• SC 557

    Euthèrios de Tyane

    Protestation. Lettres

    février 2014

    Texte de M. Tetz (PTS) — Introduction, traduction et notes par Joseph Paramelle, s.j. avec la collaboration de Louis Neyrand, s.j.

    Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.
    Révision assurée par Dominique BertrandBernard Meunier.
    ISBN : 9782204102148
    403 pages
    « Est-ce le grand nombre qui indique où est la vérité ? » Le pamphlet d'un déçu venu d'une Église devenue minoritaire.

    Présentation

    Évêque de Tyane en Cappadoce, Euthèrios est un ami de Nestorius ; c’est dire qu’il a choisi le mauvais camp dans la querelle christologique du concile d’Éphèse (431). Il écrit juste après la tenue du concile, pour protester contre ses décisions, défendre Nestorius à ses yeux injustement condamné, et poursuivre la dénonciation de la théologie de Cyrille qu’il tient pour apollinariste. Il rend ainsi la parole au vaincu d’Éphèse, destitué et retiré dans un monastère près d’Antioche. Sa Protestation, écrite avec talent et fougue à l’ombre de l’œuvre plus connue d’un Théodoret de Cyr, illustre les idées du milieu antiochien sur l’unité du Christ homme et Dieu, sur sa vie d’homme et sa Passion ; elle nous éclaire aussi sur le sens de son combat et de sa fidélité à Nestorius.

    Publiées ici à la suite de l’œuvre, cinq Lettres nous renseignent sur les discussions dans le milieu antiochien après Éphèse, les fidélités, les concessions, les trahisons. Elles sont un document historique de premier ordre.

    Joseph Paramelle, s.j. (1925-2011), fut directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études (section des sciences religieuses) et directeur de la section grecque de l’IRHT. Il a collaboré à de nombreux volumes de la collection Sources Chrétiennes, en particulier

    aux oeuvres de Syméon le Nouveau Théologien.

    Louis Neyrand, s.j. (1915-2012), membre de l’équipe des Sources Chrétiennes, est l’auteur ou le réviseur de très nombreux volumes. Il a notamment publié Syméon le Nouveau Théologien avec J. Paramelle, et plus récemment Apponius avec B. de Vregille.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Ce volume, dû à deux jésuites anciens collaborateurs de la maison, aujourd’hui décédés, nous plonge au cœur des affrontements christologiques autour du concile d’Éphèse (431). Il nous offre le point de vue des vaincus : Euthèrios, évêque cappadocien, est un ami de Nestorius et lui restera fidèle jusqu’au bout, quitte à être déposé et exilé. On conçoit sa rancœur envers ceux qu’il estime avoir trahi (y compris son archevêque, Jean d’Antioche), parce qu’ils se sont ralliés à la paix conclue en 433, lorsque deux ans après le concile, qui n’avait pu rétablir la communion, « orientaux » et « alexandrins » se sont enfin mis d’accord sur un énoncé de foi, au soulagement de beaucoup, mais au vif déplaisir des jusqu’au-boutistes de chaque camp, dont Euthèrios.

    Cette Protestation est un pamphlet au ton passionné. Il argumente sans concession contre les faux prétextes, comme l’idée qu’il faut rejoindre la majorité : « Est-ce le grand nombre qui indique où est la vérité ? À Sodome, de quel côté était le grand nombre ? » Il aborde aussi le fond du débat : entre la théologie de Cyrille qui ne voit que le Verbe auteur de tous les actes du Christ, et celle de Nestorius qui respecte l’autonomie humaine du Christ, quelle théologie est la plus conforme aux données de l’évangile ? Pour l’auteur Nestorius est orthodoxe, il prêche la foi des apôtres ; ce sont donc les apôtres qu’on accuse… En bon nestorien, Euthèrios se soucie de respecter la transcendance de Dieu, et évite d’engager la divinité du Verbe dans les vicissitudes de l’incarnation et de la vie de Jésus, d’où un langage un peu « séparatiste » à propos du Christ, distinguant soigneusement ce qui relève en lui du Verbe et ce qui relève de l’homme Jésus ; il accuse Cyrille et ses amis de confesser un Verbe sujet aux passions et au changement en « devenant chair ». Le dossier scripturaire de la controverse est repris, discuté, en fonction de clefs de lecture théologiques. Nous avons là à la fois un échantillon de polémique comme les auteurs anciens savaient en mener, et un témoignage d’une sensibilité théologique et d’une approche du Christ qui seront souvent marginalisées, mais toujours résurgentes au fil des siècles, jusqu’à ce que l’époque moderne leur apporte son suffrage.

    Bernard Meunier

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Protestation (Contre les Théopaschites)

    Euthèrios, évêque de Tyane en Cappadoce, était de tendance antiochienne, proche de Nestorius et de Jean d’Antioche au moment du concile d’éphèse (431). Il fut condamné en même temps que Nestorius par le concile cyrillien majoritaire et refusera la réconciliation signée en 433 par Cyrille et Jean d’Antioche sur la base d’une confession christologique commune. Il accuse Jean d’avoir trahi la cause antiochienne et particulièrement Nestorius, puisque l’une des conditions de la paix était d’accepter la déposition de Nestorius par Cyrille, ce que fit Jean. Euthèrios écrit cette Protestation peu après la réconciliation de 433, pour justifier sa position et son refus de la paix. La Protestation est adressée à un certain Eustathe, probablement un autre évêque de Cappadoce déposé comme lui par le concile d’éphèse.

    Le texte d’Euthèrios s’est transmis en grec dans les manuscrits sous le nom d’Athanase qui lui a évité la censure réservée à ceux qui étaient du mauvais côté de l’histoire. L’édition de Tetz reprise ici repose sur 7 manuscrits divisés en trois branches. Il existe quelques extraits d’époque ancienne en grec, en latin ou en syriaque.

     

    Le texte se divise en 21 chapitres, de 3 à 5 pages chacun, à contenu essentiellement christologique, qui réfutent les arguments de la christologie cyrillienne. Voici les titres originaux : 1. A ceux qui jugent de la vérité seulement d’après le grand nombre. 2. A ceux qui prescrivent qu’il ne faut pas faire de recherches ou parler à partir des écritures, se contentant de la foi qui est la leur. 3. A ceux qui mettent en avant de façon perverse l’expression Le Verbe est devenu chair. 4. A ceux qui interdisent d’accepter deux natures dans le cas de la divine inhumanation. 5. A ceux qui disent qu’affirmer : Autre chose est le Verbe, autre chose la chair, c’est affirmer deux Fils. 6. A ceux qui disent : Confesser que la chair a été assumée comme nature, c’est proclamer une quaternité au lieu de la Trinité. 7. A ceux qui disent que reconnaître notre Maître le Christ comme également homme, c’est mettre ses espérances dans un homme. 8. A ceux qui disent : Il a souffert sans souffrir. 9. A ceux qui disent : Dieu a souffert comme il a voulu. 10. A ceux qui disent qu’il faut recevoir les mots sans examiner ce qu’ils signifient, parce qu’ils dépassent tout esprit humain. 11. A ceux qui disent : le Dieu Verbe a souffert dans la chair. 12. A ceux qui disent : Quel châtiment les juifs subiront-ils, si ce n’est pas un Dieu qu’ils ont tué ? 13. A ceux qui disent : C’est un juif, celui qui ne reconnaît pas que Dieu a été crucifié. 14. A ceux qui disent que les anges qui mangeaient chez Abraham eux non plus n’avaient certainement pas revêtu une nature charnelle. 15. A ceux qui minimisent chaque miracle parce qu’ils nient la chair. 16. A ceux qui font du tort à notre race en refusant de dire que c’est de notre nature qu’a été prise la portion assumée. 17. A ceux qui prescrivent de croire purement et simplement à ce qu’ils disent, sans examiner ce qui convient ou ce qui ne convient pas. 18. A ceux qui suppriment la différence des natures après la Passion et l’enlèvement au ciel. 19. Récapitulation de ce qui a été dit en détail. 20. Sur l’expression signalée plus récemment : composition ou confusion des essences. 21. Sur l’exemple tiré de l’homme en général.

    Lettres

    Euthèrios, évêque de Tyane en Cappadoce, était de tendance antiochienne, proche de Nestorius et de Jean d’Antioche au moment du concile d’éphèse (431). Il fut condamné en même temps que Nestorius par le concile cyrillien majoritaire et refusera la réconciliation signée en 433 par Cyrille et Jean d’Antioche sur la base d’une confession christologique commune. Il accuse Jean d’avoir trahi la cause antiochienne et particulièrement Nestorius, puisque l’une des conditions de la paix était d’accepter la déposition de Nestorius par Cyrille, ce que fit Jean. Nous avons de lui cinq lettres écrites, soit juste avant (lettre 1) soit peu après (lettres 2 à 5) la réconciliation de 433, pour justifier sa position et son refus de la paix. Elles sont adressées respectivement à Jean d’Antioche ; à Helladios de Tarse ; à Alexandre de Hiérapolis et Théodoret de Cyr ; au pape Sixte III ; et de nouveau à Alexandre de Hiérapolis.

    Les lettres d’Euthèrios ont été conservées en latin seulement. Elles étaient citées dans la Tragédie écrite par son ami Irénée de Tyr pour raconter la persécution contre les Antiochiens ; écrite en grec, perdue à son tour, cette Tragédie est en partie conservée en latin par Rusticus qui en cite des extraits dans son Synodicon.

     

    Lettre 1 à Jean : Euthèrios a lu la lettre de Cyrille à Acace de Bérée ; les anathématismes de Cyrille sont à refuser absolument, comme le concile antiochien l’avait fait à éphèse ; leur doctrine est inacceptable et ferait anathématiser Basile et même Paul ; ne pas se laisser tromper par les discours conciliateurs de Cyrille ; la façon dont il a fait condamner Nestorius est inacceptable et on ne peut y donner son assentiment.

    Lettre 2 à Helladios : Euthèrios, blessé par les lettres de réconciliation de Cyrille et Jean, s’accorde avec la résistance d’Helladios.

    Lettre 3 à Alexandre de Hiérapolis et Théodoret : E. loue leur résistance à la fausse paix et leur demande d’alerter l’Occident.

    Lettre 4 au pape Sixte III : L’égypte est depuis Moïse le pays de l’hérésie ; le siège apostolique a toujours su résister aux manœuvres, il doit le faire encore ; Cyrille a écrit des anathématismes hérétiques ; résumé des événements d’Ephèse, injustice faite à Nestorius, conduite de Cyrille et Memnon qui se sont absous eux-mêmes, ont désobéi à l’empereur, exercé une tyrannie sur les autres évêques et calomnié Nestorius ; trahison de Jean d’Antioche qui s’est renié lui-même ; supplication finale au pape pour qu’il rétablisse l’ordre et la vraie foi.

    Lettre 5 à Alexandre de Hiérapolis (c’est la plus longue, une vingtaine de pages) : Relecture de la procédure de réconciliation entre Cyrille et Jean d’Antioche en 433 ; citations de Cyrille pour montrer sa duplicité et ses mensonges ; Nestorius condamné injustement : Euthèrios le prouve en mettant en regard des extraits de sermons de Nestorius et de la lettre d’union de 433 : la doctrine est la même. Rappel de la foi de Diodore de Tarse sur Marie mère de Dieu et mère de l’homme. Cyrille approuve dans la lettre d’union des affirmations qu’il avait condamnées dans la lettre à lui écrite par Nestorius : comparaison d’autres extraits. Mais Cyrille a réintroduit dans la lettre d’union la doctrine des anathématismes quand il affirme l’unité de sujet entre le Verbe et la chair. Paul, lui, n’a pas confondu les sujets (cf. Ph 2). Ambiguïtés dans le langage de la formule d’union ; quelques formules de Cyrille sont examinées pour montrer que la lettre d’union ne fait que dissimuler son hérésie et attribue des souffrances au Verbe. En l’approuvant, Jean d’Antioche pactise avec l’hérésie apollinariste et trahit la foi. Hypocrisie de Jean et de ses compagnons.

    Extrait(s)

    Protest. 1 (SC 557, p. 87)

    Comment ne pas plaindre ceux qui mesurent seulement d’après le grand nombre la force du raisonnement, sans réfléchir à ceci que le Christ, notre Maître, c’est à douze disciples simples, sans instruction, pauvres, fragiles qu’il a fait le don de cette audace contre le monde entier, et qu’il a fait en sorte que ce ne sont pas ces douze qui se sont conformés aux multitudes, mais que les multitudes se sont soumises aux douze ? C’est ainsi que toujours la vérité aura le dernier mot, même si pour le moment elle se trouve chez le petit nombre, mais celui qui n’ose pas rendre raison de la question proposée, qui se trouve à court de preuves et qui pour cela recourt au grand nombre, reconnaît par là sa défaite.

    Lettre 4, 3 (SC 557, p. 275-277)

    Cyrille a proposé à Nestorius, ou bien de consentir à ses anathématismes et de les signer, et demeurer évêque, ou bien de mettre à coup sûr en jeu son épiscopat et d’être chassé de l’église. Mais lui, à cette proposition impie, préféra la crainte de Dieu et choisit de s’offrir lui-même à subir injustement bien des milliers de dangers plutôt que d’accorder son assentiment à ces hérésies trompeuses et de confirmer l’erreur du monde entier.

    Pour en traiter, un concile s’est réuni à Ephèse, et sans avoir été mis en accusation ni été amené à présenter sa défense, avant l’arrivée de tous ceux qui étaient attendus, Nestorius a subi le châtiment pour s’être opposé aux blasphèmes de ces anathématismes, et avec la plus grande cruauté il a été soumis à la prétendue condamnation et à d’autres peines – alors que Cyrille à coup sûr n’avait pas autorité de juge mais était en situation d’accusé, vu que l’un et l’autre s’étaient mutuellement mis en cause.

    Errata

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    Texte concerné

    Correction

    Remarques

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    n. n

    He 2,17

    He 2,17 et 4,15

     

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    n. m

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    l. 14

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