• SC 453

    Grégoire de Nysse

    Discours catéchétique

    octobre 2000

    Texte grec de E. Mühlenberg (GNO III, IV). — Introduction, traduction et notes par Raymond Winling.

    Ouvrage publié avec le concours de l'Œuvre d'Orient.
    Révision assurée par Jean Reynard.
    ISBN : 9782204064712
    360 pages
    Une synthèse de la foi, par un génie cappadocien.

    Présentation

    Le Discours Catéchétique s'adresse non pas directement aux catéchumènes, mais à ceux à qui incombe la tâche de la formation liée aux sacrements de l'initiation. L'importance de cette œuvre découle du fait que c'est une somme de la doctrine chrétienne visant à donner de celle-ci une vue d'ensemble dans le cadre de l'histoire du salut. La première partie (ch. 1-4) traite du Dieu un en trois Personnes. La deuxième partie (ch. 5-32) présente l'œuvre de salut accomplie par le Logos incarné et insiste sur la juste manière de comprendre l'Incarnation. La troisième partie (ch. 33-40) explique comment se fait l'appropriation du salut à travers les sacrements. À l'heure actuelle, on ne saurait rester insensible aux efforts déployés par Grégoire de Nysse pour démontrer que la foi chrétienne n'est pas incompatible avec la raison humaine. L'auteur ne manque ni de courage pour aborder des questions épineuses ni de puissance spéculative pour réfuter les objections d'ordre philosophique. L'une des originalités du traité est qu'il souligne le rôle décisif de la résurrection du Christ.

    Raymond Winling, professeur émérite de la Faculté de Théologie de Strasbourg, a enseigné l'histoire de la théologie et l'histoire des dogmes. Il vient de publier, aux éditions du Cerf, La résurrection et l'Exaltation du Christ dans la littérature de l'ère patristique, Paris 2000. Une large place y est réservée à Grégoire de Nysse qui compte parmi les principaux théologiens de la Résurrection.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Si les évêques dispensent eux aussi un enseignement moral, spirituel ou théologique, l'une de leurs prérogatives essentielles est d'exposer la foi et la morale chrétiennes aux catéchumènes, de les instruire des sacrements et des mystères. Le Discours catéchétique de Grégoire de Nysse se distingue pourtant d'autres catéchèses baptismales, celles de Jean Chrysostome par exemple (SC 50 et 366), en ce sens qu'il ne s'adresse pas directement à des catéchumènes, mais à ceux qui ont en charge l'initiation à la foi chrétienne. Il constitue en fait un manuel à leur usage, permettant en particulier de répondre aux questions que peuvent se poser des interlocuteurs marqués par le judaïsme ou la philosophie grecque. Aussi, plutôt que de présenter la doctrine chrétienne à partir de la révélation contenue dans l'Écriture ou d'un symbole de foi, Grégoire cherche à montrer qu'elle est recevable par la raison humaine. Il y a, en effet, une cohérence dans le plan de Dieu, un enchaînement logique qui se déploie de façon dynamique jusqu'à son terme. De la création de l'homme à la chute – occasion pour Grégoire d'aborder le problème de l'origine du mal –, à l'Incarnation et à la rédemption par la croix, et enfin au salut par la foi et les sacrements, Grégoire souligne les différentes étapes de l'œuvre du salut. Un salut aux dimensions du monde, mais dans le respect de la liberté de chaque individu.

    Raymond Winling, professeur émérite de la Faculté de Théologie Catholique de Strasbourg, à qui est due l'édition de cet exposé « systématique » de la foi chrétienne, en fournit une analyse très complète dans son introduction. Après avoir situé le Discours dans le contexte politique et religieux du IVe siècle – l'épineuse question de sa datation est traitée en fin d'introduction –, il en précise la structure et en expose, avec maîtrise et clarté, tous les aspects doctrinaux – théologiques, christologiques, anthropologiques, sotériologiques et sacramentels. La richesse de cette somme doctrinale, qui embrasse toute l'histoire du salut, est ainsi bien mise en valeur et rendue aisément accessible au lecteur. Foi et raison, philosophie et théologie ne sont pas pour Grégoire antinomiques ; l'ancien rhéteur ne renonce pas à sa culture profane et philosophique : il la met au service de sa foi, en recourant à une argumentation rationnelle, propre à en montrer la cohérence à des interlocuteurs imprégnés eux aussi des catégories philosophiques de leur temps.

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Il ne s’agit pas directement d’une catéchèse, encore moins d’une homélie, mais d’une sorte de manuel à l’usage des catéchètes. Grégoire fournit aux personnes chargées d’instruire les futurs chrétiens un exposé des grandes données de la foi, avec un souci affirmé d’atteindre un public de païens (mais aussi, comme Grégoire le déclare lui-même dans la préface, un public de juifs et d’hérétiques), en montrant comment la doctrine chrétienne répond aux exigences de la raison. La catéchèse est donc structurée d’une façon rationnelle plutôt que biblique, et ne présente pas, comme beaucoup d’autres catéchèses, l’aspect presque exclusif d’une histoire sainte suivant le récit biblique. Elle s’articule néanmoins classiquement autour de la question de la création, du mal, de l’incarnation et de ses raisons, jusqu’à la mort du Christ, puis la nouvelle naissance des croyants et leur vie hors de la corruption.

    Traditionnellement datée, selon les historiens, entre 381 et 387, ce texte de Grégoire pourrait être antérieur au Contre Eunome et même remonter à son exil en 376-377, avec peut-être un ajout plus tardif des deux derniers chapitres, mais rien n’est certain. Une petite soixantaine de manuscrits nous ont transmis l’œuvre, dont la moitié sont très récents (XVIe siècle), et les deux plus anciens du XIe siècle ; sans oublier une version syriaque transmise par un manuscrit du VIe siècle. Les divisions du texte sont diverses, seule une famille présente les 40 chapitres des éditeurs modernes.

     

    L’œuvre commence, après un prologue exposant sa visée et sa méthode, par une première partie assez brève consacrée à la question de Dieu, avec les thèmes suivants : le Dieu unique ; le Logos et les limites de l’analogie humaine, un logos subsistant et doué de vie ; le pneuma, doté des mêmes caractères ; unité de la nature divine et pluralité des hypostases.

    La deuxième partie, la plus longue, traite de la création et de l’apparition du mal dans le monde. L’être humain est naturellement tourné vers Dieu ; le mal est étranger au dessein de Dieu, il surgit comme une absence de vertu, à cause de notre irréflexion. Il y eut la jalousie de l’ange, puis la tentation et le péché de l’homme. La mort ne vient que comme un remède, elle ôte en nous ce qui est corruptible et abîmé, pour que nous accueillions, par la résurrection, une vie vraiment nouvelle. L’acte décisif du salut est l’incarnation, qui n’est pas indigne de Dieu et accomplit l’union des natures humaine et divine. Le divin se limite volontairement en Jésus mais ne s’y enferme pas, de même que l’âme est présente mais libre dans le corps. L’incarnation n’est pas non plus une passion. Ses motifs, ses effets dans l’histoire. Pourquoi la venue de Dieu en personne était nécessaire : les logiques du salut (justice, rançon…). Convenance de l’incarnation, son juste moment ; un salut offert mais non imposé ; sens de la mort et de la croix du Christ.

    La troisième partie, brève, parle de l’appropriation individuelle du salut par les sacrements. Elle commence par le baptême qui régénère en ramenant la présence divine dans l’individu, et explique le symbolisme de la triple immersion. L’eucharistie agit comme un élixir de vie et rend le corps du Christ présent en prolongeant l’incarnation. Enfin, le texte revient sur la renaissance spirituelle qui nous relie à la Trinité et insiste sur l’engagement à une vie nouvelle que représente le baptême.

    Extrait(s)

    Discours XXX, 8 (SC 453, p. 279-281)

    La foi et la liberté de l’homme

    Si donc la foi est un bien, pourquoi, disent-ils, la grâce ne s’est-elle pas répandue sur tous? Si nous aussi, nous prétendions dans notre exposé que la volonté divine assigne, par la voie du sort, la foi aux hommes, si bien que les uns se trouveraient appelés et les autres exclus de cet appel, il y aurait lieu de porter pareille accusation contre le mystère de notre foi. Mais si l’appel s’adresse également à tous, sans distinction de rang, d’âge ou de race – car, dès le tout début de la prédication, les ministres de la Parole purent, sous l’effet d’une inspi­ration divine, parler tous ensemble la langue de tous les peuples, pour que personne ne fût exclu de la parti­cipation aux bienfaits de cet enseignement – comment donc pourrait-on encore raisonnablement reprocher à Dieu que sa Parole ne soit pas imposée à tout le monde? En effet, celui qui exerce sa libre domination sur toutes choses a permis, en raison du prix extrême qu’il attache à l’homme, que nous disposions aussi d’un domaine, dont chacun serait le seul maître. Il s’agit de la volonté libre, faculté exempte de servitude et douée d’autonomie, trouvant son fondement dans l’indépendance de la raison. Il serait donc plus juste de faire retomber une telle accusation sur ceux qui ne se sont pas laissés amener à la foi, et non pas sur celui qui a appelé les hommes à y adhérer.

    Discours XL (SC 453, p. 335-337)

    à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1, 12), dit l’évangile à propos des hommes régénérés. Celui qui est devenu enfant de quelqu’un est en étroite parenté avec son père. Si donc tu as reçu Dieu et si tu es devenu enfant de Dieu, montre par le choix de ta volonté le Dieu qui est en toi, montre que celui qui t’a engendré est en toi. C’est par les marques qui nous font connaître Dieu qu’il convient de faire connaître la parenté avec Dieu de celui qui est devenu fils de Dieu. Celui-ci ouvre sa main et rassasie tous les êtres à plaisir, il pardonne l’iniquité, il regrette le châtiment (Ps 145, 16 ; Mi 7, 18 ; Jl 2, 13). (…) Si tu es dans ces dispositions, tu es vraiment devenu enfant de Dieu ; si, au contraire, tu restes attaché à ce qui caractérise le mal, tu te vanteras en vain de la naissance d’en haut.

    Errata

    Page

    Localisation

    Texte concerné

    Correction

    Remarques

    58

    l. 10

    ch. 32

    ch. 37

     

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