• SC 437

    Eudocie

    Centons homériques
    Homerocentra

    septembre 1998

    Introduction, texte critique, traduction, notes et index par André-Louis Rey.

    Ouvrage publié avec le concours de la Faculté des Lettres de l'Université de Genève.
    ISBN : 9782204059985
    545 pages
    Homère racontant l'histoire du Christ ? Le caprice littéraire d'une impératrice au 5e siècle.

    Présentation

    Le centon, forme extrême de paraphrase, met au service d'un propos narratif – c'est ici l'économie du salut, de l'Incarnation à l'Ascension – un matériau littéraire emprunté à un genre classique et prestigieux – en l'occurrence l'épopée homérique. Une première collection de ces curieux chapitres, homériques et chrétiens à la fois, fut imprimée dès la Renaissance (Alde Manuce, 1502), et pour la dernière fois en 1793.

    La collection que l'on trouvera ici, très révélatrice des difficultés d'une telle composition, n'avait encore fait l'objet que d'une édition partielle (1897). Largement ancrée dans les débats christologiques du Ve siècle, elle reflète une tendance extrême à la dissociation de la forme et du contenu, et constitue une étape significative des relations entre littératures hellène et chrétienne, aux côtés du Christus Patiens (SC 149).

    André-Louis Rey a consacré sa thèse de doctorat à la première édition complète et au commentaire de cette collection de centons homériques, accompagnée ici d'une traduction. Il enseigne la littérature byzantine à l'Université de Genève.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    C'est au Ve siècle et à l'époque de la crise nestorienne que se situent la composition ou, plus exactement sans doute, le remaniement par l'impératrice Eudocie, la femme de Théodose II, d'un ensemble de cinquante Centons homériques, dont André-Louis Rey, Maître-Assistant à l'Université de Genève, vient de donner la première édition complète. Le procédé du centon, qu'il soit homérique ou virgilien, consiste à emprunter les vers du poète antique – ici ceux de l'Iliade et de l'Odyssée – pour les appliquer à un propos chrétien. Ainsi est retracée, avec des vers d'Homère, au fil de ces centons, toute l'histoire du salut, depuis l'Incarnation jusqu'à la Passion, la Résurrection et l'Ascension. On y retrouve, transposés en langage homérique, la plupart des épisodes évangéliques et des récits de miracles. Peu importe d'ordinaire le contexte auquel le centoniste emprunte son matériau, et les parallélismes que l'on peut entrevoir, entre la situation d'Ulysse et celle du Christ par exemple, ne sauraient jamais être poussés très loin. Le vers repris d'Homère est appliqué à un propos chrétien. L'avantage est double : cette technique permet d'abord l'apprentissage de la langue épique sans exposer l'enfant à l'influence pernicieuse du poète païen, chez qui les aventures des dieux sont loin d'être toujours convenables ou morales, mais elle lui permet aussi de mémoriser les principales scènes évangéliques. Il semble bien, en effet, que la finalité première de ces centons ait été scolaire : ainsi Homère reste-t-il, au Ve siècle comme à l'époque byzantine, le fondement de l'éducation du jeune grec, mais un Homère christianisé ou, pour le dire peut-être de manière plus exacte, qui prête à l'Évangile sa forme poétique.

    Dans l'Introduction, après avoir fait le point sur les différentes collections de Centons homériques chrétiens, A.-L. Rey s'efforce de cerner la personnalité de leurs auteurs. La critique, selon lui, a trop exclusivement souligné jusqu'ici le rôle de l'impératrice Eudocie dans la composition de ce recueil, en raison de son rang et peut-être de sa biographie romanesque. Sans nier l'importance de son intervention, qu'il situe à l'époque de son second séjour-exil à Jérusalem, il y voit pourtant la reprise et la retouche d'un recueil plus ancien attribué à un certain Patricius. Deux autres centonistes, le philosophe Optimus et Côme de Jérusalem interviendraient aussi dans l'histoire de ce recueil, sans que l'on puisse définir la nature exacte de leur travail. L'édition savante, que nous procure A.-L. Rey, d'un texte de nature très particulière et à l'histoire complexe, est accompagnée d'une traduction française vers à vers, qui restitue bien l'étrangeté de l'original – faire d'Homère le chantre du mystère chrétien relève du paradoxe ! –, et d'une annotation qui aide le lecteur à aborder plus facilement un genre qui aurait risqué autrement de lui paraître déroutant. Ce livre devrait retenir tout particulièrement l'attention de ceux qui s'intéressent au genre du centon, chrétien ou non, à celui de la paraphrase biblique et plus généralement aux questions de réécriture aux IVe et Ve siècles.

    (J.-N. Guinot, 1998)

    Jean-Noël Guinot

    Extrait(s)

    (p. 375)

    Sur Lazare

    Plus tard de ses yeux l’aperçut un de ses compagnons

    qui pleurait à chaudes larmes, et il annonça la douloureuse nouvelle,

    plein d’affliction ; il menait chez Hadès un compagnon sans reproche :

    « Écoute-moi, Dieu hier venu en notre demeure,

    car je te parlerai en toute sincérité et sans rien te cacher

    tu vas apprendre la nouvelle de ce qui jamais ne devait survenir.

    Oui, mon propre frère est mort, lui dont la valeur n’était pas la moindre,

    et il voua ses parents à d’indicibles lamentations et au deuil ;

    mais toi, fais-Je bouger, qu’il se hâte lui-même,

    bien en vie : pour l’heure, sort et trépas l’ont atteint. »

    Beau comme un dieu, Celui-que-Dieu-entend lui adressa la parole :

    « Courage, et ne te laisse pas trop envahir ainsi par la crainte ;

    mais allons ! Mon bon, reste auprès de moi et vois l’ouvrage ;

    je vais en effet te dire ce qui s’accomplira :

    un homme qui est mortel, voué de longue date à son destin,

    qui se trouve chez Hadès, le ferme huissier,

    je le veux à l’inverse affranchir de la mort cruelle. »

    Errata

    Page

    Localisation

    Texte concerné

    Correction

    Remarques

    40

    l. 17-18

    Eudocie  ;

    Eudocie ;

    Ponctuation à la ligne.

Volumes SC connexes