• SC 500

    Cyprien de Carthage

    L'unité de l'Église

    mars 2006

    Préface par Mgr Claude Dagens. — Texte critique du CCL 3 (M. Bévenot). — Introduction par Paolo Siniscalco et Paul Mattei. — Traduction par Michel Poirier. — Apparats, notes, appendices et index par P. Mattei.

    Révision assurée par Blandine Sauvlet.
    ISBN : 9782204081320
    334 pages

    « L’Église est une, tout en devenant multitude » : la foi d’un « pape » africain pour toute l’Église.

    Présentation

    Le De ecclesiae catholicae unitate est un écrit de circonstance, né de la persécution de Dèce, en 250-251, et de ses retombées : à Rome comme en Afrique, prétentions des « confesseurs » qui réconciliaient les lapsi (« ceux qui avaient failli », en sacrifiant aux idoles) sans attendre l'aval de l'évêque; schismes qui, la persécution s'éloignant, à la prudence épiscopale envers les « faillis » opposèrent laxistes autant que rigoristes.
    Contre ces divisions Cyprien prêche l'unitas : l'Église, locale et universelle, est unique et une. Mais l'unitas,tâche à réaliser, est d'abord une grâce. En sa substance, l'Église est la présence même, face à un monde vieux et désarticulé, du Dieu unique et un. La vision de Cyprien, théologale et liturgique, adosse le mystère de l'Église au mystère de Dieu : par le ministère de l'évêque légitime, le corps ecclésial, dans l'Eucharistie, s'unit au Christ souffrant et ressuscité, d'où jaillit la vie trinitaire. Le traité prend alors un relief singulier. S'il n'expose pas toute l'ecclésiologie de l'auteur (malgré les apparences, il ni dit rien du rôle de l'Église romaine), il éclaire sa pensée et son action, jusqu'en leur ambivalence : primat de l'amour, qui est Dieu, et exclusivisme, qui refuse aux dissidents le salut, offert seulement dans la communion catholique visible.
    Écrit de circonstance, le De unitate est ainsi un point nodal. Ses limites, à comprendre dans l'histoire, contraignent aujourd'hui de relire la tradition qui en dépend (Augustin lui-même !) ; ses intuitions, retrouvées par les catholiques à Vatican II, sont de nature à stimuler la méditation sur l'Église et (paradoxe?) à favoriser le travail œcuménique.


    A écouter : l'interview de Jean-Noël Guinot par Béatrice Soltner (RCF) à propos de la sortie du 500e volume, diffusée en mai 2006 (mp3, 6,3 Mo, 10'47)

    Paul Mattei, professeur à l'Université Lumière – Lyon II, achève pour les Sources Chrétiennes l'édition du Pseudo-Cyprien, Le second baptême.
    Michel Poirier, professeur honoraire de Première Supérieure au Lycée Henri-IV (Paris), a publié dans la collection La Bienfaisance et les aumônes de Cyprien.
    Paolo Siniscalco, professeur émérite à l'Université La Sapienza (Rome), est l'auteur de plusieurs études sur Cyprien.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Le traité de Cyprien de Carthage sur L'unité de l'Église est un texte de circonstance, lié à la situation de l'Église d'Afrique au lendemain de la persécution de Dèce et des divisions qui étaient apparues au sein des communautés chrétiennes, quand il s'agit de réconcilier « ceux qui avaient failli » en sacrifiant aux idoles. L'ambition de Cyprien n'est donc pas d'écrire un traité complet d'ecclésiologie : sa vision est d'abord celle d'un évêque, confronté à l'existence de schismes dans l'Église qui lui est confiée et cherchant à conduire fidèles et dissidents à l'unique source de la vérité, le Christ souffrant et ressuscité. C'est lui que chaque chrétien est invité à revêtir. D'où l'image de la tunique du Christ, largement développée par Cyprien pour signifier cette unité, qui demeure un mystère et une grâce :

    « Ce mystère de l'unité, ce lien d'une concorde à la cohésion infrangible, se trouve manifesté lorsque dans l'Évangile la tunique du Seigneur Jésus-Christ n'est pas le moins du monde partagée ni déchirée, mais qu'un tirage au sort de son vêtement décide qui doit de préférence revêtir le Christ. [...] Il ne peut être en possession de l'habit du Christ celui qui déchire et partage l'Église du Christ. [...] Indivise en un seul morceau et d'une seule venue, manifeste la concorde qui tient uni le peuple que nous formons, nous qui avons revêtu le Christ ; par le mystère et le signe de son vêtement il a mis en lumière l'unité de l'Église » (§ 7, p. 193-195).

    Cette méditation profondément christologique sur l'unité de l'Église, mystère d'amour douloureusement vécu à l'exemple de l'amour du Christ pour les hommes, est aussi à l'origine de l'image récurrente dans le traité de « l'Église Mère » (Ecclesia Mater) : elle traduit à la fois la souffrance du pasteur devant les divisions et le primat de la charité dans la recherche de l'unité. C'est cette conviction qui fait écrire à Cyprien, en des formules souvent vigoureuses, qu'« on ne peut plus avoir Dieu pour père si l'on n'a pas l'Église pour mère » (§ 6, p. 189) ou encore que le martyre subi lors de la persécution ne saurait aucunement effacer la faute de celui qui se rend coupable de la désunion, au point qu'« on ne peut être un martyr si l'on n'est pas dans l'Église » ni « se prétendre martyr si on n'a pas gardé la charité qui unit les frères » (§ 14, p. 215). On retrouve ici l'image de la tunique : « L'unité ne peut être déchirée » et « tout ce qui sera séparé du sein maternel ne pourra vivre et respirer à part : il perd l'aliment de son salut » (§ 23, p. 241). L'importance d'une telle thématique a commandé le choix, pour la jaquette du volume, de la reproduction de la mosaïque de Tabarka (Ve s.), conservée au musée du Bardo de Tunis, représentant schématiquement une église et portant l'inscription Ecclesia Mater.

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    De ecclesiae catholicae unitate

    Vers le milieu du IIIe siècle, l’empire romain traversa une crise militaire, politique et institutionnelle ; Cyprien lui-même atteste une situation de crise. Sous son épiscopat, la communauté carthaginoise souffre d’une persécution, qu’il décrit comme une punition divine et une épreuve, ainsi que de la peste.

    Vers 245 probablement, Cyprien entre dans la communauté chrétienne par le baptême, il est ordonné prêtre vers 248 et consacré peu après évêque de Carthage. En 250, Dèce avait imposé à tous les habitants de l’empire de sacrifier aux dieux. Les chrétiens étaient jugés responsables des malheurs qui frappaient l’empire, car ils sapaient à la base le pacte étroit avec les divinités protectrices de Rome en niant la centralité, pour la res publica, de la pax deorum. Cyprien choisit un exil volontaire jusqu’à la fin du printemps 251, qui le met en porte-à-faux par rapport à sa communauté et, plus encore, par rapport aux confesseurs qui souffrent pour l’Église. La communauté carthaginoise est profondément bouleversée par la persécution de Dèce : le cas des sacrificati, excommuniés par l’évêque et, au moins en partie, réadmis dans l’Église par l’intervention des confesseurs, menace l’unité de l’Église. À son retour d’exil, Cyprien doit trouver un point d’équilibre entre laxistes et rigoristes, en réadmettant les lapsi repentants, après une période de pénitence, et en excluant les rebelles.

    Le diable a conçu une nouvelle tromperie au cœur même de la communauté chrétienne en faisant surgir hérésies et schismes par lesquels il subvertit la foi, altère la vérité, rompt l’unité. l’Église est une, unique est la foi, unique le baptême, unique la fonction épiscopale, quel que soit le nombre des évêques, chacun d’eux étant, par son insertion dans la succession apostolique, représentant du Christ au sein de la communauté dont il est responsable ; unique le peuple de Dieu, bien que réparti en divers lieux ; nécessaire l’union du troupeau avec le pasteur. L’unité de l’Église n’a pas de caractère sociologique, moral ou philosophique, elle est de nature ontologique ; elle a son propre fondement et sa propre origine dans le mystère trinitaire, dont elle est le signe visible ; elle est le sacramentum unitatis : de là naît sa sainteté et la validité même des sacrements qu’elle confère. Le symbole de cette unité est la tunique du Christ sans couture et indivise. Face aux pièges du diable et aux complots ourdis par les « ennemis des frères », autrement dit les opposants à l’évêque, il faut résister. Cyprien part de deux passages évangéliques : Mt 18, 19 s. et Mc 11, 25. L’une et l’autre phrase met au premier plan la nécessité de la concordia et du pardon entre les disciples du Christ et, plus largement, entre les hommes. Être réunis au nom du Christ signifie être réunis au corps de l’Église, à l’uniuersa fraternitas. L’offrande à Dieu ne peut se faire qu’à la condition que celui qui la fait se réconcilie d’abord avec son frère, en lui pardonnant les torts qu’il en a reçus. Cyprien résume en une formule vigoureuse sa conviction profonde : « Dieu est un et le Christ est un, une est son Église et une la foi, et de même le peuple lié par le ciment de la concorde pour réaliser l’unité indivisible du corps » (23).

    Extrait(s)

    3. « Nous ne devons pas prendre garde seulement aux dangers francs et évidents, mais aussi à ceux qui nous trompent par la subtilité d’une fourberie astucieuse. Qu’y avait-il en effet de plus subtil ou de plus astucieux, pour l’ennemi démasqué et terrassé par la venue du Christ, quand la clarté fut venue pour les nations et que la lumière du salut eut brillé sur les humains pour les sauver […], oui, qu’y avait-il de mieux pour lui, en voyant les idoles délaissées, et le désert où un peuple immense de croyants abandonnait ses demeures et ses temples, que d’imaginer une fourberie d’un nouveau genre qui, sous le couvert même du nom chrétien, tromperait des gens sans méfiance ? Il a inventé les dissidences et les schismes pour ruiner la foi, altérer la vérité, briser l’unité. Lorsqu’il ne peut retenir les gens dans l’aveuglement de la voie ancienne, il les circonvient et les abuse ; en les égarant sur un chemin nouveau, il se saisit de victimes dans l’Église même, et tandis qu’elles croient être parvenues déjà presque à la lumière et avoir échappé à la nuit du siècle, il répand sur elles à leur insu d’autres ténèbres une seconde fois, si bien que, tout en rompant avec l’Évangile du Christ, avec son service et sa loi, elles se donnent le nom de chrétiens et croient posséder la lumière alors qu’elles marchent dans les ténèbres, cela par l’effet des flatteries et des tromperies d’un Adversaire qui, selon le mot de l’Apôtre, se métamorphose en ange de clarté et déguise ses ministres en ministres de justice : ils font passer la nuit pour le jour, le trépas pour le salut, la renonciation à tout espoir sous le voile de l’espérance, l’infidélité sous le manteau de la foi, l’Antichrist sous l’appellation de Christ, et ainsi avec des mensonges qui ont la couleur du vrai ils changent astucieusement la vérité en illusion. Voilà ce qui arrive, frères bien-aimés, lorsqu’on ne remonte pas à l’origine de la vérité, qu’on ne recherche pas sa source, qu’on ne garde pas l’enseignement du maître céleste. » (§ 3, p. 173-175)

    Errata

    Page Localisation Texte concerné Correction Remarques
    114 notes Emploi des sigles PT et TR, p. 114, n., 177, n. 3 ; 181, n.3, etc.  Préciser leur signification, Primacy Text et Textus receptus, indiqué p. 90, n. 6 (les sigles ne figurent même pas en gras). Un rappel aurait dû figurer au bas de la page du Conspectus siglorum, p.165.
             
             

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