• SC 547

    Cyprien de Carthage

    Ceux qui sont tombés
    (De lapsis)

    août 2012

    Texte critique du CCL 3 (M. Bévenot). – Introduction par Graeme Clarke et Michel Poirier. Traduction par Michel Poirier. Apparats, notes et index par Graeme Clarke.

    Révision assurée par Yasmine Ech Chael.
    ISBN : 9782204099158
    262 pages
    Beaucoup de chrétiens ont renié leur foi : et après ? La position nuancée du « pape » de l'Afrique, mort martyr en 258.

    Présentation

    Participer de près ou de loin à un sacrifice aux dieux païens est une faute qui exclut de l’Église. Mais que faire lorsque des dizaines, des centaines de chrétiens ont commis cette faute ? Sous l’empereur Dèce, en 250, on risquait la prison, l’exil, la confiscation des biens, la torture, la mort même, si l’on ne participait pas aux sacrifices publics exigés par l’empereur pour ressouder l’unité du monde romain. Beaucoup ont faibli, sont « tombés », ce sont les lapsi.

    Des rigoristes n’envisageaient aucune réconciliation pour ces lapsi ; des laxistes accueillaient les fautifs sans vraie repentance, surtout s’ils étaient porteurs de billets d’indulgence signés par des martyrs avant leur mort ou par des confesseurs de la foi. Entre les deux, Cyprien refuse d’interdire l’espoir, mais exige qu’on prenne conscience de la gravité de la faute commise et qu’on pratique une authentique pénitence, dans les larmes, la prière, le jeûne, l’aumône. Exhorter les fautifs pour qu’ils se plient à ces exigences, c’est les aimer vraiment et leur ouvrir l’espérance.

    Graeme W. Clarke, spécialiste de Cyprien et éditeur de ses Lettres, est professeur émérite à l’Université nationale australienne (Canberra).

    Michel Poirier est professeur honoraire de Première Supérieure au lycée Henri-IV (Paris) et a déjà traduit Cyprien dans la Collection (La Bienfaisance et les Aumônes, La Jalousie et l’Envie, et en collaboration, L’Unité de l’Église).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    On connaît bien le contexte dans lequel le grand archevêque de Carthage, au milieu du IIIe siècle, écrit ce petit traité : nous sommes au printemps 251, dans les suites immédiates de la persécution de Dèce, alors que de nombreux chrétiens avaient « flanché » pendant la persécution (on les appelait les lapsi), et renié, au moins en apparence, la foi au Christ en accomplissant le sacrifice aux dieux de l’empire que le pouvoir exigeait de tout citoyen. Après la persécution, ces chrétiens demandaient leur réintégration dans la communauté, et les croyants étaient profondément divisés sur la conduite à tenir, les uns optant pour l’indulgence, les autres pour la rigueur. Le problème, à Carthage, était compliqué par la contestation de l’élection, encore récente, de Cyprien. Et comme ce dernier avait choisi de se cacher hors de Carthage pendant la persécution pour continuer à diriger la communauté chrétienne de loin, il se voyait aussi reprocher ce choix, et semblait dès lors mal placé pour critiquer une réintégration massive des lapsi. On voit que la situation était compliquée, et que la marge de manœuvre de Cyprien était bien étroite pour imposer son autorité et ses décisions. Son traité tente avec finesse et fermeté de dessiner une voie cohérente et juste, qui consiste à empêcher les réconciliations trop faciles et sans garanties, tout en se désolidarisant des rigoristes qui refusent toute possibilité de réconciliation. Il fait l’éloge des confesseurs de la foi, réfléchit sur les causes du reniement des lapsi, et remet à leur place ceux des prêtres et des confesseurs qui leur ont, de leur propre chef, accordé la réconciliation, se substituant ainsi au ministère des évêques. Tout cela, en évitant de provoquer schismes et querelles et en œuvrant pour le retour à la communion et à l’unité, bien nécessaires dans une communauté qui vient d’être durement frappée. Cyprien se montre là autant pasteur que théologien, sans oublier d’être un écrivain de talent : ce petit livre, célèbre, peut permettre à beaucoup d’entrer dans l’œuvre et la pensée de cette grande figure de l’histoire de l’Église.

    Bernard Meunier

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Peu après son élection sur le siège épiscopal de Carthage en 249, au printemps 251, Cyprien doit faire face aux suites immédiates de la persécution de Dèce. En effet, de nombreux chrétiens avaient faibli pendant la persécution, d’où leur appellation de lapsi, et renié, au moins en apparence, la foi au Christ en accomplissant le sacrifice aux dieux de l’empire que le pouvoir exigeait de tout citoyen. Après la persécution, ces chrétiens demandent leur réintégration dans la communauté. Les croyants sont profondément divisés sur la conduite à tenir, les uns optant pour l’indulgence, les autres pour la rigueur. À Carthage, le problème posé par cette demande se double de la contestation de l’élection, encore récente, de Cyprien. Or ce dernier avait choisi de fuir Carthage pendant la persécution pour se cacher et continuer à diriger la communauté chrétienne de loin. Il se voyait donc reprocher ce choix, et semble dès lors mal placé pour critiquer une réintégration massive des lapsi. Or le traité Ceux qui sont tombés (De lapsis) montre une grande sévérité envers les apostats. Cependant, lors du concile de Carthage de 251, que la rédaction de l’ouvrage précède de peu, la position de Cyprien évolue déjà vers une voie moins sévère.

    Le texte critique de la présente édition reproduit celle du Corpus Christianorum Series Latina 3 (1972) de Bévenot, elle-même réalisée à partir d’une sélection de manuscrits opérée sur une tradition manuscrite particulièrement riche et marquée par des contaminations croisées. L’apparat critique a été enrichi de leçons de manuscrits publiés ultérieurement, tels ceux d’un florilège de Florus de Lyon.

     

    Le traité tente avec finesse et fermeté de dessiner une voie cohérente et juste, qui consiste à empêcher les réconciliations trop faciles et sans garanties, tout en se désolidarisant des rigoristes qui refusent toute possibilité de réconciliation. Il fait l’éloge des confesseurs de la foi, réfléchit sur les causes du reniement des lapsi, et remet à leur place ceux des prêtres et des confesseurs qui leur ont, de leur propre chef, accordé la réconciliation, se substituant ainsi au ministère des évêques. Tout cela, en évitant de provoquer schismes et querelles et en œuvrant pour le retour à la communion et à l’unité, bien nécessaires dans une communauté qui vient d’être durement frappée. Cyprien se montre là autant pasteur que théologien.

    L’œuvre, qui ne ménage pas ceux qu’il s’agit de ramener sur le droit chemin, se présente enchâssée entre deux évocations de la joie de l’Église (in laetitiam mentes redeunt dès la quatrième ligne, laetam ecclesiam à deux lignes de la fin). Elle s’ouvre en un chant d’action de grâces et d’allégresse qui célèbre la fin de la persécution et le retour de tous ceux qui ont tenu bon dans une assemblée qui peut enfin se tenir librement, en une sorte de procession imaginaire, et s’achève des conseils aux lapsi pour leur retour à Dieu – d’abord l’aveu, ensuite une vie marquée par un deuil sincère et austère, la prière de repentance, la rupture avec les inconscients et les mauvais conseillers opposés à la pénitence, et encore une fois la prière, le jeûne, l’aumône – suivie d’une note triomphale d’espérance. La fin de la procession imaginaire d’introduction s’accompagne d’une déploration émue pour les pertes, les blessures que l’Église a souffertes en la personne de ceux qui ont renié leur foi et succombé ainsi aux attaques de l’Adversaire. Le développement enchaîne sur cette seconde partie, négative, de l’introduction, et tout le reste du traité en dérive, sous la forme d’un long et circonstancié constat du dégât (chapitres 5 à 28), puis d’un vigoureux appel adressé à ceux qui ont failli pour qu’ils se donnent à une pénitence plénière (chapitres 29 à 35). Cependant, malgré le tableau très sombre qu’il dresse des chutes provoquées pendant la persécution, Cyprien a le souci pastoral de réaffirmer que sa sévérité n’est pas hostilité mais bienveillance éclairée.

    Extrait(s)

    (16, p. 167-169)

    On méprise et dédaigne tout cela, et l’on fait violence au corps et au sang du Seigneur ; leurs mains et leur bouche sont plus fautives envers lui maintenant que lorsqu’ils l’ont renié. Avant d’avoir expié leur faute, avant d’avoir fait l’aveu de leur forfait, avant d’avoir purifié leur conscience par le saint ministère et la main de l’évêque, avant d’avoir apaisé le Seigneur offensé dont l’indignation les menace, ils s’imaginent que la marchandise que certains cherchent à leur vendre en des discours trompeurs est la paix. Il n’y a pas là de paix, mais une guerre, et l’on n’unit pas quelqu’un à l’Église en le séparant de l’Évangile. Pourquoi appellent-ils bienfait le dommage ainsi infligé ? Pourquoi donnent-ils à l’impiété le nom de piété ? Pourquoi accordent-ils un simulacre de communion à des gens qui devraient pleurer sans relâche en suppliant leur Seigneur et dont ils ont interrompu les gémissements de pénitence ? C’est là pour les chrétiens qui ont failli quelque chose du même ordre que la grêle pour des récoltes, qu’un violent orage pour des arbres, une épidémie ravageuse pour des bestiaux, une tempête déchaînée pour des bateaux. Ils suppriment la consolation que comporte l’espérance, ils jettent bas depuis la racine, ils s’insinuent par des discours malsains en provoquant une infection mortelle, ils poussent le navire sur des écueils pour l’empêcher d’arriver au port. Cette complaisance ne permet pas la paix, elle l’interdit, elle ne dispense pas la communion mais elle fait obstacle au salut.

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