• SC 416

    Grégoire de Nysse

    Homélies sur l’Ecclésiaste

    juin 1996

    Texte grec de l’édition P. Alexander. — Introduction, traduction, notes et index de Françoise Vinel.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National du Livre et de l'Œuvre d'Orient.
    ISBN : 978-2-204-05355-6
    446 pages

    Au cœur des vanités et du temps des hommes, le Christ, véritable ecclésiaste, appelle au temps de Dieu.

    Présentation

    Ces huit Homélies de Grégoire de Nysse constituent le premier témoignage développé de l’intérêt porté par les Pères à l’Ecclésiaste. Dans l’interprétation qu’il donne des trois chapitres de ce livre, Grégoire insiste peu sur la dimension christologique du texte ; il s’attache plutôt à lire dans les déclarations du personnage de l’ecclésiaste une confession du roi Salomon, le récit-bilan de sa vie. En développant le thème de la vanité du monde, que souligne l’affirmation répétée : « Vanité des vanités, tout est vanité », Grégoire désire moins inviter, de façon traditionnelle, au mépris du monde qu’exhorter à lire dans le monde un chemin qui conduit à Dieu. C’est donc à une double réflexion, sur la nature de l’univers (macrocosme) et sur celle de l’homme (microcosme), qu’il convie son lecteur, pour qu’il prenne une juste conscience de son être, de sa place dans le monde et de ses limites. La réflexion sur le concept de temps – physique, éthique et eschatologique – joue à cet égard un rôle essentiel et permet de mesurer ce que cette exégèse biblique doit aussi à la philosophie grecque. Avant d’aborder la mystique du Cantique des Cantiques, également commenté par le Cappadocien, l’étape de l’Ecclésiaste, qui relève de la « physique », c’est-à-dire d’une réflexion sur l’existence de l’homme dans l’espace et le temps du cosmos créé, est celle de la séparation du monde et d’une conversion au bien.

    Les Homélies sur l’Ecclésiaste de Grégoire de Nysse sont ici traduites pour la première fois en français par Françoise Vinel, d’après le texte grec édité en 1962 par P. Alexander.

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Sont donc parues les Homélies sur l'Ecclésiaste de Grégoire de Nysse, éditées par Françoise Vinel qui en avait fait le sujet d'une thèse de Doctorat et qui en donne ici, à partir du texte grec établi et édité par P. Alexander (Gregorii Nysseni Opera, vol. V, 1962), la première traduction française.
    Même si ces huit homélies ne commentent que les trois premiers chapitres de l'Ecclésiaste (1-3, 13), elles forment néanmoins une œuvre achevée : au thème de la vanité du monde développé dans les cinq premières homélies font écho dans les trois dernières l'appel à la conversion et l'invitation à faire le bien. Dans la trilogie salomonienne – Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des Cantiques –, que les Pères conçoivent comme un itinéraire à la fois philosophique et chrétien, l'Ecclésiaste, en proclamant la vanité du monde sensible, constitue une propédeutique à la lecture mystique du Cantique. Ces homélies, qui datent de la première partie de l'œuvre de Grégoire, contiennent déjà la plupart des thèmes philosophiques, théologiques et exégétiques qui trouveront, à la fin de sa vie, dans ses Homélies sur le Cantique, une expression achevée. Tout en conservant à l'exégèse moralisante une place importante, Grégoire se livre dans ces homélies à une riche réflexion philosophique sur l'être et ses limites, sur le microcosme qu'est l'homme dans le macrocosme de l'univers et sur le concept de temps : à partir de l'expérience d'un temps limité et discontinu que révèle à Salomon le bilan de sa vie, Grégoire veut conduire son auditeur à faire l'expérience du temps de Dieu, celui de l'expérience mystique. Parallèlement à cette réflexion philosophique, Grégoire conduit aussi dans ces homélies une réflexion sur l'Église. Pour lui, le véritable « ecclésiaste » n'est autre que le Christ : c'est lui qui guide l'Église et en assure l'unité par-delà toutes les divisions et les hérésies, déchirures d'une tunique qu'il faut savoir recoudre au moment opportun (Homélie VII, 7).

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Grégoire de Nysse a pu écrire ses Homélies en 378-379, afin de livrer un enseignement pour l’Eglise fondé sur une lecture actualisante du texte, alors que la chrétienté se déchire et qu’il faut débattre avec les hérétiques. Ces huit Homélies peuvent être considérées comme le point de départ de l’ecclésiologie nysséenne, ainsi qu’un jalon important dans la constitution de son herméneutique. Si elles datent de la première partie de l’œuvre de Grégoire, elles font place, par leur ampleur, à toute la diversité des thèmes philosophiques, théologiques et exégétiques qui trouvent leur pleine expression dans les Homélies sur le Cantique, datées généralement de la fin de sa vie.

    Le texte grec se conforme à peu de choses près à celui proposé par P. Alexander en 1962, In Ecclesiasten Homiliae, volume V des Gregorii Nysseni Opera, p. 277-442, dans lequel sont présentés les 28 manuscrits collationnés pour l’édition. La présente édition introduit un certain nombre de paragraphes afin de simplifier la lecture, et présente la liste des quelques modifications opérées.

     

    Les Homélies s’attachent à commenter l’Ecclésiaste jusqu’au chapitre 3, verset 13, ce qui pourrait être le signe d’une division ancienne du texte biblique. Les cinq premières homélies forment un ensemble qui démontre l’affirmation que « tout est vanité ». Les homélies six à huit sont consacrées à l’interprétation d’Eccl. 3, 1-8, avec des réflexions variées.

    L’Ecriture est le seul critère de vérité, mais pour autant, la totalité du texte biblique commenté n’est pas cité. Grégoire est essentiellement préoccupé de marquer les liaisons de l’Ecriture avec tous les domaines de la réalité (l’akolouthia). S’il reprend certaines interprétations du texte, il présente également les siennes, et utilise d’autres textes de la Bible pour expliciter l’Ecclésiaste, notamment Gn 1, 26 et Sg 13, 5, tout en s’attachant en priorité au sens global du texte. Le but de Grégoire revêt deux formes : formuler une théorie de la connaissance qui repose sur la distinction du sensible et de l’intelligible, pour aboutir à un projet d’ordre éthique : apprendre à l’âme à désirer l’invisible.

    Extrait(s)

    p. 375

    [Moment pour déchirer et moment pour coudre]

    De la même façon, il sait au moment opportun arracher la partie souillée de la tunique de l’Église et inversement la recoudre au moment opportun, chaque fois qu’elle a été lavée de sa tache grâce au repentir. Et il est possible de voir, dans les plus anciens des récits autant que dans nos vies, de nombreux exemples semblables de ce qui s’accomplit selon l’économie dans les Églises. Vous savez en effet à quoi nous sommes arrachés et à quoi nous sommes toujours recousus. C’est en nous séparant de l’hérésie que nous sommes sans cesse recousus à la piété, et c’est quand elle est arrachée à la communion avec l’hérésie que nous voyons la tunique de l’Église sans déchirure. Mais que le discours, conformément à la réflexion menée précédemment, soit une réflexion philosophique sur les êtres ou qu’il nous enseigne de semblables choses en recourant à ce conseil, de toute manière elle contient quelque chose d’avantageux et d’utile, la parole qui déchire au moment opportun ce dont l’assemblage est mauvais, et ajuste au contraire au moment opportun ce dont l’union est avantageuse.

     

    Homélie VI

    1. « Il y a un moment pour tout et un moment pour toute chose sous le ciel. » (Qo 3, 1) C’est le commencement des paroles proposées à notre étude. Si l’effort que nous coûte notre recherche n’est pas petit, le gain qui résultera de notre effort vaut bien cet effort. Peut-être en effet le but de ce qui a été étudié au début du livre nous apparaît-il particulièrement dans cette partie, comme le montrera la progression du texte dans son enchaînement. On a condamné comme vaines, dans les paroles précédentes, toutes les préoccupations de la vie humaine qui ne sont d’aucun gain pour l’âme. On a fait entrevoir le bien vers lequel il faut regarder avec les yeux qui sont dans la tête et, à ceux qui se proposent une jouissance corporelle, l’on a opposé la nourriture de la sagesse. Il reste à savoir comment mener une vie vertueuse en recevant du texte un art et une voie, pour ainsi dire, pour rectifier sa vie. Et c’est ce que la recherche proposée par ces paroles nous promet dans le prologue, où il est déclaré : « Il y a un temps pour tout et un moment pour toutes choses sous le ciel ». Tout homme en effet qui pénètrerait dans la profondeur de cette pensée trouverait qu’il y a, comprise dans ces mots, beaucoup de philosophie qui nous porte à la contemplation et nous conseille ce qui est utile. Et pour qu’il y ait, en peu de mots, un accès à l’étude de ce qui est dit, voici comment nous comprendrons le texte : parmi les êtres, il y a ce qui est matériel et sensible, et ce qui est intelligible et immatériel. Parmi ces derniers, l’incorporel se trouve au-dessus de la saisie sensible, et nous le connaîtrons lorsque nous nous serons dépouillés de nos sensations. Et la sensation qui perçoit la nature matérielle ne peut pas, par sa nature, franchir le corps céleste et pénétrer jusqu’à ce qui est au-delà des phénomènes. Si le texte nous parle des réalités qui sont « sur la terre » et « sous le ciel », c’est pour nous apprendre à passer cette vie-ci sans faux pas. (…)

    Errata

    Page Localisation Texte concerné Correction Remarques
    126 l. 4  
    139 l. 2 la faiblesese la faiblesse  
    139 milieu sa subsistence sa subsistance  
    178 n. 2 ὀμιχλή ὀμίχλη  
    228 l. 9 ἀπεμπολών ἀπεμπολῶν  
    230 l. 13  
    236 l. 6 ἐλπίς ἐλπὶς  

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