SC 555

Michel Fédou, jésuite, agrégé de Lettres, enseigne au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris. Il est l’auteur de plusieurs publications sur Origène. Luc Brésard, o.c.s.o., est moine de l’Abbaye de Cîteaux. Il a contribué à l’édition du Commentaire sur le Cantique des cantiques et des Homélies sur les psaumes 36 à 38.

Ce quatrième et dernier tome complète la grande œuvre d’Origène, en commentant toute la fin de Romains, c’est-à-dire les chapitres 12 à 16. Le début met en lumière la perspective de fond de l’épître telle que la lit Origène : le déplacement de la « religion » (comprise comme lien à Dieu), passée d’Israël aux nations, et source de toutes les antithèses : lettre/esprit, ombre/vérité, etc. Qu’est-ce que le « culte spirituel », agréable à Dieu ? C’est vivre déjà selon le Royaume, par le moyen des écritures méditées dans leur sens profond. Origène est convaincu qu’on ne s’approche de Dieu que par l’écriture, premier lieu où Dieu s’est donné. Le croyant ainsi renouvelé ne se contente plus de ce que Dieu tolère – comme faire roi Saül en 1 S 8 – mais veut désormais ce que Dieu veut (cf. Rm 12, 2), au lieu de faire vouloir à Dieu ce que lui-même veut !
La comparaison du corps (Rm 12) permet à Origène de rappeler que non seulement les charismes sont complémentaires, mais que chacun est responsable de tous les autres, et veille sur la communion de tous. Ainsi, qui fait la charité la fait au nom de tous, et tous la font avec lui, même s’ils sont voués à un autre service. Et ne nous demandons pas si c’est le mérite ou la volonté qui ont valu à chacun sa fonction : nous n’en savons rien! Le chapitre 13 de Romains est l’occasion d’une réflexion sur le rapport du chrétien au pouvoir civil: par une sorte de principe de subsidiarité, la loi humaine, celle des états, énonce pour nous la plupart des préceptes de la morale ; la loi divine vient seulement la compléter pour ce qui est plus spirituel. Les deux, loin de s’opposer, s’appuient l’une sur l’autre, d’où l’idée que le pouvoir civil puisse être le « bras séculier », idée qu’Augustin développera plus tard dans le cadre du conflit donatiste. Ce ne sont là que quelques thèmes : au fil de l’épître, la richesse et la diversité de l’œuvre origénienne sont grandes.

Bernard Meunier

Livre IX : Rm 12, 1 – 14, 15. Le service spirituel de Dieu : lui offrir un corps pur ; comment un corps est pur ; renouveler sa pensée pour discerner la volonté de Dieu. Parler et agir dans la grâce ; être sage avec modération ; des dons à la mesure de la foi ; complémentarité et unité des charismes comme les membres d’un corps. Part de Dieu, part de l’homme dans la grâce. Commentaire des différentes injonctions de Paul sur la conduite chrétienne (Rm 12, 9-21). Réflexion sur l’autorité (Rm 13, 1s.). Rendre à chacun ce qu’on lui doit, y compris l’impôt. L’amour accomplit les commandements. Lumière et ténèbres, les combats de l’âme. Respect entre forts et faibles dans la foi, tolérance pour la diversité des pratiques. Vivre et mourir pour le Christ. Laisser tout jugement à Dieu et au Christ. Le « commun », le pur, les observances.

Livre X : Rm 14, 16 – 16, 27. Anticipons le Royaume et servons le Christ dans une vie vertueuse, permettons à la paix de s’établir. Nourriture pure ou impure, ce qu’il faut, c’est ne pas choquer son frère. La foi est ce qui oriente tous nos actes. Supporter la faiblesse, supporter le péché ; le Christ identifié aux disciples, insulté avec eux ; l’Ancien Testament écrit pour nous. Dieu bénit ceux qui sont unis. Dans le Christ Dieu renouvelle l’alliance, représentée par la circoncision. Par la croix, les croyants sont en paix avec Dieu selon le souhait de Paul. Dans l’église nous apprenons la perfection. Sanctifier l’évangile comme Paul, c’est l’annoncer sans contre-témoignage dans sa vie. Se glorifier dans les signes et les prodiges sans faire obstacle à l’action du Christ. Contexte où Paul écrit aux Romains. Sens spirituel de la collecte pour Jérusalem. Combat de la prière contre les puissances hostiles. Commentaire des différentes salutations personnelles du chap. 16, avec remarques sur le rôle des femmes, l’hospitalité, les différentes captivités, les liens de parenté spirituelle de Paul. Les scandales provoqués par la cupidité parmi les chrétiens ; obéissance et discernement chez ceux de Rome. être sages pour le bien. écraser Satan. Tout est grâce. De nouveau, parenté spirituelle. Intervention de Marcion dans le texte de la fin de l’épître ; pourquoi garder le silence sur le mystère ; Dieu seul sage. épilogue de Rufin sur son travail de traducteur.

(IX, 4, p. 113)

Que votre amour soit sans feinte (Rm 12, 9). Je pense quant à moi que tout amour qui n’est pas selon Dieu est feint et n’est pas vrai. Et en effet Dieu, le créateur de l’âme, a implanté en elle le sentiment de l’amour, en même temps que toutes les autres vertus, à cette fin qu’elle aime Dieu et ce que Dieu veut. Donc, puisque dans l’âme il a donné cette tâche à l’amour, on doit dire qu’en quiconque aime autre chose que Dieu et ce qui plaît à Dieu, l’amour est feint et simulé. Mais aussi, si quelqu’un aime son prochain et que, quand il le voit dans l’erreur, il ne l’avertisse pas ni ne le corrige, on doit dire que cet amour est feint. Et c’est pourquoi l’amour ne doit avoir rien d’adultère, rien de contrefait, tout comme l’Apôtre le dit pareillement ailleurs : L’amour qui vient d’un cœur pur et d’une bonne conscience et d’une foi non feinte (1 Tm 1, 5).

(IX, 30, 2-3, p. 181-183)

Mais il me semble que l’expression : Rendez à chacun ce qui lui est dû : à celui à qui est dû, l’impôt ; à celui à qui la taxe est due, la taxe, est bien distincte de ce qui est ajouté à la suite : à celui à qui la crainte est due, la crainte ; à celui à qui l’honneur est dû, l’honneur, et que les impôts et les taxes concernent ceux que nous avons appelés plus haut « serviteurs ». Ceux-ci, en effet, exigent de nous les impôts de notre terre et les taxes de nos affaires. Et que dis-je, « de nous » ? De notre Seigneur Jésus-Christ aussi, quand il était dans la chair, a été exigé un impôt ; c’est pour cette raison qu’il déclare payer, non point qu’il soit débiteur, mais pour ne pas scandaliser. Or si lui, qui n’avait rien en lui de César, lui en qui le Prince de ce monde à son arrivée n’a rien trouvé qui lui appartînt, tout libre qu’il fût, a cependant payé l’impôt – en effet, il est venu jusqu’à la mort pour être libre parmi les morts –, combien plus il est nécessaire que nous, nous payions ces impôts de la chair et de nos affaires, si du moins nous négocions les perles du royaume des cieux, à travers diverses épreuves, pour les esprits qui exigent de nous que nous les dépensions ! Mais la crainte et l’honneur, nous devons plutôt les rapporter à celui qui dit par le prophète : Ne m’appelez-vous pas Seigneur et Père ? Et si je suis le Seigneur, où est ma crainte ? Et si je suis Père, où est mon honneur ?