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SC 441
Sulpice Sévère
Chroniques
mars 1999Introduction, texte critique, traduction, notes et commentaire par Ghislaine de Senneville-Grave.
ISBN : 9782204062183538 pagesIndisponible chez notre éditeurUne « histoire sainte » depuis la création du monde, écrite après 400, dans l'attente de la fin des temps.Présentation
Sulpice Sévère naît vraisemblablement sous le règne de Julien à une date inconnue, postérieure de peu à 355 et disparaît de l'Histoire vers 400. Il est vraisemblable qu'il fait des études de droit à Bordeaux et devient avocat. Sulpice Sévère est le témoin de ce demi-siècle, discret sur la chose publique, précieux pour la connaissance de la culture et de la mentalité de cette époque. Il a écrit une Vie de saint Martin qui a remporté d'emblée un franc succès auprès de ses contemporains et ces Chroniques qui sont restées dans l'ombre comme le laisse penser l'unique manuscrit découvert à ce jour ; le succès ne viendra que onze siècles plus tard. En effet c'est au XVIe siècle que les réformateurs, séduits par les idées ascétiques de l'auteur, favorisèrent la multiplication des éditions et protégèrent de ce fait l'unique manuscrit.
Par chronique ou chronographie, on entend un récit, exposé par ordre chronologique, qui couvre l'histoire sainte à partir de chacun des livres historiques de la Bible, et l'histoire de l'Église. Les thèmes qui font l'originalité des chroniques chrétiennes sont tous présents chez Sulpice Sévère : l'ancienneté de la religion chrétienne est l'une de ses idées maîtresses ; la proximité de la fin des temps est un argument qu'il utilise pour engager ses contemporains dans la voie de l'ascétisme ; l'idée millénariste vient spontanément au lecteur tant Sulpice Sévère met en valeur la chronologie des 6 000 ans. En outre, cette œuvre, qui reflète bien les différents courants de pensées du IVe siècle chrétien, nous renseigne sur les progrès de l'arianisme dans le monde occidental et constitue une source unique pour cette mystérieuse hérésie qu'est le priscillianisme.Ghislaine de Senneville-Grave a soutenu un doctorat à l’Université de Paris-IV (Sorbonne) sur les Chroniques de Sulpice Sévère.
Le mot des Sources Chrétiennes
Nous voici à la fin du IVe s., entre Toulouse et Bordeaux, à l'époque de saint Martin de Tours, que Sulpice Sévère a connu et dont il a écrit la vie en 397. Il doit du reste à cette Vie de Saint Martin, magistralement éditée par Jacques Fontaine dans la Collection (SC 133, 134 et 135), sa réputation d'écrivain. Ce succès littéraire a peut-être même en partie éclipsé l'autre grande œuvre de sa vie, ces Chroniques (no 441), dont Ghislaine de Senneville-Grave a fait le sujet de sa thèse de doctorat et dont elle donne aujourd'hui dans « Sources Chrétiennes » l'édition commentée. Le texte est, en effet, transmis par un seul manuscrit du XIe s., alors que nous en possédons un grand nombre pour la Vita Martini, à partir du VIe s.
À l'époque où il rédige les Chroniques, vers l'an 400, Sulpice Sévère a une quarantaine d'années et s'est retiré, après son veuvage, sur son domaine de Primuliacum, à proximité de Toulouse, où il mène, avec sa belle-mère, quelques amis et de nombreux esclaves, une vie placée sous le signe de l'ascétisme. Sans les lettres que lui a adressées son ami Paulin de Nole, on ne connaîtrait que très peu de choses de sa vie. Les Chroniques ne témoignent, en effet, que de son origine aquitaine, de son goût pour l'ascétisme et d'une personnalité surtout marquée par un profond pessimisme. Son projet n'est pas du reste de se raconter, mais de faire dans ces Chroniques l'histoire du peuple juif, puis du peuple chrétien, depuis la création du monde jusqu'en l'an 400 de notre ère. Le genre des chroniques est ancien, mais se double, à l'époque chrétienne, de visées apologétiques : il sert à établir l'ancienneté des origines juives de la religion chrétienne par rapport aux religions païennes. Sulpice doit naturellement beaucoup aux Chroniques grecques et latines antérieures, notamment à celle d'Eusèbe de Césarée qu'il a lue dans la traduction latine de Jérôme. L'étude des sources permet d'apprécier l'étendue de sa culture : sa connaissance des apocryphes, à côté des livres historiques de la Bible, celle de plusieurs auteurs chrétiens – Hilaire de Poitiers, mais aussi Lucifer de Cagliari, Ambroise, Jérôme et bien sûr Paulin de Nole –, celle d'auteurs profanes, en particulier l'historien latin Salluste, dont il imite si volontiers le style, reprend des thèmes et rejoint la vision pessimiste de l'histoire, ce qui lui vaudra le surnom de « Salluste chrétien ».
Avec art et clarté, Sulpice retrace donc l'histoire du monde depuis la Genèse, en s'efforçant de dater avec précision les événements. Son but n'est pas de mettre en évidence le sens spirituel de l'histoire ou d'y repérer les figures du Christ ou de l'Église : il fait le choix de s'en tenir à la stricte histoire événementielle d'un monde qui doit, pour lui, s'achever avec le sixième millénaire et dont il pressent la fin. Les drames qui déchirent le monde chrétien, l'hérésie arienne et celle de Priscillien, pour laquelle Sulpice est pour nous un informateur de premier ordre, en sont les signes avant-coureurs et le renforcent dans son pessimisme. Ces Chroniques doivent se lire, comme le montre G. de Senneville-Grave, en référence aux six jours de la semaine primordiale, dont le symbolisme sert de fondement à la chronologie de Sulpice. On s'étonnera moins alors que la bataille de Marathon, 5000 ans après la création, y devienne, plus que la naissance du Christ en 5500, une date charnière, puisque, avec Marathon, s'ouvre le sixième millénaire, le dernier jour de la semaine du monde. Au-delà du récit des événements et de leur datation, ces Chroniques laissent donc entrevoir chez Sulpice Sévère une véritable théologie de l'histoire.Jean-Noël Guinot
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Les Chroniques sont une « histoire sainte » du monde, depuis la création, fondée sur le témoignage des Écritures, et s’achevant avec l’histoire de l’hérésie priscillienne (exécution de Priscillien en 385). Destinée à établir l’ancienneté de la religion chrétienne, cette histoire est fortement marquée par la proximité de la fin des temps et des conceptions millénaristes, la durée du monde étant estimée à 6 000 ans (d’après les six jours de la création). Sulpice Sévère l’aurait rédigée après 400 (date du consulat de Stilicon).
Le texte est édité sur la base d’un manuscrit unique, le Vaticanus Palatinus Latinus, datant du XIe siècle et provenant de la région rhénane. L’apparat critique intègre des leçons d’éditions antérieures.
Préface
Livre premier
Genèse, chapitres 1-11 des Chroniques : Le point de départ – Le déluge, 2242 ans après la création — Naissance d’Abraham, 3312 ans après la création – Isaac et Jacob – La descente en Égypte. L’Exode (12-39) : Le peuple opprimé et Moïse – La sortie d’Égypte, 3817 ans après la création – Vers le Sinaï – La loi mosaïque – La vie au désert.
Les Nombres et Josué 20-22 : La fin de l’Exode – L’installation en terre Promise – Mort de Josué, 3884 ans après la création.
Les Juges (23-28) : Les rythmes de l’alliance – Gédéon, Abimélech, Jephté – Samson – Sa mort, 4303 ans après la création.
Les Livres des Rois (29-53) : Mauvais état du peuple – Samuel et Saül – Saül et David – Salomon – Construction du Temple, 4004 ans après la création – Le schisme – Élie – Les deux royaumes – Jonas – Fin du royaume du Nord. Tobie – Ézéchias – Josias – Déportation à Babylone, 4840 ans après la création.
Livre second
Domination chaldéenne ; 70 ans à Babylone, chapitres 1-7 : Daniel – Jérusalem et Babylone – Daniel à nouveau.
Domination perse, 8-1 : Difficile reconstruction de Jérusalem – Marathon, 5000 ans après la création – Remise du Temple en état – Esther – Judith.
Domination grecque, 17-26 : Juifs et Grecs – Les Séleucides et la résistance juive – Judas Maccabée – Jonathan et Simon Maccabée – Les Hyrcanides.
Les temps chrétiens, 27-34 : Jésus, 5500 après la création – Début des persécutions – Chute de Jérusalem – La victoire des martyrs – L’Empire chrétien.
L’hérésie arienne, 35-45 : La nouvelle menace – Les intrigues. Athanase – La violence ouverte – Les symboles de Rimini et de Séleucie – La victoire finale des exilés.
L’hérésie priscillienne, 46-51 : naissance du mouvement – Le conflit – Dénouements malheureux.
Extrait(s)
II, 34 (p. 303) : l’invention de la vraie croix à Jérusalem
C’est grâce à cette souveraine [Hélène, mère de Constantin] que la croix du Seigneur fut alors retrouvée. Au début, devant l’opposition des Juifs, elle n’avait pu être reconnue comme sacrée, et, par suite, elle avait été ensevelie sous les décombres de la ville détruite : découverte bien méritée par celle qui avec tant de foi avait recherché. Ainsi donc, Hélène s’informa d’abord du lieu de la Passion et elle fit venir une troupe de soldats et la multitude des gens de la province qui rivalisaient d’empressement envers la souveraine ; elle ordonne la fouille du terrain et le déblaiement des ruines dans tous les abords sur une aire très large. Bientôt, pour prix de cette foi et de cette peine, on trouva ensemble trois croix, comme jadis celles qui avaient été plantées pour le Seigneur et les deux larrons.
II, 50, 1-2 (p. 341-343) : S. Martin défend Priscillien
Ainsi, tous ceux qui avaient été entraînés dans l’affaire comparurent devant le souverain. Les suivirent, aussi comme accusateurs, les évêques Hydace et Ithace, dont je ne blâmerais pas la passion à venir à bout des hérétiques, s’ils n’eussent combattu avec plus de passion de vaincre que nécessaire. Mais pour dire le fond de ma pensée, accusés et accusateurs se partagent mon antipathie ; en tout car, j’affirme nettement qu’Ithace était un homme sans valeur morale ni religieuse : effronté, bavard, cynique, dépensier, extrêmement porté aux plaisirs du ventre et du gosier. Il en était venu à un tel point de sottise qu’il intentait des accusations à tout le monde comme partisan ou disciple de Priscillien, même de saints hommes qui avaient le goût de lire l’Écriture ou le propos de rivaliser en jeûnes. Ce misérable osa même en cette occasion imputer publiquement à l’évêque Martin, un homme en tout comparable aux apôtres, la honte de l’hérésie.
En effet, Martin séjournait alors à Trèves et il ne cessait de réprimander Ithace, pour qu’il retirât sa plainte, et de demander à Maxime de ne pas verser le sang de malheureux : il suffisait, et amplement, que ceux qui avaient été jugés hérétiques par la sentence des évêques fussent chassés de leurs Églises ; c’était un sacrilège barbare et inouï que la remise à un juge séculier d’un jugement en une cause ecclésiastique.II, 51, 5 (p. 347) : les imitateurs de saint Martin
Pendant ce temps [l’exécution de Priscillien, première exécution d’un chrétien par des chrétiens], parmi les nôtres une suite interminable de désaccords avait allumé une guerre qui, entretenue déjà depuis quinze ans par de sordides dissentiments, n’avait pu d’aucune façon s’apaiser. Et maintenant qu’on voyait manifestement tout bouleversé et confondu comme jamais par les désaccords entre les évêques et tout fourvoyé par leur fait par la haine ou la complaisance, la peur, l’inconséquence, la jalousie, l’intrigue, la sensualité, la cupidité, la présomption, la somnolence, l’apathie, en fin de compte, le plus grand nombre, en des projets extravagants et des passions obstinées, combattait le petit nombre de ceux qui pensaient raisonnablement. Au milieu de tout cela, le peuple de Dieu et quiconque vivait la perfection étaient objets de moquerie et de dérision.
Errata
Page
Localisation
Texte concerné
Correction
Remarques
78
l. 6
TERTULLLIEN
TERTULLIEN
221
Fin du § 3
euisdem gentis non traduit
239
l. 1
Traduction de perfecti sunt à revoir.
251
l. 2
Traduction de paucitatem à revoir.
502
col. 2, l. 24
R. Halm
R. Helm
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