• SC 489

    Bède le Vénérable

    Histoire ecclésiastique du peuple anglais, tome I. Livres I-II
    (Historia ecclesiastica gentis Anglorum)

    février 2005

    Introduction et notes par André Crépin. — Texte critique par Michael Lapidge. — Traduction par Pierre Monat et Philippe Robin.

    Révision assurée par Yasmine Ech Chael.
    ISBN : 9782204078498
    433 pages
    De Jules César jusqu'en 731, un bénédictin anglais fournit dans cette œuvre majeure ce qu'il voit comme une histoire du salut.

    Présentation

    Publiée par Bède en 731, l'Histoire ecclésiastique du peuple anglais est une œuvre fondatrice à maints égards. Elle applique, chose rare à l'époque, les règles scientifiques : préciser les dates, vérifier et donner la source des documents, assurer une suite logique aux chapitres, utiliser un style simple mais non sans élégance.

    Grâce à Bède, nous bénéficions de lumières sur les premiers siècles, obscurs, de l'installation en Grande-Bretagne des royaumes anglo-saxons, souvent rivaux et agressifs. Bède s'efforce de montrer que la christianisation amène l'unité.

    La présente édition (en trois volumes) offre pour la première fois aux francophones le texte du manuscrit de Saint-Pétersbourg, très proche de l'original de Bède. La traduction française se veut aussi proche du texte latin que possible. Les notes, tout en signalant sources et travaux, sont assez explicites et détaillées pour satisfaire les éventuelles interrogations ; elles font souvent référence à la traduction en vieil-anglais, du IXe siècle.

    André Crépin, professeur émérite à la Sorbonne (Paris IV) et membre de l'Institut, s'est chargé de l'introduction et des notes ; Michael Lapidge, professeur de littérature à l'Université de Cambridge (UK) et d'anglais au « Medieval Institute » de l'Université Notre Dame (Ill., USA), de l'établissement du texte ; la traduction est l'œuvre de Pierre Monat et Philippe Robin, tous deux professeurs de latin à l'Université de Franche-Comté.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Bède le Vénérable est entré dans la Collection avec un ouvrage d'exégèse, Le Tabernacle (SC 475), un commentaire des six chapitres de l'Exode (Ex 24, 12-30, 21) consacrés à la construction de la Tente de la Rencontre et aux vêtements des prêtres chargés du culte divin. Il s'y installe avec la publication de son Histoire ecclésiastique du peuple anglais, l'œuvre qui a le plus contribué à la notoriété de ce moine érudit, qui partagea sa vie (673-735) entre le monastère Saint-Pierre de Wearmouth, près de Durham, et celui tout proche de Saint-Paul de Jarrow. C'est à Jarrow, où il entra vers l'âge de dix-sept ans et demeura jusqu'à sa mort, qu'il rédigea, en latin, une œuvre immense, passant de l'exégèse scripturaire et théologique à des traités de grammaire, de métrique latine ou de musique, d'ouvrages hagiographiques à des écrits de caractère scientifique, abordant les sujets les plus divers en apparence, mais dont l'unité profonde réside à ses yeux dans la conviction que tout se tient dans l'œuvre du Créateur. Dans son monastère, qu'il semble n'avoir quitté qu'en de rares occasions, et pour s'en éloigner très peu, ses activités se partageaient, comme il le dit lui-même, entre l'étude, l'enseignement et l'écriture : c'était là le fondement de sa joie, convaincu qu'il était de contribuer ainsi à faire connaître la révélation chrétienne et à transmettre, aux moines qu'il instruisait et à ses contemporains qui le liraient, une doctrine sûre.

    L'Histoire ecclésiastique, le dernier ouvrage de Bède, est à situer dans cette même perspective, celle d'un monde que dirige la providence divine : comme l'histoire de l'Ancien Testament, l'histoire de la christianisation du peuple anglais est d'abord pour Bède une histoire du salut. Les événements rapportés, les conflits entre les peuples, l'action des bons ou des mauvais souverains, celle des saints évêques, les progrès de l'évangélisation comme les retours à l'idolâtrie, les miracles comme les fléaux ou les assassinats de souverains, tout est à lire et à déchiffrer en ce sens. Ce n'est donc pas un hasard si, en dédiant l'ouvrage au roi Ceolwulf de Northumbrie et en l'invitant à en assurer la diffusion, Bède souligne que son histoire de la nation anglaise est à lire avec une attention comparable à celle que met le roi à lire l'Histoire sainte : dans l'un et l'autre cas, Dieu et sa Providence sont à l'œuvre.

    L'ouvrage est divisé en cinq livres, précédés d'une préface dans laquelle Bède indique ses sources. Il s'est naturellement inspiré de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée, dans la traduction latine qu'en a donnée Rufin d'Aquilée, et, dans une moindre mesure, de l'Histoire des Francs de Grégoire de Tours ; pour l'histoire de la nation anglaise, il a eu recours à diverses sources écrites, à des traditions orales ainsi qu'à de nombreux témoignages recueillis auprès de ses contemporains. Chaque livre, à l'exception du premier, couvre environ trente à quarante années. La distribution en est généralement chronologique, l'accent étant mis, comme chez Eusèbe, sur la succession des évêques pour souligner « la tradition apostolique ». Un autre point est à noter : Bède établit systématiquement sa chronologie à partir de l'année de l'incarnation du Christ, au lieu de dater les événements, comme cela se faisait jusqu'alors, de l'avènement d'un empereur ou d'un roi ou de la fondation de Rome.

    Après un tableau géographique et ethnographique des îles Britanniques, le livre premier couvre la période qui va des expéditions en Bretagne de Jules César et de l'empereur Claude à l'installation d'Augustin et d'un groupe de moines envoyés par le pape Grégoire le Grand pour évangéliser les Anglo-Saxons. La crise pélagienne y est largement évoquée ainsi que le rôle de l'évêque Germain, venu en Bretagne pour y mettre un terme. Il suffit de lire les titres de plusieurs chapitres pour voir le lien qu'introduit Bède entre les miracles accomplis par Germain dans l'ordre physique et la guérison spirituelle dont ils sont comme le signe avant-coureur : « Comment l'évêque Germain, se rendant par mer en Bretagne en compagnie de Loup, fit cesser les tempêtes, celle des flots puis celle des pélagiens, grâce à un pouvoir divin » (I, 17) ou encore : « Comment quand rejaillirent les surgeons de la peste pélagienne, Germain, venu en Bretagne avec Sévère, fit d'abord recouvrer l'usage de ses jambes à un jeune homme boiteux, et permit ensuite au peuple de Dieu, après avoir condamné ou redressé les hérétiques, de reprendre sa marche dans la foi ». Le livre II, qui s'ouvre par un résumé de la vie et des œuvres du pape Grégoire, l'évangélisateur des Anglo-Saxons, laisse voir ensuite combien l'installation du christianisme est encore mal assurée en Bretagne, et le retour au culte des idoles toujours possible. La seconde partie du livre est consacrée à la conversion du roi de Northumbrie, Edwin, et de son peuple à la religion chrétienne, et s'achève avec la défaite et la mort du roi, en 633. Du même coup, la situation du christianisme en Northumbrie demeure incertaine.

    Elle se consolide pourtant dans les décennies suivantes, grâce notamment au roi très chrétien Oswald, conseillé par le saint évêque Aïdan – ce couple offrant, semble-t-il, pour Bède la forme du gouvernement idéal –, la religion chrétienne gagnant progressivement d'autres royaumes. Dans le même temps, les usages liturgiques de Rome finissent par s'imposer, non sans de fortes réticences parfois et de longues discussions, notamment en ce qui concerne la date de Pâques. On sait par Eusèbe de Césarée que déjà, à l'époque de Polycarpe et du Pape Anicet, cette question avait divisé l'Orient et l'Occident et qu'Irénée lui-même, plus tard, conseilla au Pape Victor de ne pas en faire l'occasion d'un schisme avec les Églises d'Asie qui suivaient une autre tradition que l'Église de Rome. Le différend qui opposait les chrétiens originaires de Kent ou des Gaules aux Scots, sans être identique, était du même ordre. Le livre IV relate l'organisation de l'Église en Angleterre et souligne l'importance du rôle tenu par Théodore, archevêque de Canterbury de 668 à 690, celui du saint évêque Wilfrid qui convertit les Saxons du Sud, celui de l'abbesse Hild, de sang royal, dans l'expansion du monachisme, ou encore celui du saint moine Cuthbert, devenu plus tard évêque.

    Le livre V couvre la période qui va de la mort de Cuthbert, en 687, jusqu'en 731, l'année où Bède achève son Histoire ecclésiastique. Il figurera dans le tome III avec lequel s'achèvera cette publication.

    L'introduction générale et les notes de la présente édition ont été rédigées par André Crépin, membre de l'Institut, spécialiste de vieil-anglais ; Michael Lapidge, professeur de littérature latine à l'Université de Cambridge, s'est chargé de l'établissement du texte latin et de l'apparat critique des variantes ; il a également rédigé le chapitre de l'Introduction relatif à l'histoire du texte et aux manuscrits ; la traduction française a été réalisée, en collaboration, par Pierre Monat, professeur émérite de l'Université de Franche-Comté et son collègue, Philippe Robin. Chacun des deux premiers volumes comporte, outre l'habituel index scripturaire, un index onomastique des personnes et des lieux, qui permettra au lecteur de se familiariser rapidement avec des noms aux consonances « barbares », et un index analytique des notions et des realia qui font l'objet d'un développement particulier dans l'Introduction ou dans les notes.

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    L’Histoire ecclésiastique du peuple anglais est le dernier ouvrage de Bède, publié en 731. Il s’agit de l’un des textes d’histoire du Moyen-Âge qui ont eu le plus de lecteurs et d’influence : les 160 manuscrits conservés attestent sa popularité. Trois d’entre eux (L de Saint-Petersbourg, anciennement Leningrad, M, le manuscrit Moore, et le manuscrit cottonien B) peuvent être considérés comme des copies d’un même original, qui était probablement l’exemplaire de travail de Bède. Tous trois font partie de la même famille, m, et fournissent le texte de base de la présente édition (en trois volumes). Mais les manuscrits anciens attestent l’existence d’une seconde famille, c, distincte quoique étroitement apparentée : il s’agit probablement de retouches, peut-être simultanées, qui pourraient remonter à Bède.

    La traduction française se veut aussi proche du texte latin que possible. Les notes, tout en signalant sources et travaux, sont assez explicites et détaillées pour satisfaire les éventuelles interrogations ; elles font souvent référence à la traduction en vieil-anglais, du IXe siècle.

    L’Histoire ecclésiastique du peuple anglais est divisée en cinq livres (Livres I-II : SC 489 ; III-IV : SC 490 ; V : SC 491), précédés d’une préface dans laquelle Bède indique ses sources : l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée, dans la traduction latine de Rufin d’Aquilée, et, dans une moindre mesure, l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours ; pour l’histoire de la nation anglaise, il a eu recours à diverses sources écrites, à des traditions orales ainsi qu’à de nombreux témoignages recueillis auprès de ses contemporains. Cette Histoire applique, chose rare à l'époque, les règles scientifiques : préciser les dates, vérifier et donner la source des documents, assurer une suite logique aux chapitres, utiliser un style simple mais non sans élégance. Chaque livre, à l’exception du premier, couvre environ trente à quarante années. La distribution en est généralement chronologique ; l’accent est mis, comme chez Eusèbe, sur la succession des évêques pour souligner « la tradition apostolique ». Par ailleurs, Bède établit systématiquement sa chronologie à partir de l’année de l’incarnation du Christ, au lieu de dater les événements, comme cela se faisait jusqu’alors, de l’avènement d’un empereur ou d’un roi ou encore de la fondation de Rome.

    Comme celle de l’Ancien Testament, l’histoire de la christianisation du peuple anglais est d’abord pour Bède une histoire du salut. Les événements rapportés, les conflits entre les peuples, l’action des bons ou des mauvais souverains, celle des saints évêques, les progrès de l’évangélisation comme les retours à l’idolâtrie, les miracles comme les fléaux ou les assassinats de souverains, tout est à lire et à déchiffrer en ce sens. Voilà pourquoi, en dédiant l’ouvrage au roi Ceolwulf de Northumbrie et en l’invitant à en assurer la diffusion, Bède souligne que son histoire de la nation anglaise est à lire avec une attention comparable à celle que met le roi à lire l’Histoire sainte : dans l’un et l’autre cas, Dieu et sa Providence sont à l’œuvre.

    Histoire ecclésiastique du peuple anglais : Préface, Livres I-II

    Après un tableau géographique et ethnographique des îles Britanniques, le Livre I couvre la période allant des expéditions en Bretagne de Jules César et de l’empereur Claude à l’installation d’Augustin et d’un groupe de moines envoyés par le pape Grégoire le Grand pour évangéliser les Anglo-Saxons. La crise pélagienne y est largement évoquée ainsi que le rôle de l’évêque Germain, venu en Bretagne pour y mettre un terme. Le Livre II s’ouvre par un résumé de la vie et des œuvres du pape Grégoire, l’évangélisateur des Anglo-Saxons ; il laisse voir ensuite que l’installation du christianisme est encore mal assurée en Bretagne, et le retour au culte des idoles toujours possible. La seconde partie du livre est consacrée à la conversion du roi de Northumbrie, Edwin, et de son peuple, à la religion chrétienne, et s’achève avec la défaite et la mort du roi, en 633. Du même coup, la situation du christianisme en Northumbrie demeure incertaine. 

    Extrait(s)

    Histoire ecclésiastique du peuple anglais, Préface, 1, SC 489, p. 95-97

    Au très glorieux roi Ceolwulf, Bède, serviteur du Christ et prêtre. L'Histoire ecclésiastique de la nation anglaise, que je venais de faire paraître, je te l'ai, une première fois, adressée bien volontiers à ta demande, ô Roi, pour la soumettre à ta lecture et à ton approbation, et aujourd'hui, je te l'adresse une nouvelle fois pour que tu la fasses copier et la médites plus à loisir ; et j'approuve vivement l'application de Ta Sincérité, qui fait que non seulement tu prêtes soigneusement l'oreille aux paroles de la sainte Écriture, mais encore que tu t'appliques attentivement à connaître les actes et les paroles des Anciens, et principalement ceux des hommes illustres de notre peuple. Si l'Histoire, en effet, rapporte de bonnes actions venant de gens de bien, l'auditeur, mis en alerte, est poussé à imiter ce bien ; si elle rappelle les crimes des méchants, l'auditeur ou le lecteur religieux et pieux, tout en se détournant de ce qui est nuisible et mauvais, n'en est pas moins adroitement incité, lui aussi, à rechercher ce qu'il a reconnu être bon et digne de Dieu. Toi aussi, très attentif à cet enseignement, tu souhaites que cette histoire, composée à la fois pour ton instruction et celle de ceux que l'autorité divine a placés sous ta direction, soit, par souci du salut général, diffusée fort largement. Pour éviter que mes assertions ne te laissent, à toi ou à d'autres auditeurs ou lecteurs de cette Histoire, une occasion de douter, je prendrai soin de faire brièvement connaître les principales sources où je me suis informé.     

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