en ayant voulu fuir une persécution, et adopte vis-à-vis de Constance un ton plus sévère et hostile que dans l’Apologie à Constance écrite peu auparavant. Après son retour d’exil, en février 362, Athanase fit lire cette Apologie au synode des Confesseurs qu’il réunit à Alexandrie dès son retour.
Le texte grec se trouve dans une douzaine de manuscrits, entre le 11e et le 16e siècle, dont les 7 qui contiennent l’Apologie à Constance ; on peut y distinguer 3 groupes.
Contenu
Perversité des ariens et des juifs infidèles aux écritures. Les ariens sont violents : énumération d’évêques qu’ils ont persécutés, jusqu’à Ossius de Cordoue ; leurs méfaits contre tous à Alexandrie et en Égypte. Défense de sa fuite : fuir n’est pas violent comme persécuter. Ses accusateurs sont des hypocrites, dénoncés déjà dans l’écriture. Même le Verbe incarné s’est caché quand on le recherchait (épisodes de l’évangile). Dieu est maître du moment de mourir pour chacun. Le Seigneur s’est laissé conduire à la mort quand son heure fut venue. Donc, la fuite n’est pas forcément une lâcheté : divers exemples de l’AT (et Paul). Même dans la fuite, les saints annoncent l’évangile. Mais la persécution vient du diable. Récit : comment la Providence a aidé Athanase à fuir le 8 février 356. Les précédents : Pierre, Paul, Moïse, David… Indignité des évêques adversaires d’Athanase.
Extrait(s)
Apologie à l'empereur Constance 6-7 (p. 101-103)
Ce démon de Magnence – le Seigneur m’en est témoin et témoin son Christ – je ne le connais pas et il m’est totalement étranger. Quelle relation peut-il y avoir d’inconnu à inconnu, quel prétexte pouvait me pousser à écrire à un homme de ce genre ? Quel début aurais-je inventé pour ma lettre, si j’avais tenté de lui écrire ? Ceci, peut-être : « Un homme qui me donnait des marques d’honneur et dont jamais les bienfaits ne sauraient s’effacer de ma mémoire, tu l’as tué et tu as bien fait. Par ailleurs je te félicite pour les chrétiens, mes amis et mes hommes de confiance, de les avoir supprimés. Nous t’admirons d’avoir égorgé ceux qui nous ont fraternellement reçus à Rome, la bienheureuse Eutrope (ta tante, prince) la bien nommée, Aboutérios au cœur généreux, le très fidèle Spérantius et beaucoup d’autres personnes de valeur » ?
Apologie pour sa fuite 24 (p. 235-237)
La nuit était déjà tombée, quelques fidèles veillaient dans l’attente de la synaxe. Soudain le général Syrianos se trouva là avec des soldats, plus de cinq mille en armes, les glaives tirés, des arcs, des flèches, des bâtons. Il fit encercler l’église, s’occupant lui-même de placer ses soldats tout près, pour que personne ne pût quitter l’église et leur échapper. Pour moi, j’estimai indigne d’abandonner mon peuple en un moment si critique, au lieu de le protéger. Je pris place sur mon trône et donnai ordre au diacre de lire un psaume, et au peuple de participer en répondant : Car éternelle est sa miséricorde (Ps 135, 1). Là-dessus tout le monde devait partir et rentrer chacun chez soi. Mais le général avait alors forcé l’entrée et ses hommes encerclaient le chœur pour se saisir de nous.
Les clercs présents et le peuple commençaient à crier, estimant déjà venu le moment de nous éloigner nous aussi. Pour moi, je répondais que je ne m’en irais pas avant que tous, jusqu’au dernier, ne se fussent échappés. Aussi me levai-je et, ayant ordonné de prier, je réclamai que tous s’en allassent d’abord. Il vaut mieux, disais-je, courir moi-même un danger que de voir maltraiter l’un d’entre vous.
La plupart étaient donc sortis et le reste suivait quand les moines de notre entourage et quelques clercs qui étaient revenus nous entraînèrent. Et c’est ainsi que nous nous échappâmes : la Vérité m’en est témoin, une partie des soldats encerclait le chœur et l’autre patrouillait autour de l’église. Le Seigneur nous guidait et nous parlait lui-même ; nous nous éloignâmes à leur insu.
Errata
Page
Localisation
Texte concerné
Correction
Remarques
6
l. 4 ab imo
1re édition, 1956
1956, n°56, 1re édition
1987, n°65bis, 2e édition revue et augmentée117
l. 17
villeoour se réunit
ville pour se réunir
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