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SC 494
Jérôme
Homélies sur Marc
novembre 2005Texte latin de dom Germain Morin (CCL 78). – Introduction, traduction et notes par Jean-Lous Gourdain.
ISBN : 9782204079280232 pagesLe seul commentaire patristique sur Marc, par le plus expert ds exégètes latins.Présentation
Les Homélies sur Marc font partie des sermons restitués à Jérôme par dom Morin à la fin du XIXe siècle. Elles constituent un échantillon significatif de la prédication du moine de Bethléem et l'exemple exceptionnel d'un commentaire patristique – même partiel – du second Évangile.
Dans ces discours à la saveur orale très marquée, le prédicateur, qui s'inspire de sources origéniennes, fait preuve d'une pédagogie vigoureuse pour répondre aux préoccupations d'un auditoire mélangé, qu'on devine agité de questions exégétiques et théologiques. Il y affirme avec force la validité d'une interprétation spirituelle appliquée à l'Évangile et professe son attachement à la plus stricte orthodoxie trinitaire.
A côté des commentaires savants, qu'elles permettent d'ailleurs de compléter, les Homélies sur Marc révèlent une personnalité plus attachante qu'on ne le croit parfois.Professeur agrégé de Lettres classiques, Jean-Louis Gourdain enseigne en classes préparatoires littéraires au Lycée Jeanne d'Arc de Rouen. Ses travaux portent sur l'exégèse de S. Jérôme, à qui il a consacré sa thèse de doctorat, Les Psaumes dans l'explication des Prophètes chez saint Jérôme (1991).
Le mot du directeur de Collection
Les dix Homélies sur Marc de Jérôme (SC 494, 232 pages) sont une œuvre doublement originale : avec ses Homélies sur les Psaumes, elles sont le seul témoin conservé de sa prédication et la seule exégèse patristique de Marc un peu ample à nous être parvenue. Curieusement, en effet, du moins à nos yeux, car l'Évangile de Marc est aujourd'hui l'objet d'une grande attention et bénéficie d'une espèce de « valorisation » par rapport aux trois autres évangiles canoniques en raison de son ancienneté, les Pères ne semblent pas l'avoir commenté pour lui-même. En tout cas, rien ne nous est parvenu de l'exégèse plus ou moins continue qu'ils auraient pu en donner, alors que nous possédons des homélies ou des commentaires patristiques assez nombreux sur Matthieu, Luc et Jean. D'autre part, dans leur exégèse, les références directes à Marc sont infiniment moins nombreuses que celles faites aux autres évangiles. On ne trouve, par exemple, que deux homélies prêchées à partir d'un texte de Marc dans les Homélies sur l'Évangile de Grégoire le Grand. Il faut, sauf erreur, attendre Bède le Vénérable pour trouver un commentaire continu de l'Évangile de Marc (voir la liste de ses œuvres dressée dans le dernier chapitre de son Histoire ecclésiastique). Cela donne un prix particulier à ces dix homélies de Jérôme.
La paternité de ces Homélies lui a été tardivement contestée, mais de manière peu convaincante comme l'a montré Pierre Jay. La thèse du savant italien, Vittorio Peri, qui voulait les attribuer à Origène et réduire tout au plus le rôle de Jérôme à celui de traducteur, n'a pas emporté l'adhésion des spécialistes. C'est donc à juste titre que Jean-Louis Gourdain, professeur en classes préparatoires de Lettres à Rouen et disciple de P. Jay, qui fut aussi son directeur de thèse de doctorat (Les Psaumes dans l'explication des Prophètes chez saint Jérôme, 1991), les publie aujourd'hui dans « Sources Chrétiennes » sous le nom de Jérôme à partir de l'édition qu'en a donné dom Germain Morin (CCL 78).
La date à laquelle furent prononcées ces homélies, à Bethléem, est difficile à déterminer avec certitude. J.-L. Gourdain avance, avec prudence et en reconnaissant la fragilité de son hypothèse, une date postérieure au début de la controverse origéniste, et propose de les situer après 393, voire après 397. Le public auquel s'adresse Jérôme n'est pas beaucoup plus facile à identifier avec certitude. S'agit-il de moines, comme inviteraient à le croire certaines homélies (Hom. 1, p. 85), ou d'un auditoire composite, comme d'autres homélies paraissent l'indiquer ? Relativement brèves, ces homélies conservent parfois un certain caractère d'improvisation et d'oralité. Ainsi l'Homélie 5 (p. 139) : Jérôme avait prévu de prêcher sur le Psaume du jour, mais un prêtre l'a fait avant lui ; il commentera donc l'évangile de la guérison de l'aveugle de Bethsaïde.
Dans ces homélies, Jérôme observe la même sobriété que dans ses commentaires, son Commentaire sur saint Matthieu par exemple (SC 242 et 259). Comme Eusèbe et la plupart des Pères, il se montre attentif à résoudre les difficultés que présentent les divergences entre les récits des évangélistes (cf. Hom. 6, p. 155) : pour lui aussi, elles ne sont qu'apparentes. Son attention à la lettre du texte ne lui interdit pas de chercher à atteindre, presque toujours, le sens spirituel, comme le fait Origène, et à souligner, comme lui, dans ses homélies, le passage du sens littéral (historia) à ce sens supérieur, d'ordinaire plus riche pour la vie chrétienne. Il lui arrive même d'avoir à se justifier de faire violence au texte auprès de ceux qui lui reprocheraient un usage excessif de l'allégorie. Ainsi dans son homélie sur la Transfiguration du Christ, où il invoque l'autorité de Paul en Galates 4, 24 :« Nous ne refusons pas l'histoire, mais nous préférons l'intelligence spirituelle. Et ce n'est pas là notre avis personnel, nous suivons l'avis des apôtres et surtout du vase de l'élection (cf. Ac 9, 15), qui a compris pour sa vie ces mots que les juifs ont compris pour leur mort, je veux parler bien évidemment de l'Apôtre, qui dit que Sara et Agar doivent être interprétées comme les deux Testaments, qui correspondent au mont Sinaï et au mont Sion. (...). Est-ce que par hasard Agar n'a pas existé, ni Sara ? Est-ce que par hasard le mont Sinaï n'existe pas, ni le mont Sion ? Il n'a pas nié l'histoire, mais il a révélé les mystères sacrés » (Hom. 6 sur la Transfiguration, p. 156).
À plusieurs reprises, son exégèse de Marc revêt une dimension polémique, contre les Juifs et leur aveuglement venant de leur attachement exclusif à la lettre du texte, et contre les hérétiques. Contre les tenants de l'arianisme, Jérôme affirme avec vigueur la foi trinitaire telle que l'a définie le concile de Nicée. Cette attention portée à la défense de la théologie trinitaire se double chez lui d'une intéressante réflexion christologique sur les deux natures du Christ, à la fois pour réfuter les thèses d'Apollinaire et pour prévenir l'accusation que l'on pourrait lui adresser de diviser le Christ en deux personnes. Jérôme présente sur ce point, dans ces homélies, des développements doctrinaux qu'on ne s'étonnerait pas de lire un siècle plus tard sous la plume de l'Antiochien Théodoret, en pleine crise nestorienne :
« Que personne ne pense que nous divisons le Christ. En effet, des calomniateurs s'imaginent d'ordinaire que nous faisons deux personnes en Christ : un homme et un Dieu. Mais nous, nous croyons en la Trinité, nous ne croyons pas en une Quaternité qui mettrait deux personnes en Christ. Car si le Christ est en deux personnes, de même le Fils, c'est-à-dire le Christ, est double : donc il y a quatre personnes. Nous donc, nous croyons au Père, au Fils et à l'Esprit saint... » (Hom. 7 sur l'entrée triomphale du Christ à Jérusalem, p. 181-183).
Ce petit recueil d'homélies hiéronymiennes est donc riche d'enseignements sur les questions exégétiques et doctrinales qui agitaient alors l'auditoire de Jérôme. Il ne s'agit évidemment pas d'un commentaire continu de l'Évangile de Marc, même si le recueil, tel qu'il nous est transmis, suit – mais avec beaucoup de « blancs » – l'ordre des chapitres de cet évangile.
(J.-N. Guinot, 2005)
Jean-Noël Guinot
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Les dix Homélies sur Marc de Jérôme sont une œuvre doublement originale : avec ses Homélies sur les Psaumes, elles sont le seul témoin conservé de la prédication du moine de Bethléem ; elles sont aussi la seule exégèse patristique de Marc un peu ample à nous être parvenue. Si l’évangile de Marc est aujourd’hui l’objet d’une grande attention et bénéficie d’une espèce de « valorisation » par rapport aux trois autres évangiles canoniques en raison de son ancienneté, les Pères ne semblent pas l’avoir commenté pour lui-même. En outre, dans leur exégèse, les références directes à Marc sont infiniment moins nombreuses que celles faites aux autres évangiles.
La paternité de ces Homélies a été tardivement contestée à Jérôme, mais de manière peu convaincante. La thèse qui voulait les attribuer à Origène et réduire tout au plus le rôle de Jérôme à celui de traducteur n’a pas emporté l’adhésion des spécialistes. La date à laquelle furent prononcées ces homélies, à Bethléem, est difficile à déterminer avec certitude. J.-L. Gourdain suggère que ces prédications ont eu lieu entre 393 et 397. Le public auquel s’adresse Jérôme n’est pas beaucoup plus facile à identifier avec certitude. S’agit-il de moines ou d’un auditoire composite ?
Le texte édité est celui du CCSL 78, donné par dom G. Morin. Il est basé sur trois manuscrits, du IXe au XIe siècle, qui donnent la première homélie, ainsi que sur une édition de 1549 donnant les dix homélies.
Relativement brèves, les dix homélies du volume conservent parfois un certain caractère d’improvisation et d’oralité. Ainsi l’Homélie 5 (p. 139) : Jérôme avait prévu de prêcher sur le Psaume du jour, mais un prêtre l’a fait avant lui ; il commentera donc l’évangile de la guérison de l’aveugle de Bethsaïde. Dans ces homélies, Jérôme observe la même sobriété que dans ses commentaires, par exemple sur saint Matthieu (SC 242 et 259). Comme Eusèbe et la plupart des Pères, il se montre attentif à résoudre les difficultés que présentent les divergences entre les récits des évangélistes (cf. Hom. 6, p. 155) : pour lui aussi, elles ne sont qu’apparentes. Son attention à la lettre du texte ne lui interdit pas de chercher à atteindre, presque toujours, le sens spirituel, comme le fait Origène, et à souligner, comme lui, dans ses homélies, le passage du sens littéral (historia) à ce sens supérieur, d’ordinaire plus riche pour la vie chrétienne. Il lui arrive même d’avoir à se justifier de faire violence au texte auprès de ceux qui lui reprocheraient un usage excessif de l’allégorie.
À plusieurs reprises, son exégèse de Marc revêt une dimension polémique, contre les Juifs et leur prétendu aveuglement venant de leur attachement exclusif à la lettre du texte, et contre les hérétiques. Contre les tenants de l’arianisme, Jérôme affirme avec vigueur la foi trinitaire telle que l’a définie le concile de Nicée. Cette attention portée à la défense de la théologie trinitaire se double chez lui d’une intéressante réflexion christologique sur les deux natures du Christ, à la fois pour réfuter les thèses d’Apollinaire et pour prévenir l’accusation que l’on pourrait lui adresser de diviser le Christ en deux personnes.
Extrait(s)
(Homélie 9, 7, p. 169)
Et il y eut une nuée qui les couvrit sous son ombre. Une nuée, selon Matthieu, « photinè ». Je pense que cette nuée, c’est la grâce de l’Esprit Saint. Une tente protège et donne de l’ombre à ceux qui sont sous la tente : la fonction des tentes, c’est la nuée qui la remplit. Ô Pierre, toi qui veux faire trois tentes, regarde la tente unique de l’Esprit Saint qui nous protège semblablement. Si tu avais fait trois tentes, à coup sûr tu aurais fait trois tentes humaines et tu les aurais faites pour empêcher la lumière d’entrer et retenir l’ombre. Or la nuée est lumineuse et en même temps elle donne de l’ombre : cette tente n’empêche pas le soleil de la justice d’entrer mais elle le retient. Et le Père te dira : « Pourquoi as-tu fait trois tentes ? Voici que tu as une tente unique. » Voyez le mystère de la Trinité, du moins selon ma façon de le comprendre.
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