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SC 458
Bernard de Clairvaux
Lettres. Tome II
(42-91)ŒUVRES COMPLÈTES III
septembre 2001Texte latin des S. Bernardi Opera par J. Leclercq et H. Rochais. — Introduction et notes par Monique Duchet-Suchaux. — Traduction par Henri Rochais.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre et de la Fondation Singer-Polignac.Révision assurée par Bernard de Vregille.ISBN : 9782204066747532 pages« Dis-moi, n’as-tu pas une âme ? » Entre histoire et spiritualité, saint Bernard interpelle.Présentation
La correspondance de Bernard de Clairvaux permet d'entrer dans le secret de l'action multiforme qu'il a menée. C'est le plus important ensemble épistolaire du Moyen Âge : 551 documents, adressés aussi bien aux papes qu'aux moines et chanoines, en passant par les cardinaux et les évêques, mais aussi aux empereurs, rois, grands, à tout ce qui a compté dans l'Europe d'alors. Les divers sujets abordés se rejoignent dans la réforme intérieure et spirituelle prolongeant la « réforme grégorienne». De mille manières, Bernard de Clairvaux, avec beaucoup d'autres certes, mais de façon très personnelle, milite dans ce champ-là. Les lettres de Bernard ont été regroupées, déjà de son vivant, par thèmes et non selon l'ordre chronologique.
Les lettres de ce deuxième tome méritent, comme celles du premier, la qualification de Speculum Ecclesiae, « miroir de l'Église ». Elles nous présentent en effet évêchés et monastères dans leur histoire propre, les aléas de leur vie quotidienne, leurs problèmes, sans oublier les relations des évêques avec la papauté et les grands du royaume, dont le roi lui-même.Monique Duchet-Suchaux est archiviste-paléographe, ingénieur de recherche honoraire au CNRS et rédactrice au Novum Glossarium Mediae Latinitatis. Henri Rochais est coéditeur des Sancti Bernardi Opera.
Le mot du directeur de Collection
Avec un deuxième tome des Lettres (L. 42 à 93) de Bernard de Claivaux, l'édition de cette volumineuse correspondance (9 tomes prévus) est bien engagée. Précieuse pour l'historien – car Bernard est en relation avec tous les grands de son temps, le roi et les gens de cour aussi bien que le pape, les évêques ou les abbés de monastères, et intervient dans les domaines les plus variés, ecclésiastiques ou politiques –, cette correspondance est riche aussi d'enseignements doctrinaux et spirituels. Elle offre par son étendue et sa variété un accès de tout premier ordre à la connaissance d'une époque. Que le sujet de ces lettres concerne des affaires très locales, dont il n'est plus toujours possible pour nous de saisir toutes les implications, ou la vie des abbayes-filles de Clairvaux, qu'elles abordent les relations parfois conflictuelles entre l'Église et le pouvoir ou qu'elles s'adressent à des amis, ces lettres nous font connaître l'activité multiforme de Bernard et révèlent l'homme autant qu'elles nous renseignent sur la vie religieuse, sociale et culturelle du XIIe siècle.
Bernard écrit parce qu'on sollicite ses conseils ou son intervention, parce qu'il lui faut exhorter, reprendre, réconforter, recommander quelqu'un, se justifier ou simplement entretenir des liens d'amitié. Mais Bernard écrit aussi parce qu'il aime écrire, et il le fait avec une grande virtuosité, une maîtrise du style et des raffinements qui découragent souvent ses traducteurs. Il connaît à la perfection les règles de l'art épistolaire et de la composition au point de s'en jouer, en franchissant sans hésiter les limites que l'usage impose d'ordinaire à une lettre. En cela Bernard est bien l'héritier d'un Cicéron, d'un Pline le jeune ou d'un Grégoire de Nazianze, qui, chacun à sa manière, ont contribué à définir les règles de ce genre littéraire. Pourtant, malgré son amour du beau langage et d'évidentes recherches stylistiques, Bernard n'écrit pas pour briller ou faire œuvre de virtuose : l'écriture est toujours chez lui au service de l'action. On le voit ici intervenir auprès du roi de France, Louis VI le Gros en conflit avec l'évêque de Paris et d'autres évêques, n'hésitant pas à s'adresser au Pape et au chancelier de l'église romaine pour regretter que Rome dans cette affaire ait pris le parti du roi (L. 45-51). Il adresse une longue lettre (L. 78) à Suger, l'abbé de Saint-Denis, qui, après avoir rempli au service du roi Louis VI d'importantes missions et vécu dans le faste des cours royale et romaine et mené grand train, a entrepris de réformer l'abbaye de Saint-Denis. Les éloges que cela lui vaut ne dispensent pas Bernard de lui reprocher vivement sa conduite passée, avant de s'interroger, à partir du cas particulier d'un évêque-soldat, sur la place et le rôle des clercs dans le monde :« De même, dit-il, qu'il ne convient pas à la dignité d'un clerc de se mettre à la solde des rois, de même il ne sied pas à la majesté royale de faire gérer par des clercs ce qui est l'affaire d'hommes valeureux. Enfin quel roi a jamais confié son armée à un clerc, homme de paix, plutôt qu'au plus courageux de ses soldats ? »
Pour l'histoire de l'abbaye de Saint-Denis autant que par le caractère récurrent de la question posée – pensons au rôle du cardinal de Richelieu quelques siècles plus tard –, la lettre de Bernard constitue donc un document de premier ordre.
Ces exemples, pris parmi d'autres, suffisent à faire pressentir l'intérêt des lettres présentées dans ce volume. Il va bien au-delà en réalité d'un simple intérêt documentaire. À des degrés divers, toutes ces lettres de Bernard comporte un enseignement spirituel : exhortation à une vie plus sainte, à la conversion, à l'exercice de la miséricorde et de la charité, à la pratique de l'humilité. Aussi la lettre peut-elle prendre les dimensions d'un petit traité. On en trouvera deux dans ce volume: un traité sur l'accord qui devrait exister entre les mœurs d'un évêque et les devoirs de sa charge, la Lettre 42 adressée à l'archevêque de Sens, qui, jusqu'à sa « conversion », avait mené à la cour de Louis VI la vie mondaine qu'il y avait connue jeune chevalier ; un autre sur le baptême, la Lettre 77 adressée à Hugues de Saint-Victor, qui réfute certaines thèses d'Abélard et aborde, entre autres questions, celle du baptême des petits enfants. Ces deux lettres-traités ont été souvent recopiées à part et, plus tard publiées comme des opuscules indépendants.La traduction de ce tome II des Lettres de Bernard (532 pages) est due, comme pour le tome Ι, à Henri Rochais, coéditeur des Sancti Bernardi Opera ; l'introduction et les notes ont été rédigées par Monique Duchet-Suchaux, archiviste-paléographe, qui a également revu la traduction avec le concours du Père Bernard de Vregille.
(J.-N. Guinot, 2001)
Jean-Noël Guinot
Extrait(s)
(Lettre 42, p. 57-59)
Des prêtres luxueusement habillés...
Bon nombre de prêtres se préoccupent excessivement du choix de leurs vêtements; mais en ce qui concerne les vertus, aucun effort ou si peu.Si, moi, je leur rappelais cette parole de l’Apôtre : « Pas de vêtements somptueux ! », ils s’indigneraient, je le crains, tenant pour tout à fait indigne que ce conseil leur soit donné : c’est aux personnes de sexe et de rang inférieurs qu’il a d’abord été adressé, se rappelleraient-ils.Comme si les médecins ne se servaient pas du même bistouri pour inciser les rois et les gens du peuple, ou encore si c’était faire tort à une tête que d’en tondre les cheveux trop longs avec les ciseaux dont on se coupe les ongles trop longs ! Toutefois, s’ils refusent d’être frappés de la même interdiction que de faibles femmes, non par moi certes, mais par I’Apôtre, qu’ils refusent aussi de partager la même faute. Qu’ils aient honte de tirer gloire de l’ouvrage des tisseuses ou des fourreurs, et non de leurs propres œuvres. Qu’ils aient aussi en horreur d’envelopper de peaux d’hermine teintes en pourpre, appelées « gueules », leurs mains qui ont été consacrées et qui consacrent les redoutables mystères. Qu’ils répugnent aussi à en garnir leur poitrine, que décore plus décemment la perle de la sagesse. Et qu’ils aient honte d’en mettre autour de leur cou, qu’il est plus honorable et plus doux de soumettre au joug du Christ. Ce ne sont pas là les « stigmates » du Christ, qu’ils devraient, à l’exemple des martyrs, « porter sur leur corps ». On sait que ce sont là plutôt des atours dont les femmes ont coutume de se parer avec un soin excessif et dispendieux, quand elles « ne pensent évidemment qu’aux choses du monde et au moyen de plaire aux hommes ».Errata
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