• SC 492

    Avit de Vienne

    Histoire spirituelle, tome II
    Chants IV-V

    avril 2005

    Introduction, texte critique, traduction et notes par Nicole Hecquet-Noti.

    ISBN : 9782204079259
    254 pages
    Une épopée biblique en vers, dont le Christ est le héros, par un évêque et poète latin, au tournant des 5e et 6e siècles.

    Présentation

    Alcimus Ecdicius Avitus, évêque de Vienne entre 490 et 518 est une figure importante de la fin de l'Antiquité tardive. Issu d'une famille de l'aristocratie gallo-romaine, il est un des derniers dépositaires de la culture latine classique dans le royaume burgonde de Gondebaud. Évêque engagé dans la vie politique de son époque comme en témoigne sa correspondance, il a aussi écrit, aux alentours de l'an 500, une épopée biblique « La geste de l'histoire spirituelle » (De spiritalis historiae gestis), en cinq chants, inspirés de la Genèse (chants 1-4) et de l'Exode (chant 5).

    Cette épopée est une glorification du Christ à travers la figure des héros de l'Ancien Testament : Adam (chants 1 à 3), Noé (chant 4) et Moïse (chant 5). Écrite dans un style tout à la fois sobre et précieux, elle s'adresse à un public de lettrés, fin connaisseur de la culture classique. Cette geste christique originale, qui associe la poésie épique classique, l'inspiration de la Bible, la connaissance des écrits patristiques et des poètes chrétiens, est l'une des illustrations les plus réussies de l'osmose de la culture antique et de la spiritualité chrétienne.

    Nicole Hecquet-Noti est chargée d'enseignement à l'Université de Genève. Intéressée par le développement de l'épopée dans l'Antiquité chrétienne, elle a notamment consacré ses recherches à l'édition de l'épopée biblique d'Avit de Vienne.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    L'Histoire spirituelle d'Avit de Vienne est une épopée biblique. Les trois premiers chants ont fait l'objet d'un premier volume (SC 444), paru en 1999. Avec le chant IV traitant du déluge et le chant V de la traversée de la mer Rouge, s'achève ce poème, édité et traduit par Nicole Hecquet-Noti de l'Université de Genève.

    L'unité de ces deux derniers chants, l'un inspiré de la Genèse, l'autre de l'Exode, réside dans le fait qu'ils traitent – spirituellement – du baptême, en recourant à une symbolique abondamment développée par les Pères dans leur prédication et leurs catéchèses. Après avoir traité de la création du monde et de la chute, Avit invite son lecteur chrétien à faire en sorte que ses péchés, une fois engloutis dans les eaux du déluge et dans celles du baptême, ne resurgissent pas, et que sa libération soit totale et définitive, comme celle des Hébreux quittant l'esclavage d'Égypte et traversant la mer Rouge sous la conduite de Moïse, figure du Christ. A son tour, nouveau Moïse pour ainsi dire, l'évêque poète, en rédigeant son Histoire spirituelle en cinq chants, offre à son lecteur comme un autre Pentateuque et lui propose un itinéraire à la fois poétique et spirituel. Il peut alors chanter avec Moïse et les fils d'Israël, en achevant son poème, le chant triomphal qui retentit lors de la veillée pascale :

    « L'illustre guide, dans un chant solennel, évoque ce remarquable fait que psalmodie le monde entier, lorsque la faute purifiée par les flots sacrés est détruite, que l'onde du baptême, qui l'engendre, fait naître une nouvelle descendance après les anciens péchés qu'a commis Ève. (...) Y eut-il quelque sinistre événement exprimé dans mon pauvre poème, la glorieuse onde du triomphe sacré l'aura maintenant effacé ; c'est grâce à lui que les chants d'allégresse résonnent, que tout péché est enlevé par le baptême et que vit l'homme nouveau, l'ancien ayant péri ; c'est grâce à lui que les vertus surgissent, que les actes coupables sont tués, que le véritable Israël est baigné dans les eaux sacrées ; c'est grâce à lui que la foule unanime célèbre avec retentissement le trophée de la victoire, que les figures annonçant les dons s'accomplissent ; c'est leur histoire que le saint prophète a déroulée au long de ses cinq volumes. Quant à nous, nous suivons sa trompette avec notre chalumeau, et, respectant ce nombre, nous ferons aborder au port, sur ce rivage, notre modeste esquif. »

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Histoire spirituelle

    Le De spiritalis historiae gestis a probablement été composé entre 497 et 500. Avit l’évoque en effet dans sa Lettre 51 adressée à Apollinaris, fils de Sidoine Apollinaire ; cette lettre est datée d’avant 507. Plus précisément, dans le prologue du De gestis, Avit explique avoir regroupé dans un seul corpus quelques chants retrouvés chez un ami, qui ont, en 500, échappé à la prise de Vienne par Clovis. Le poème était donc rédigé à cette date. Enfin, certains parallèles textuels suggèrent qu’Avit connaissait le De laudibus Dei de Dracontius, publié vraisemblablement après 496.

    L’œuvre, diffusée du vivant de l’auteur, connaît un vif succès ; dès le vie siècle, elle fait partie d’un canon de poètes épiques bibliques, qui comprend Juvencus, Prudence, Sédulius, Avit et Arator. L’utilisation de ces poètes comme auteurs scolaires durant le Moyen-âge est bien attestée, par la tradition indirecte d’une part, par les catalogues des bibliothèques médiévales, d’autre part. Il ne reste malheureusement guère de trace de cette large diffusion : les premiers manuscrits remontent au début du ixe siècle.

    La tradition manuscrite se répartit en deux branches, que distinguent une origine géographique différente et des leçons spécifiques. Parmi les Gallicani, on distingue trois familles, dont les deux premières remontent à un manuscrit attesté, mais perdu. Les Germanici, répartis en deux familles, transmettent pour leur part les six chants d’Avit ensemble ; ils ne contiennent pas le premier prologue Ad Apollinarem ; ils ajoutent à la fin du chant 6 trois vers additionnels (comme R, de la famille des Gallicani) ; leurs leçons sont très différentes de celles des Gallicani.

    Outre des Lettres et des Homélies, Avit a laissé une épopée biblique en vers, l’Histoire spirituelle. Sa Lettre 51 la présente comme un divertissement littéraire : libellos… lusi. Mais sa poésie n’a rien de la leuitas d’un Sidoine Apollinaire, dont il prétend pourtant s’inspirer. Dans la voie frayée par Juvencus et Sédulius, Avit reprend un projet abandonné par Paulin de Nole : chanter la gloire du Christ dans une épopée commençanthc avec le récit de la création du monde. Seule une épopée en hexamètres peut remplir ce désir – à condition toutefois de bannir toute licence poétique et de privilégier le message chrétien à l’élégance du style. Le poète se considère comme un pius uates, inspiré par Dieu. Néanmoins, l’objectif de l’œuvre n’est pas d’éducation ou de prosélytisme : il s’agit plutôt d’un divertissement intellectuel, adressé à des lettrés capables d’appréhender différents de niveaux de lecture dans le texte ; Avit reconnaîtra dans le prologue du De uirginate que le public capable d’appréhender un tel poème était restreint.

    Le De spiritualis historiae gestis est véritablement une « geste de l’histoire spirituelle » : le poète y narre des hauts-faits, ceux d’Adam (chants I-III), de Noé (chant IV) et de Moïse (chant V), tous trois figures du Christ, seul véritable héros. La typologie est donc la clé de l’interprétation de l’œuvre. Quoique la finalité du poème ne soit pas polémique, Avit profite des passages christologiques pour réfuter l’arianisme en rappelant la nature divine du Christ et pour contrer les (semi-)pélagiens en soulignant l’importance du péché originel et la nécessité de la grâce. Le modèle virgilien est prégnant, à la fois dans l’organisation de l’œuvre et la progression des héros (les trois étapes du De gestis, errements d’Adam, réhabilitation par Noé, épisodes guerriers de Moïse correspondent à la structure de l’Énéide et au cheminement d’Énée). Mais les sources d’inspirations d’Avit sont beaucoup plus larges : il connaît Juvencus, Sédulius et Arator, mais aussi Cyprien Gallus, Hilaire, Marius Victorinus et Dracontius ; il emprunte à Ovide, Stace et Silvius Italicus, ainsi qu’à Cicéron et Pline l’Ancien ; il a lu Augustin, Ambroise, Lactance et Claudien Mamert.

    Avit s’appuie sur les techniques d’écritures apprises durant sa jeunesse : un poète doit imiter (imitatio) son modèle, le renouveler (renouatio) et de le dépasser (aemulatio) en le retraitant (retractatio). Une réécriture épique et biblique laisse donc peu de marge de manœuvre. Le poète mélange les tons : louange du Christ, expression des sentiments, style hymnique se complètent. Il mélange les genres : pour amplifier son sujet, il ajoute volontiers des discours, construits selon les principes rhétoriques, qui chargent d’émotion le texte scripturaire ; des excursus agrémentent également la narratio. Certains relèvent de l’ekphrasis (description anatomique de l’être humain et évocation du Paradis dans le chant I). D’autres sont exégétiques, soit qu’ils servent d’exemplum pour soutenir le propos moral de l’auteur (les Marses, la femme de Lot, Lazare et le riche), soit qu’ils aient une valeur symbolique, illustrant les sacramenta, les mystères qui fondent la théologie chrétienne (le sommeil d’Adam et la naissance d’Ève, le symbolisme du bois).

    Avit connaît la Vulgate, mais il utilise également des Vieilles latines lorsque le texte correspond mieux à ses intentions poétiques, doctrinales ou stylistiques. Il évite les néologismes venus du grec, mais emploie volontiers, comme les écrivains tardifs, des noms d’agent en -tor de création récente ; de manière générale, son lexique est particulièrement riche. Enfin, la versification d’Avit est parfaitement conforme aux lois de la métrique hexamétrique classique, même si l’effacement progressif de la longueur des syllabes conduit à certaines hésitations sur la longueur de quelques syllabes.

    Chants IV-V

    Le SC 492 contient les chants IV et V sur Adam : le récit de la création du monde (I) précède celui du péché originel (II) et de la sentence divine (III), puis du déluge (IV) et de la sortie d’Égypte (V) doivent se lire selon une interprétation typologique, comme les étapes de l’histoire du salut.

    Extrait(s)

    Avit de Vienne, Histoire spirituelle V, 704-721 (SC 492, p. 234-237)

    L’illustre guide, dans un chant solennel, évoque ce remarquable fait que psalmodie le monde entier, lorsque la faute purifiée par les flots sacrés est détruite, que l’onde du baptême, qui l’engendre, fait naître une nouvelle descendance après les anciens péchés qu’a commis Ève. C’est d’elle qu’a parlé ma modeste page dans les chants précédents, en rappelant sa chute porteuse de douleurs. Y eut-il quelque sinistre événement exprimé dans mon pauvre poème, la glorieuse onde du triomphe sacré l’aura maintenant effacée ; c’est grâce à lui que les chants d’allégresse résonnent, que tout péché est enlevé par le baptême et que vit l’homme nouveau, l’ancien ayant péri ; c’est grâce à lui que les vertus surgissent, que les actes coupables sont tués, que le véritable Israël est baigné dans les eaux sacrées ; c’est grâce à lui que la foule unanime célèbre avec retentissement le trophée de la victoire, que les figures annonçant les dons s’accomplissent ; c’est leur histoire que le saint prophète a déroulée au long de ses cinq volumes. Quant à nous, nous suivons sa trompette avec notre chalumeau, et, respectant ce nombre, nous ferons aborder au port, sur ce rivage, notre modeste esquif.

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